Le développement d’un territoire ne repose plus uniquement sur la mise en œuvre de programmes sectoriels ni sur la construction d’infrastructures matérielles. Désormais, il s’appuie sur une dynamique profonde : la capacité des institutions à instaurer un dialogue continu et co-constructif avec les citoyens, à bâtir des ponts de confiance et à transformer la parole citoyenne en propositions concrètes et en projets opérationnels.
Ainsi, la communication cesse d’être un simple outil administratif pour devenir un levier structurant de la gouvernance territoriale, catalysant la transformation des mentalités, des pratiques et des modes d’action publique. Dans cette perspective, la communication institutio-citoyenne s’affirme comme un pilier central du développement territorial intégré.
Elle dépasse la diffusion d’informations pour se muer en un vecteur d’innovation collaborative, de participation productive et de valorisation du capital humain. De fait, en mobilisant l’engagement des administrations, des collectivités territoriales, de la société civile, des universités, du secteur privé et des citoyens, elle crée une synergie participative, inclusive et concertée qui structure l’action publique et renforce la cohésion territoriale.
Cette approche s’inscrit pleinement dans les Hautes Orientations Royales, notamment dans le Discours du 10 octobre 2025 prononcé à l’ouverture de la cinquième année législative. Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, y rappelle l’importance d’un encadrement permanent, d’une communication continue, d’une gouvernance co-constructive et d’une transformation profonde des mentalités, plaçant le citoyen au centre même des programmes de développement.
A la lumière de cette Vision Royale, une question fondamentale émerge : comment la communication institutio-citoyenne peut-elle structurer une architecture territoriale capable de traduire les attentes et les besoins légitimes des citoyens en projets concrets, cohérents et durables ?
Pour appréhender cette question, il importe de comprendre que la communication constitue d’abord le fondement de la confiance institutionnelle, en redéfinissant les relations internes et en consacrant une culture managériale fondée sur la coopération, la proximité administrative et l’innovation collective. Ensuite, elle agit comme un catalyseur de convergence intersectorielle, articulant les programmes publics, les initiatives locales et l’intelligence collective.
Enfin, elle devient un levier essentiel de co-construction citoyenne, transformant les idées, les besoins légitimes et les propositions des citoyens en projets territorialisés grâce à des démarches participatives inclusives et méthodologiquement encadrées.
Dans cette continuité et face à un contexte marqué par des transitions socioéconomiques incertaines et des défis environnementaux persistants, la communication dépasse le rôle d’instrument de transmission pour s’affirmer comme un pilier de gouvernance co-constructive capable de reconnecter les institutions aux citoyens et d’assurer la durabilité des programmes territoriaux.
En effet, les travaux sur la gouvernance collaborative et la participation citoyenne insistent sur l’importance d’intégrer toutes les parties prenantes dans la stratégie des organisations, comme le souligne Freeman1 , tandis qu’Arnstein2 démontre que la participation évolue de l’information vers la co-décision et l’autonomisation citoyenne. Ainsi, la communication institutio-citoyenne apparaît comme un outil de légitimité, de coordination et d’action collective. Elle instaure un cadre d’échanges productifs fondés sur l’écoute, la proximité et l’engagement partagé, débouchant sur une co-construction territoriale concrète et efficace.
Dans cette dynamique, trois dimensions complémentaires s’imposent : la communication interne, qui renforce la cohésion managériale et fluidifie les circuits d’information ; la communication intersectorielle, qui favorise la convergence des acteurs et des ressources territoriales ; et la communication citoyenne, qui traduit les attentes des citoyens en projets structurants. Ensemble, elles forment l’ossature d’une stratégie territoriale intégrée.
De surcroît, cette dynamique s’inscrit dans un écosystème opérationnel où la communication prend racine dans l’interne, s’étend à l’intersectorielle et s’épanouit dans la citoyenne, tout en intégrant les nouveaux espaces numériques. Or, ces espaces, bien que potentiellement vecteurs de désinformation lorsqu’ils ne sont pas encadrés, deviennent des leviers puissants de participation constructive lorsqu’ils sont mobilisés dans une stratégie structurée de dialogue citoyen.
Par conséquent, comprendre cette architecture communicationnelle et ses implications suppose de s’intéresser d’abord à son premier pilier : la communication interne, véritable socle organisationnel de toute action publique cohérente, capable de porter la dynamique institutiocitoyenne et de soutenir la gouvernance territoriale dans sa profondeur transformante.
