A l’aune de deux chantiers aussi importants qu’interdépendants, que sont le plan de relance économique et le projet de Loi de Finances rectificative, l’Ordre des Experts-Comptables a fait parvenir sa proposition de mesures fiscales au ministre des Finances. La proposition élaborée par la commission nationale fiscalité de l’OEC repose sur trois principaux axes. Détails.
Le futur plan de relance pour palier les effets néfastes du Covid-19 tient en haleine toute la communauté économique du Maroc. Les discussions vont bon train mais à ce jour, c’est motus et bouche cousue, rien ne filtre sur le scénario retenu parmi une pléiade de propositions, en attendant le grand Oral d’El Otmani le 16 juin pour en décliner les grands contours.
Le levier fiscalité étant indéniable, ce Plan de relance devra être assorti d’une Loi de Finances rectificative qui tarde à voir le jour et dont en ignore les principales hypothèses et dispositions.
Force est d’admettre qu’amorcer une relance dans un tel contexte que celui imposé par la crise sanitaire est un exercice bien compliqué, puisqu’il faut tenir compte de plusieurs contraintes notamment exogènes, mais aussi de la situation des entreprises frappées de plein fouet par la crise sanitaire.
Pour contribuer à ce chantier, l’Ordre des Experts-Comptables par le biais de sa commission nationale fiscalité, a planché sur les leviers à actionner pour baliser le terrain pour une relance effective. Les recommandations, qui sont l’ébauche in fine d’un projet de LRF, se déclinent en trois familles de mesures que l’Ordre des Experts-Comptables juge indispensables pour une relance de l’économie nationale dans ce contexte marqué par les conséquences de la crise induite par la pandémie. Cette contribution de l’OEC a été par ailleurs remise au ministre des Finances.
La fiscalité en maitre mot !
Le travail de la commission nationale fiscalité de l’OEC, présidée par Mohammed Samir Bennis, tient en ligne de compte deux principaux objectifs : la relance économique et la fluidification du redémarrage des entreprises. La réflexion menée a permis ainsi d’identifier trois axes majeurs. Il s’agit de mettre l’outil fiscal au service de l’investissement et la recapitalisation des entreprises ; du maintien de l’emploi et de l’amélioration du pouvoir d’achat ; et du renforcement du climat de confiance entre le contribuable et l’administration fiscale et simplifier les procédures.
Pour le premier axe afférent à l’encouragement de l’investissement et la recapitalisation des entreprises, l’OEC propose le rétablissement de la provision pour investissement à l’instar des pays partenaires et à économie similaire ainsi que l’exonération des plus-values de cession des actifs immobilisés en cas de réinvestissement du produit de cession et ce, du 1er juillet 2020 au 31 décembre 2021.
Sur cette même période, il est suggéré une exonération ponctuelle de la TVA sur les biens d’investissement.
Une deuxième mesure prévoit la réduction de 50% des droits d’enregistrement sur les acquisitions immobilières réalisées dans un cadre professionnel jusqu’au 31 décembre 2020.
L’OEC prêche également en faveur de la liberté du versement des acomptes provisionnels de l’IS, compte tenu de l’incertitude qui règne, au titre de l’exercice ouvert à partir du 1er janvier 2020 avec la tolérance d’une marge d’erreur de 30% au moment de la régularisation de l’IS.
La commission nationale fiscalité de l’OEC propose la réduction d’impôt plafonnée à 10% au titre de la participation dans le capital des entreprises en difficulté telles que définies par le décret 2.20.331 pris pour l’application de la loi 25-20 édictant des mesures exceptionnelles au profit des employeurs affiliés à la CNSS.
Toujours dans la première famille de mesures dédiées à l’encouragement de l’investissement et la recapitalisation des entreprises, il est proposé la réintroduction ponctuelle de la réduction d’impôt au titre de l’augmentation de capital, réalisée entre le 01/07 et le 31/12/2020, plafonnée comme suit :
- 20% du montant de ladite augmentation si elle est réalisée par apport en numéraire ;
- 10% du montant de la dite augmentation si elle est réalisée par incorporation du compte courant associé ;
La réduction d’impôt y afférente est à valoir sur trois exercices à raison d’un tiers par exercice afin d’atténuer l’impact de la mesure sur les recettes de l’Etat.
Enfin, l’Ordre propose de surseoir à l’application de l’alinéa 7 (à l’exclusion des valeurs mobilières) et de l’alinéa 8 (à l’exclusion des prêts accordés aux tiers) de l’article 29 du CGI du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021.
Bien évidemment dans le contexte actuel, marqué par un choc de l’offre et de la demande, par la fermeture des frontières entre différents pays, par une récession mondiale, la demande interne est une planche de salut et un facteur clé pour la relance économique. C’est dans ce sens que le deuxième axe de la proposition des mesures fiscales de l’OEC est dédié aux actions à mettre en œuvre en faveur du maintien de l’emploi et amélioration du pouvoir d’achat pour stimuler la Consommation.
A cet effet, la commission nationale fiscalité de l’OEC recommande l’exonération de la rémunération des heures supplémentaires de l’IR au titre de la période allant du 1er juillet 2020 au 31 décembre 2020. Ainsi que l’élargissement de l’avantage fiscal accordé aux entreprises nouvellement créées à celles existantes qui procèdent à l’embauche de nouvelles recrues (dans la limite de 10 contrats) de juillet 2020 à juin 2022.
Par ailleurs, une troisième mesure propose la réduction de 50% des droits d’enregistrement à toutes les acquisitions immobilières faites par des particuliers concernant les habitations principales et secondaires jusqu’au 31 décembre 2020.
La confiance contribuable et administration, clé de voûte
Le renforcement du climat de confiance entre le contribuable et l’administration et simplification des procédures est un chantier ouvert de puis plusieurs années et pour les professionnels du chiffre il est d’autant plus important en période de crise sanitaire et de l’onde de choc économique qu’elle induit.
Dans ce sillage et s’agissant des mesures dérogatoires relatives à la régularisation spontanée de la situation fiscale des contribuables, l’OEC propose deux mesures distinctes.
Pour celles réservées uniquement aux personnes physiques, il est suggéré de repousser les délais initialement retenus au 31 décembre 2020 en excluant de la base de la contribution les sommes se rapportant à la dernière mesure préconisée dans le premier axe, plus haut.
Pour celles réservées à l’ensemble des contribuables, l’OEC propose le report des délais à l’exercice 2021, inclusion de l’exercice 2019 et revue de la consistance des régularisations de façon à couvrir l’assainissement comptable ; à couvrir tous les droits, impôts et taxes; à abandonner l’intervention préalable de la DGI ; à permettre aux contribuables qui ont bénéficié d’avantages conditionnés et qui n’ont pas honoré les conditions y afférentes, de régulariser spontanément leur situation moyennant le paiement du principal (Droits d’enregistrement, TNB, IS,…) ; et aboutir systématiquement à une dispense du contrôle fiscal a posteriori.
« Aussi, serait-il commode d’étendre cette possibilité aux entreprises en stade avancé de contrôle fiscal (Procédures administratives et judiciaires) », soutient l’OEC.
Enfin, pour les reports déficitaires antérieurs à l’exercice 2020, il est proposé de prévoir à titre dérogatoire la possibilité d’imputer les déficits dont le délai expire en 2020 sur l’exercice 2021.