De 38,6 millions de dollars d’assistance, l’appui budgétaire américain est tombé à 16 millions de dollars en 2018 et baissera à 15,9 millions en 2019.
L’aide à la bonne gouvernance et à la démocratie sera drastiquement réduite au profit de l’assistance militaire et sécuritaire. Mais ce n’est que la partie visible d’une crise latente entre les deux pays.
Quand le président américain annonce sur twitter qu’il va réduire l’aide américaine à l’étranger, il ne profère pas des paroles en l’air. En effet, l’administration Trump poursuit depuis 2017 une politique de restriction du soutien financier étranger à la démocratie et au droit de l’Homme.
Pour le budget 2019, l’administration Trump vise une coupe budgétaire plus importante : une réduction de 23% du budget du département des affaires étrangères, amputant ainsi de 39% du financement de la promotion de la démocratie et de 32% de l’aide humanitaire.
Le Maroc figure parmi les pays ayant fait les frais de cette politique depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir en 2016, les relations entre les deux Etats ayant entré dans une zone de turbulence, probablement à cause du soutien affiché du Maroc pour la candidate démocrate, Hilary Clinton, lors des présidentielles américaines.
De 38,6 millions de dollars d’assistance, l’appui budgétaire américain est tombé à 16 millions de dollars en 2018 et baissera à 15,9 millions en 2019. L’aide à la promotion de la bonne gouvernance, les droits de l’Homme et la démocratie en a pâtit le plus. De 9 millions de dollars d’aide à la société civile et aux droits de l’Homme en 2017, cette aide tombe à 3,8 millions de dollars en 2018 et sera réduite de plus de moitié pour l’année fiscale 2019.
L’aide à la société civile qui était de plus de trois millions de dollars en 2018 a été supprimée en 2018 au profit de la bonne gouvernance.
« Malgré des liens bilatéraux historiquement étroits, l’administration Trump a accordé peu d’attention au Maroc par rapport aux autres pays arabes. La faible priorité accordée à la programmation du GJD (financement de la bonne gouvernance et la démocratie) s’explique en partie par la volonté de l’administration américaine d’éviter les tensions avec le Maroc », nous apprend le rapport de Pomped (Projet de démocratie au Moyen-Orient) de ce mois de juin.
Le rapport cite la tension sociale depuis 2016 et ce qui s’en est suivi comme manifestation au Rif et plus tard à Jerada, et pointe du doigt la « réponse musclée du gouvernement » aux doléances socio-économiques exprimées. « L’emprisonnement continu des dirigeants du mouvement et de nombreux manifestants reste une source de tension », ajoute le rapport. Pour illustrer cette distance entre les deux pays, le rapport cite une réunion d’avril 2018 entre le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita et le secrétaire d’Etat adjoint John Sullivan qui n’a donné qu’une brève déclaration de circonstance louant « l’amitié et le partenariat forts avec les Etats-Unis sur les priorités partagées ».
Mieux encore, l’administration américain a nommé David Fischer, un riche homme d’affaires et donateur du Parti républicain, pour être le nouvel ambassadeur américain au Maroc, mais sa confirmation est toujours en suspens.
Tension autour de la question du Sahara
La position ambiguë de l’administration Trump sur la question du Sahara est un motif de discorde de plus entre les deux pays. Rappelez-vous en avril 2018, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté une résolution parrainée par les États-Unis pour renouveler la mission de maintien de la paix de l’ONU dans le conflit. Les auteurs du rapport soulignent qu’alors que certains ont suggéré que le libellé de la résolution était ouvertement pro-marocain, d’autres considéraient le renouvellement du mandat pour six mois seulement (par rapport à la prolongation habituelle d’un an) comme un moyen de pression sur le Maroc pour revenir à la table des négociations. « Les fonctionnaires du Département d’Etat ont déclaré à Al-Monitor que la position américaine sur le conflit n’avait pas changé, mais un représentant des Etats-Unis à l’ONU a déclaré qu’ « il ne pouvait plus y avoir d’affaires » dans le conflit et que les négociations devraient reprendre au cours des six prochains mois », révèle le rapport. Autre élément révélateur est le fait que le nouveau conseiller du président Trump en matière de sécurité nationale, John Bolton, est connu pour ses tendances pro-séparatistes, qui pourraient avoir un impact sur la trajectoire future de la politique de l’administration. Paradoxalement, l’administration Trump a également prévu l’été dernier de nommer J. Peter Pham, un universitaire proche du Maroc, pour occuper le poste de secrétaire adjoint aux affaires africaines au Département d’Etat. Le rapport fait mention de la décision du Maroc en mai dernier de rompre les liens avec l’Iran pour fourniture d’armes et de formation des combattants séparatistes comme un appel de pied au président Trump tout en s’interrogeant sur l’avenir de ces relations bilatérales sous la présidence d’un Trump qui a jusque-là fait montre d’une réelle indifférence au Maroc. En effet, les canaux de discussion, notamment le Dialogue stratégique sont au point mort pour l’instant et les lobbyistes marocains n’ont pas trouvé la voie pour pénétrer les nouveaux centres d’influence au sein de l’administration Trump. Et plus le temps passe, plus ce sérieux malaise impactera les relations bilatérales entre les deux pays.