1-1 La communication interne : vers une administration co-apprenante intégrative
La communication interne revêt une importance particulière dans le contexte de modernisation des services publics, de généralisation du numérique, de quête de transparence et de nécessité croissante de proximité avec le citoyen. Cependant, elle demeure souvent dépensée et fragmentée. En effet, la centralisation excessive des canaux, associée à une méfiance persistante, limite l’initiative et la créativité des gestionnaires administratifs, tandis qu’une compréhension insuffisante des objectifs stratégiques communs ralentit l’appropriation des projets collectifs.
De plus, la crainte du changement et le déficit d’écoute instaurent une inertie qui fragilise la cohésion organisationnelle. Ainsi, le fonctionnaire, absorbé par la routine, perd parfois de vue son rôle de citoyen porteur d’une responsabilité publique. Dans ce contexte, les différentes postures professionnelles apparaissent au sein des structures : certains freinent inconsciemment les dynamiques innovantes, d’autres restent attachés aux pratiques classiques, quelques-uns se limitent à observer sans intervenir, tandis que d’autres se cantonnent à commenter sans agir.
L’analyse révèle que ces attitudes ne traduisent pas un jugement, mais reflètent la diversité des mentalités administratives et la complexité des rapports au changement. Par conséquent, elles témoignent également d’une distanciation progressive entre le fonctionnaire et son environnement de travail. Ainsi, la communication interne ne peut plus se réduire à un simple flux d’informations. Elle doit se transformer en un espace dynamique d’interactions, de dialogue et de reconnaissance mutuelle, où les institutions régénèrent la confiance, renforcent l’esprit collectif et réaffirment la valeur symbolique et humaine du travail public.
Des ponts se construisent entre les générations, les hiérarchies et les services, ainsi qu’entre le gestionnaire et l’administration. En favorisant la circulation du sens communicationnel, l’échange collaboratif et la co-construction participative, la mission administrative retrouve sa vitalité et la solidarité professionnelle se consolide.
Ces constats mettent en évidence, non seulement un déficit de coordination, mais soulignent également la nécessité d’une transformation managériale profonde, dépassant la dimension purement technique de la réforme. De ce fait, l’enjeu principal réside dans le changement des mentalités administratives. Le fonctionnaire contemporain ne peut plus être perçu comme un simple élément : il devient un acteur central de la relation citoyenne et un vecteur de crédibilité institutionnelle.
Cette perspective est mise en évidence dans le Discours Royal du 10 octobre 2025, où Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu le préserve, souligne : « La transformation majeure que Nous entendons opérer en matière de développement territorial requiert un changement significatif des mentalités et des méthodes de travail, ainsi qu’un véritable enracinement de la culture du résultat » Au regard de ces orientations, les pratiques de communication interne doivent être repensées. A cette fin, la mise en place de rencontres d’échange, de dialogue et de co-construction s’avère essentielle. Dans ce cadre, les gestionnaires sont invités à adopter une posture d’écoute, de motivation et d’accompagnement, ce qui favorise un climat de confiance et de reconnaissance au sein des équipes.
Cette démarche suppose également l’instauration d’une culture managériale coopérative, fondée sur la responsabilisation, l’engagement et le sens du service public, tout en intégrant une gestion proactive des générations où le co-apprentissage, l’encadrement continu et le travail collaboratif se conjuguent harmonieusement.
Parallèlement, le passage d’un modèle vertical à une communication participative repose sur la mise en place d’un écosystème de confiance structuré autour de trois piliers : la transparence, qui garantit la circulation claire de l’information ; la collaboration, qui valorise la mutualisation des compétences et des initiatives ; et la reconnaissance, qui positionne le capital humain comme ressource stratégique du développement territorial.
Par ailleurs, la digitalisation soutient cette dynamique de modernisation. Les plateformes collaboratives, les systèmes de gestion numérique et les outils de communication instantanée transforment les interactions et les processus décisionnels. Cependant, la technologie ne saurait remplacer la culture du dialogue. Sans appropriation humaine et collective, la communication risque de rester formelle, voire déshumanisée. Dès lors, il convient de maintenir la dimension humaine au centre des pratiques, en privilégiant l’écoute, la confiance et la co-construction au sein des relations hiérarchiques et fonctionnelles.
A ce titre, l’administration communicante devient une organisation co-apprenante, valorisant l’intelligence collective et reconnaissant chaque élément comme source d’innovation collaborative et de management communicationnel. Cette approche s’inscrit dans la Vision Royale, à la fois claire, mobilisatrice et inclusive, favorise la communication, établissant un lien direct et continu entre l’administration et la société, fondé sur la responsabilité partagée, la proximité et le service au citoyen, tandis que la communication interne constitue le socle de la communication intersectorielle, orientant l’administration vers une gouvernance coconstructive capable de mobiliser l’ensemble des acteurs territoriaux autour d’une vision commune de développement durable et inclusif.
