Au Maroc, la demande électrique à satisfaire est maximale en puissance et en énergie durant l’été depuis des décades. Sans doute à cause de la spécificité des circuits d’alimentation du réseau avec une demande modérément réduite, les pertes ont toujours été minimales au dernier trimestre… mais cette dernière règle semble être en train de changer depuis quelques trimestres : exception ou nouveauté, l’avenir le dira.
Sauf quand spécifiquement mentionné, les sources de données sont strictement officielles :
- internationales pour les revenus[1],
- nationales pour les données énergétiques[2], [3], [4], [5], [6].
Les données rapportées dans le Tableau 1 sont celles du Maroc pour le dernier trimestre de l’année. Le Tableau 1 remonte volontairement à l’année avant COVID (2019).
Tableau 1 Demande et offre d’électricité du 2ème trimestre de 2024 comparé à deux autres années précédentes
Les données de l’électricité nette appelée sont plus précises que celles des livraisons qui contiennent des relevés manuels entachés d’anachronisme et d’erreurs d’estimation. Ceci dit, bien que les livraisons totales de l’ONEE en aval aient baissé de -138 GWh (soit -1.5%) par rapport à 2023, il a pourtant fallu que l’électricité nette appelée monte que de +142 GWh (soit +1.3%) pour répondre à la demande. Avant tout calcul, ceci ne peut s’expliquer que par une hausse des pertes en ligne par rapport à 2023 (17.9% soit +2,3% en absolu), qui deviennent inquiétantes bien qu’elles soient en partie causées dues par la hausse de l’électricité importée (+511 GWh soit +194.4%) durant ce 2ème trimestre de 2024 par rapport à 2023.
Lorsque les 875 MW des centrales au gaz naturel de Tahaddart et Aïn Beni Mathar étaient à l’arrêt en 2022, l’appel aux imports a non seulement permis d’approvisionner le Nord du Maroc mais aussi de baisser les pertes. Une fois celles-ci redémarrées, c’est, à l’inverse, la baisse des imports qui tend à baisser les pertes.
La Figure 1 montre que les minimums des pertes moyennes trimestrielles (encerclés) se sont toujours situés aux derniers trimestres sauf en 2023/24 où le minimum des pertes s’est déplacé vers le 1er trimestre de 2024.
Figure 1 Livraisons totales de l’ONEE-BE (bleu) et ses pertes moyennes trimestrielles (rouge) entre 2017 et mi-2024
Durant ce 2ème trimestre de 2024, la hausse de la demande a été satisfaite par une offre combinant :
- une hausse de +511 GWh (+194.4%) des imports nets d’électricité,
- une baisse de -357 GWh (-3.4%) de la production nette locale :
- surtout tirée par la baisse de la production thermique à partir de fossiles de ‒15.8%,
- mais compensée par la production d’électricité renouvelable (de +992 GWh soit 44,5%) surtout entraînée par la hausse de l’éolien (+78.5% à laquelle nous reviendrons) compensant les baisses simultanées du solaire (˗18,4%) et de l’hydraulique conventionnelle (˗14.4%).
La Figure 2 montre le schéma simplifié des flux d’électricité jusqu’à la sortie du réseau de l’ONEE-BE durant le 2èmetrimestre 2024. Le schéma reprend et complète les données du Tableau 1.
Figure 2 Schéma des flux d’électricité jusqu’à la sortie du réseau de l’ONEE-BE durant le 1er trimestre 2024
L’intensité des émissions des gaz à effet de serre de la production nette d’électricité ne peut encore être calculée car nous ne disposons que d’estimations saisonnières de la décomposition du thermique fossile (charbon, gaz naturel, fuel et gasoil). Malgré cela, compte tenu de la combinaison de la baisse de la part du thermique fossile (‒1’316 GWh soit -15.8%) à la hausse de celle des renouvelables (+992 GWh soit +44.5%), il est aisé de prévoir que les émissions de gaz à effet de serre vont baisser durant ce 2ème trimestre 2024 par rapport à celui de 2023 où l’intensité était de 680 gCO2/kWh de Production Nette locale.
Quand la production renouvelable progresse, le pays coche trois cases : l’indépendance énergétique, l’environnement et l’économie de devises. Comme précédemment prédit, un optimisme raisonnable est permis pour 2024[7], [8], malgré la panne de la Centrale Solaire de NOOR III[9].
Références
[1] Banque Mondiale, https://donnees.banquemondiale.org/pays/maroc?view=chart
[2] Royaume du Maroc, Ministère de l’Energie, des Mines et de l’Environnement, Portail qui a été désactivé des statistiques de l’Observatoire Marocain de l’Energie (OME), https://www.observatoirenergie.ma/data/
[3] Royaume du Maroc, Ministère de l’Economie, des Finances, et de la Réforme de l’Administration, Direction des Etudes et des Prévisions Financières (DEPF), Notes de Conjoncture, http://depf.finances.gov.ma/etudes-et-publications/note-de-conjoncture/
[4] Royaume du Maroc, Ministère de l’Economie, des Finances, et de la Réforme de l’Administration, Direction du Trésor et des Finances Extérieures (DTFE), Notes de Conjoncture, https://www.finances.gov.ma/fr/Nos-metiers/Pages/notes-conjoncture.aspx
[5] Royaume du Maroc, Bank Almaghrib, Revue de la Conjoncture Economique, http://www.bkam.ma/Publications-statistiques-et-recherche/Documents-d-analyse-et-de-reference/Revue-de-la-conjoncture-economique
[6] Haut Commissariat au Plan, Annuaire Statistique du Maroc, Version électronique après 2013 https://www.hcp.ma/downloads/Annuaire-statistique-du-Maroc-version-PDF_t11888.html, Version papier ou scannées avant 2013 https://cnd.hcp.ma/
[7] Amin Bennouna , « Les faits marquants de l’éolien 2023 ne suscitent pas la liesse auprès de la presse !« , EcoActu, 02 Février 2024, https://ecoactu.ma/aits-marquants-eolien-2023/
[8] Amin Bennouna, « Les échanges d’électricité avec l’Espagne prévus sous de très bons auspices pour 2024« , EcoActu, 08 Février 2024, https://ecoactu.ma/echanges-electricite-maroc-espagne/
[9] Amin Bennouna, » NOOR 3 : anatomie d’une panne« , 01 Avril 2024, https://ecoactu.ma/noor-3-ouarzazate-solaire-acwa/