Discours royal et rapport de la cour des comptes convergent sur l’inefficacité de l’investissement public.
Le discours à la Nation prononcé le 29 juillet 2018 par le Souverain à l’occasion de la fête du Trône est à forte connotation sociale. Le Souverain a mis l’accent sur plusieurs défaillances et incohérences qui se répercutent sur le quotidien des citoyens.
Entre autres incohérences, le faible impact de l’investissement sur la croissance économique et, par ricochet, sur le cours de la vie des Marocains. Les efforts d’investissement entamés au cours des dernières années n’arrivent pas encore à booster le taux de la croissance économique comme il se doit. En cause l’investissement public se caractérise par une faible productivité voire un impact modeste sur la croissance économique et le développement des régions et du pays en général.
Même le numéro 1 de la Cour des comptes, Driss Jettou, dans le rapport annuel 2017 présenté au Souverain à l’occasion de la fête du Trône, a pointé du doigt l’effet limité de cet effort d’investissement sur la croissance économique de manière globale et sur la création de l’emploi plus précisément. Le comble est que le Maroc se trouve parmi les pays qui consacrent une part importante de sa richesse aux investissements publics. Le rapport investissement/PIB se situe à près de 33%. Comparativement à des pays à développement similaire, le taux est jugé bon. Mais s’agit-il d’un investissement judicieux si l’on prend en considération qu’il génère seulement un taux de croissance économique annuel moyen de 3%.
Evaluations, audits et sanctions…, la clé de voûte
Les économistes attribuent le faible impact sur la croissance économique à un problème de convergence et d’intégration des différentes stratégies et politiques publiques de développement ainsi que de la pertinence des choix de l’investissement. Assurément le choix des investissements est un épineux problème. Plusieurs investissements publics ayant coûté des millions de Dirhams se sont avérés foireux. Pis encore, leur entretien et maintenance continuent à peser lourdement sur le Budget de l’Etat. Le dernier investissement en liste est celui des bus électriques à Marrakech, ayant vu le jour dans l’euphorie de la COP 22, qui n’est pas rentable. Les exemples des investissements abandonnés ou délaissés à cause de leur inefficience sont légion. D’où la nécessité d’asseoir la décision d’investissement sur des études de faisabilité et de rentabilité économique et sociale. Cette rentabilité devrait être mesurée par des indicateurs de performance calculables, vérifiables et auditables. Les projets d’investissement doivent subir des évaluations à mi-parcours, et à la fin pour s’assurer de la réalisation des objectifs et de procédés, faire l’objet des sanctions, consécutivement à ces évaluations.
L’absence de ces études et de ces indicateurs rendent, dans plusieurs cas, la décision de l’investissement parfois tributaire de l’intérêt personnel du maître d’ouvrage au détriment de l’intérêt général. Autrement dit, plusieurs investissements réalisés sont à connotation politique au lieu de reposer sur la rentabilité et la profitabilité.
Aussi, l’identification des projets à réaliser n’émane-t-elle pas généralement de stratégie ou de schéma directeur mais elle est plus animée par des intérêts électifs.
Autre point à souligner est l’optimisation de la dépense publique dans la mesure où certains marchés publics sont adjugés à des montants largement supérieurs à leur coût réel. Et pour cause, leur estimation ne repose pas sur des bases scientifiques et économiques. D’ailleurs plusieurs maîtres d’ouvrages n’agissent pas en bon père de famille dans la gestion du budget alloué.
Parmi les entorses reconnues aux investissements publics, celles constatées dans le rapport de la Cour des comptes relatives aux écarts entre les quantités réalisées et celles facturées. Ce qui se traduit par un renchérissement du coût des projets.
Face à ces distorsions, l’accent doit être mis davantage sur les évaluations aussi bien financières, physiques que qualitatives et ce à travers l’intensification des opérations de contrôle, d’inspection et d’audit.
Une chose est sûre : la création d’emplois et l’instauration d’un système de protection sociale moderne et décent passent par un bond qualitatif dans les domaines de l’investissement et de l’appui au secteur productif national.