C’est dans cette perspective que le sport marocain apparaît comme un modèle particulièrement inspirant de communication interne co-apprenante et intégrative, fondée sur une culture de réussite, comme le démontrent les performances récentes de ses équipes nationales. Ce modèle repose sur des principes clés directement transposables à l’administration.
En premier lieu, la vision unifiée permet de partager un objectif national clair, soutenu par une communication stratégique ascendante, descendante et transversale, assurant ainsi que chaque acteur, du staff technique à l’équipe administrative, agit de manière cohérente et alignée.
Par ailleurs, le dialogue permanent et constructif, inspiré des briefings Pré-Match et des débriefings PostMatch, instaure une culture de feedback immédiat et transparent, qui favorise l’ajustement rapide des trajectoires, le renforcement des compétences collectives et le maintien de l’engagement ainsi que de la performance, même sous pression. En outre, le sentiment d’appartenance renforcé, nourri par la fierté nationale et l’esprit de collectif, contribue à transformer les individus en une communauté résiliente.
Ainsi, en transposant ces principes, caractérisés par la clarté des rôles, la transparence des objectifs et la mobilisation affective, l’administration peut bâtir une communication interne solide, capable de favoriser l’unité, la performance et l’efficacité au service du citoyen.
1-2 La communication intersectorielle : catalyseur de la cohésion territoriale
Dans un contexte où les enjeux territoriaux et sociétaux se multiplient et s’interconnectent davantage, la communication intersectorielle s’impose comme un fondement principal pour garantir une gouvernance intégrée et une cohérence renforcée de l’action publique. Elle traduit la capacité des secteurs publics et privés, des institutions académiques ainsi que du tissu associatif à dialoguer, collaborer et co-construire des solutions durables, adaptées aux besoins réels des territoires, dans une approche inclusive.
Au Maroc, cette dynamique trouve un écho particulier dans la Vision Royale énoncée lors du Discours du 10 octobre 2025, où Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu le glorifie, a souligné : « Cette mission n’est pas du seul ressort du gouvernement. Elle est l’affaire de tous, et vous, les parlementaires, êtes en première ligne, car vous êtes les représentants des citoyens. C’est aussi la responsabilité des partis politiques et des mandataires siégeant au sein des différents Conseils élus, à tous les échelons de l’organisation territoriale. Doivent également s’y associer médias, acteurs de la société civile et, globalement, toutes les forces vives de la Nation. »
Ces Orientations Royales mettent en exergue l’importance décisive de la communication intersectorielle dans l’édification d’une gouvernance co-constructive, fondée sur la coordination, le partage et la convergence des actions. Elle invite à dépasser les cloisonnements institutionnels pour que chaque acteur contribue activement à la dynamique collective d’un écosystème cohérent, bâti sur la confiance, le dialogue et la collaboration. Cette approche favorise un échange continu entre les gestionnaires publics, les élus, les investisseurs, les acteurs associatifs, les universitaires et les citoyens.
Ainsi, la convergence territoriale repose sur une compréhension commune des priorités et sur une articulation harmonieuse des interventions, garantissant une action publique efficace, intégrée et durable. Dans cette optique, l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) illustre cette approche collaborative. En plaçant la convergence au cœur de la gouvernance des programmes et des projets, elle a instauré une communication intersectorielle structurée à travers les comités locaux (CLDH), provinciaux (CPDH) et régionaux (CRDH), favorisant un dialogue constant entre les représentants des services de l’Etat : éducation, santé, culture, jeunesse, agriculture, ainsi que la société civile et les élus.
Cette organisation a permis la consolidation d’une architecture participative, en s’appuyant sur un langage commun et une vision partagée entre des acteurs aux logiques parfois divergentes. Ce processus a transformé la gouvernance territoriale en un écosystème d’action collective et concertée, où la concertation, la complémentarité et la confiance mutuelle constituent des garants de performance publique.
Parallèlement, l’ouverture de la communication intersectorielle aux universités et à la recherche scientifique facilite l’analyse des problématiques territoriales à travers l’innovation collaborative.
Le modèle du Groupe OCP démontre pleinement cette démarche en transformant la communication institutionnelle en une plateforme d’écoute et de dialogue mobilisant l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P). En valorisant les compétences de ses collaborateurs dans des initiatives locales à fort impact, l’OCP montre que la communication peut servir le territoire et le développement humain durable.
