Il est temps de se focaliser sur la qualité de l’éducation.
Jaime Saavedra, directeur principal du Pôle Education à la Banque mondiale et ancien ministre de l’Education du Pérou revient sur les défis à relever en matière de réforme de l’éducation.
EcoActu.ma : Durant les dernières années, le Maroc a engagé de nombreuses réformes de l’éducation qui n’ont pas abouti. Selon vous, à quoi et à qui peut-on imputer ces échecs ?
Jaime Saavedra : Je pense qu’il y a eu des avancées importantes durant les 15 dernières années en ce qui concerne l’accès à l’éducation aussi bien en primaire qu’en secondaire. Toutefois, aujourd’hui il est temps de se focaliser sur la qualité de l’éducation, sur l’amélioration de la qualité du travail des enseignements et de s’assurer que cette qualité soit répandue sur tout le territoire. Ceci est fondamental, car comme tout pays à revenu moyen, au Maroc on constate que la qualité de l’enseignement est meilleure dans les zones urbaines plutôt que rurales ainsi que dans les zones à revenu supérieur. C’est le plus grand défi à relever. Un défi dont les pouvoirs publics marocains sont conscients.
Quelles sont les pièces manquantes du puzzle pour faire aboutir la réforme et garantir un système d’éducation de qualité, équitable et généralisé à l’échelle nationale ?
Je pense que le plus important c’est d’investir dans les enseignants. Il faut veiller à ce que le recrutement des enseignants se fasse de façon méritocratique en s’assurant que les recrus soient, d’une part, des personnes passionnées par l’enseignement et d’autres part, qu’ils aient un bon background académique. C’est un point fondamental qui distingue aujourd’hui les systèmes éducatifs réussis de ceux qui échouent. Aboutir à un système performant dépend donc de la qualité de l’enseignant mais aussi du niveau d’exigence du pays en matière de recrutement dans le secteur public et des conditions d’accès aux écoles de « formation des formateurs ». Autre volet aussi important, c’est par rapport aux enseignants qui exercent déjà. Il faut veiller à ce que leur travail soit orienté vers l’apprentissage. Je tiens à préciser que le rôle de l’enseignant ne se limite pas uniquement à enseigner mais à s’assurer que tous les élèves apprennent y compris ceux qui ont des difficultés. Tous les élèves doivent avoir le même droit et les mêmes chances d’apprentissage. C’est pourquoi, tous les acteurs du système aussi bien les autorités ministérielles, communales, régionales, les directeurs des établissements que les enseignants eux-mêmes doivent se focaliser sur l’apprentissage.
Dans quelle mesure la formation continue des enseignants peut-elle contribuer à hausser leur niveau et à s’aligner sur les tendances mondiales en matière d’éducation ?
Le gouvernement marocain est conscient que la formation continue dans les secteurs clés est fondamentale. Toutefois, dans le secteur de l’éducation, elle doit être pratique pour permettre aux enseignants de changer et d’améliorer leurs méthodes immédiatement. L’enjeu n’est pas de procurer des formations théoriques d’un mois dans des institutions qui ne servent pas à grande chose. Mais plutôt des entraînements pratiques, dans l’école et avec les élèves, sur la communication, les méthodes pédagogiques et d’apprentissage pour intéresser davantage les élèves… Car il s’est avéré que cette approche est plus efficiente et donne de meilleurs résultats.
De quelle manière la Banque mondiale accompagne-t-elle le Maroc pour faire avancer l’agenda de la réforme du système d’éducation ?
La Banque mondiale a accompagné le Maroc en ce qui concerne l’amélioration des systèmes d’information. Aujourd’hui, les discussions sont en cours avec les pouvoirs publics marocains pour dégager des pistes d’amélioration des systèmes de formation des enseignants exerçants. Autre volet de discussion, l’évaluation du système. Les pays doivent systématiquement faire une évaluation de leur système d’apprentissage. Certes le Maroc participe déjà aux évaluations internationales d’apprentissage, mais il doit fournir plus d’efforts notamment en matière de mise en place des systèmes nationaux d’évaluation de l’apprentissage. L’enjeu est de pouvoir mesurer auprès de toutes les écoles le niveau de rendement des élèves, toutes matières confondues.
Qu’en est-il de l’accompagnement financier ?
C’est aussi une possibilité. Mais pour la Banque, l’apport technique est plus important que celui financier. Il s’agit d’apporter les expériences les plus réussies dans ce domaine pour enrichir le débat de la politique publique sur ce sujet et l’adapter aux spécificités et aux besoins du Maroc.