Si l’on considère que dire que l’argent de l’Etat est gaspillé sur un secteur footballistique défaillant relève du populisme, dire que le budget de l’Etat ne finance pas ce secteur, c’est verser dans la démagogie.
Le 16 septembre, la Fédération royale marocaine de football a tenu son assemblée générale durant laquelle elle a présenté son rapport financier et moral pour la saison 2018-2019. Ce rapport qui couvre la période du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019, et sur la foi de ce qu’a publié la presse nationale comme quoi le rapport a fait l’objet d’une diffusion limitée, les recettes de la fédé comme aime l’appeler son président Faouzi Lakjaâ, se sont établies à 826,4 millions de DH, en baisse de 6,08 % comparativement à la précédente saison.
Quel est la quote-part de l’Etat engagée dans cette belle cagnotte ? Aucune, à en croire Faouzi Lakjaâ.
Mais bien que lors de la rencontre organisée le 22 juillet à Skhirate et qui a réuni « la famille du football marocain » à l’initiative de la fédération et son président, ce dernier avait insinué comme le montre le direct de la fédération, que les recettes de cette dernière n’émanent pas de l’argent public et qu’elles correspondent à des recettes en contrepartie de prestations au profit des donateurs : institutionnels de droit public et entreprises de droit privé; le football est bien financé par l’argent public.
Certes, il est difficile de contredire l’ancien inspecteur général des finances, actuel directeur du budget et président de l’Association des membres de l’inspection générale des finances.
Mais les chiffres parlent d’eux-mêmes aussi bien pour les institutionnels que pour les opérateurs privés. En effet, les montants dédiés au sponsoring sont considérés comme des charges déductibles, autrement dit, ils entraînent une réduction des résultats et, par ricochet l’impôt sur les sociétés. Un manque à gagner pour les caisses de l’Etat puisque pour chaque Dirham avancé, ce sont 30 centimes de perdus pour les recettes fiscales de l’Etat et donc moins d’argent pour financer des projets notamment sociaux, surtout le dispensaire qu’évoque Faouzi Lakjaâ lors de la rencontre de Skhirate. Et par voie de conséquence, le contribuable, sans qu’on ait demandé son avis, finance indirectement le football.
Venons-en aux 604,9 MDH de recettes qui proviennent des institutionnels : BAM, CDG, OCP, ONMT et ministère de la Jeunesse… Du moment que ces derniers évoluent dans des secteurs monopolistiques ou quasi-monopolistiques, il est difficile de démontrer l’impact de l’investissement en sponsoring sur leur activité. L’Administration fiscale serait alors tentée de refuser la déductibilité de ces charges sous prétexte qu’elles ne sont pas engagées dans l’intérêt de ces entités. Alors pour ces derniers, la perte pourrait être double.
Inutile même de s’attarder sur les 105 MDH de droit de retransmission conclu avec la SNRT en juillet 2018 pour quatre ans (soit un total de 420 MDH sur les quatre années). Faut-il rappeler que le contribuable dont la consommation mensuelle est supérieure à 200 kWh paye une taxe pour la promotion du paysage audiovisuel national sur sa facture d’eau et d’électricité qu’il regarde les matchs de foot ou pas. Et ce n’est pas au Président de la FRMF qu’on va l’apprendre. Ou bien au contraire, aurait-il appris quelque chose de nouveau à travers cet article.
Certes, le football est un sport national qu’il faut encourager. Mais à quel prix et surtout pour quels résultats ? Oublions même la difficile élimination de l’équipe nationale par celle du Bénin lors de la CAN 2019, en Egypte. Le secteur du football marocain a perdu de son lustre sur le plan africain et international. Autrefois exportateur de talents, aujourd’hui malgré tout l’argent investi, la fédération fait appel à des Marocains nés et formés ailleurs dans les clubs étrangers, en plus du sélectionneur étranger. C’est dire les pertes de devises, mais c’est là une autre paire de manches !
Mais que Monsieur Lakjaâ se rassure, on veut bien financer le football mais dans l’espoir d’entendre l’hymne national chanté dans une compétition et voir hissé notre drapeau au plus haut du concert des nations footballistiques.
Comme quoi Monsieur le président, on ne finit jamais d’apprendre !