La Fédération Marocaine des Éditeurs de Journaux (FMEJ) a suivi, avec stupéfaction et stupeur, le contenu de la vidéo fuitée d’une réunion de la commission de déontologie et des affaires disciplinaires relevant de la Commission provisoire chargée de la gestion du secteur de la presse.
Cette vidéo, mise en ligne sur la chaîne YouTube du site Badil par le confrère Hamid El Mahdaoui, constitue un véritable massacre en matière de droits et d’éthique commis à l’encontre de la presse, de l’indépendance de la justice et du principe même de l’autorégulation.
La logique conspiratrice révélée par cette réunion-scandale n’est pas un acte isolé, mais a commencé avec la planification de la scission au sein de l’instance historique des éditeurs et la condamnation à mort, dans les coulisses obscures, de la FMEJ ainsi que de tout ce qu’elle a défendu pendant plus de deux décennies en matière de liberté, d’indépendance, de crédibilité, de compétence, d’expertise et de sérieux.
Il s’en est suivi l’écartement délibéré de la FMEJ de tout dialogue ou concertation, en violation de tous les textes en vigueur, le recours a la pression par tous les moyens sur ses membres, et le refus d’organiser des élections du Conseil National de la Presse (CNP), dont le mandat était arrivé à expiration. Cela s’est également traduit par la création d’une commission provisoire dotée d’un mandat de deux ans tout en excluant deux commissions de cette structure provisoire au seul motif qu’elles étaient présidées par deux membres élus appartenant à la Fédération.
Le Chef du gouvernement a, ensuite, nommé deux membres de la même association, nouvellement créée, pour que la commission parle d’une seule voix, et à la constitution par le ministre de la communication d’une commission d’aide publique à la presse comprenant quatre membres de cette même association et elle seule.
Et même la présidence des jurys des Prix de la presse, au cours des trois dernières années, n’a pas échappé à cette logique hégémonique. S’en est suivi aussi le ciblage des associations de la presse sportive et la mainmise sur la gestion des accréditations pour la couverture des compétitions sportives de football par cette même instance à laquelle ont été confiés les clés du secteur. C’est là que réside le danger de ce qu’a révélé la vidéo-scandale de la commission de déontologie, dont tous les membres appartiennent à la même organisation.
Malgré tout cela, ceux qui ont ourdi ce complot dans l’ombre n’ont pas réussi à exécuter leur verdict d’extinction contre la Fédération et ce qu’elle représente, ni à faire plier les esprits libres, ni à rallier une opinion publique vigilante, et ce en dépit des lourds dégâts causés au secteur, et dont le dernier exemple en est le projet de loi anticonstitutionnel et confiscatoire du CNP, rejeté par tous, à l’exception de la même partie à l’origine du scandale et de ses alliés.
En conséquence, la FMEJ tient à souligner ce qui suit :
- Elle condamne fermement ce qu’ont révélé les vidéos publiées, lesquelles mettent en évidence une vacuité intellectuelle et une déchéance morale et juridique, illustrées par la bassesse du langage, la vulgarité du lexique utilisé dans les échanges et la logique revancharde qui imprègne le discours et la pensée de la commission de déontologie professionnelle, ainsi que par les atteintes graves aux exigences de la justice disciplinaire, y compris celles portées à la dignité du confrère Hamid El Mahdaoui, à celle de sa défense, et aux droits que lui garantit la loi.
- Elle exige l’ouverture d’une enquête par la justice et les autorités compétentes, afin d’examiner toutes les circonstances de ce qui est arrivé au confrère El Mahdaoui et à tous les confrères ayant fait l’objet de sanctions disciplinaires, ainsi que l’ensemble du bilan de la commission provisoire, de déterminer les responsabilités, de sanctionner juridiquement les personnes impliquées, et d’informer l’opinion publique, professionnelle et nationale, des résultats de l’enquête.
- Elle demande la suspension de la procédure législative en cours à la Chambre des conseillers concernant le projet de loi relatif à la réorganisation du CNP, car ses arrière-plans et ses dispositions procèdent de la même mentalité complotiste que celle dévoilée par les vidéos. Elle appelle le gouvernement et le ministère de tutelle à trouver une solution administrative et juridique pour combler le vide et ouvrir une nouvelle perspective pour l’institution de l’autorégulation, sur la base d’un dialogue sérieux et responsable avec l’ensemble des organisations professionnelles sérieuses et authentiques.
- Le mandat légal de la commission provisoire est arrivé à expiration début octobre dernier, conformément à l’article 2 de la loi l’ayant instituée. Pourtant, elle continue d’exercer ses fonctions en dehors de toute légalité, dans le prolongement de la même logique que révèle le scandale de la vidéo fuitée. Ce qui constitue une atteinte à la loi et à l’État des institutions. C’est aussi dans ce même cadre que s’inscrit le communiqué publié par ladite commission à l’issue de la réunion consacrée à l’examen des graves fuites.
- La question centrale aujourd’hui concerne le contenu de la vidéo et non pas de s’égarer en réduisant toute l’affaire en question à savoir comment cette fuite s’était produite. En effet, la commission provisoire et son administration assument, en vertu de la loi, la responsabilité de la protection de la confidentialité des délibérations et des enregistrements des réunions, ainsi que des données personnelles en leur possession concernant les journalistes, les éditeurs et les entreprises de presse. Et s’il faut demander des comptes à l’auteur de la fuite de ces vidéos, il faut d’abord demander des comptes à la commission provisoire.
- La Fédération demande l’arrêt de tout le plan en cours d’être « cuisiné » aujourd’hui, pour reprendre le langage utilisé dans la vidéo, qu’il s’agisse du projet de loi relatif à la réorganisation du CNP, du dispositif d’aide publique, des accréditations de la presse sportive ou autre. Elle considère la commission provisoire comme illégale, son mandat ayant expiré et toutes ses décisions comme nulles et non avenues. Elle appelle à combler immédiatement le vide administratif et à ouvrir un dialogue professionnel sérieux et responsable pour une nouvelle perspective, non seulement pour l’autorégulation, mais pour l’ensemble du secteur de la presse, afin qu’il retrouve sa nature de poumon de la démocratie et non d’un simple instrument au service d’intérêts personnels.
- Ce qui s’est produit aujourd’hui est douloureux et porte atteinte à l’image des médias et des professionnels de la presse dans notre pays. Mais la Fédération y voit aussi une occasion de préserver notre pays d’un plan de mainmise sur le secteur, d’un plan de liquidation de la presse libre, nationale et régionale, et d’un plan visant à substituer à la fonction essentielle de la presse de peser sur le débat public et contrôler des responsables chargés de la gestion des affaires publiques, une logique d’hégémonie par le chiffre d’affaires, par l’intimidation, la mise au ban, et de la promotion de la médiocrité, qui n’honore pas le Maroc de la dignité et de la fierté.
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