Cette synergie agit comme une interface entre les savoirs et les actions. En plaçant la recherche scientifique et l’innovation au service des territoires, l’UM6P instaure une communication ouverte avec les acteurs territoriaux, catalysant la co-création de solutions adaptées aux réalités sociales, économiques et environnementales. La participation active de l’université aux programmes territoriaux traduit une volonté affirmée d’ancrer la connaissance dans le développement territorial et de relier le monde académique aux enjeux concrets de la gouvernance territoriale.
Ces expériences confirment que la communication intersectorielle dépasse largement la simple coordination administrative pour devenir un levier de transformation territoriale.
En instaurant un écosystème collaboratif où les acteurs privilégient la co-responsabilité et la confiance, elle repose sur une double articulation : la mutualisation des ressources et des expertises d’une part, et la convergence des objectifs et des valeurs d’autre part.
En somme, cette cohérence à la fois stratégique et humaine érige la communication intersectorielle en catalyseur de la convergence territoriale, préparant la transition vers une communication citoyenne inclusive, fondée sur le dialogue et la co-construction avec les citoyens.
1-3 La communication citoyenne : dynamique de co-construction territoriale
La communication citoyenne se définit comme un écosystème dynamique dans lequel les citoyens représentent des points d’ancrage territorial où leurs paroles, perceptions et propositions orientent les programmes ainsi que les projets inclusifs. De ce fait, leurs contributions représentent des ressources stratégiques participant à l’élaboration de solutions constructives et adaptées aux réalités territoriales.
Contrairement aux approches classiques, cette démarche s’inscrit dans un processus systémique combinant l’expression, l’écoute, la médiation, la concertation, la rétroaction et la co-construction. Dès lors, la parole citoyenne devient un maillon opérationnel permettant de structurer un écosystème inclusif, participatif et durable, tout en consolidant le lien entre la gouvernance et les dynamiques territoriales.
Dans cette continuité, la communication citoyenne s’inscrit aujourd’hui dans une dynamique structurelle qui transforme profondément la manière dont les territoires conçoivent, organisent et mettent en œuvre leurs politiques publiques. En effet, elle ne se limite plus à transmettre des informations, puisqu’elle s’affirme progressivement comme un écosystème interactif, continu et inclusif à travers lequel chaque citoyen devient un acteur impliqué dans la compréhension des enjeux locaux et dans la construction collaborative de réponses adaptées aux problématiques territoriales.
Ainsi, les perceptions, les représentations, les attentes et les propositions exprimées par les citoyens cessent d’être perçues comme des éléments secondaires ; elles deviennent des déterminants pour concevoir des réponses publiques adaptées, renforcer la légitimité institutionnelle et consolider la relation entre l’institution et les citoyens.
En s’inscrivant dans cette optique, les Orientations Royales ont constamment affirmé l’importance d’une gouvernance fondée sur la participation citoyenne, la proximité et la redevabilité. A cet égard, Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, a souligné : « Une attention particulière doit être portée à l’encadrement des citoyens et à la communication autour des initiatives engagées par les pouvoirs publics »
Cette Vision Royale réaffirme avec clarté la dimension stratégique de la communication citoyenne, en rappelant que l’écoute, la participation et l’encadrement des citoyens ne se limitent pas à des pratiques ponctuelles, mais constituent un pilier fondamental du développement territorial intégré.
Dans cette perspective, la précision du ciblage apparaît comme une condition indispensable à la qualité et à l’efficacité du processus de développement. En premier lieu, le ciblage temporel permet de saisir l’évolution des attentes citoyennes à travers les cycles de vie, les rythmes socioéconomiques, les variations saisonnières et les contextes conjoncturels. Ainsi, les institutions peuvent non seulement anticiper les besoins émergents, mais également ajuster leur communication selon les moments critiques, qu’il s’agisse de phases de planification, de concertation, de gestion de crise ou d’évaluation.
Ce ciblage temporel contribue dès lors à une synchronisation plus fine entre l’action publique et les dynamiques réelles du territoire. En second lieu, le ciblage spatial permet d’appréhender la complexité interne du territoire en reconnaissant la diversité des contextes géographiques, sociaux et économiques.
En effet, les attentes, les contraintes et les modes de participation diffèrent considérablement entre zones rurales, urbaines et périurbaines, tout comme entre les quartiers centraux, périphériques ou enclavés. Dès lors, la communication citoyenne doit s’adapter aux spécificités de chaque espace afin de réduire les inégalités informationnelles, de renforcer l’inclusion des territoires marginalisés et d’assurer une équité territoriale dans l’accès à la participation.
Cette prise en compte de la dimension spatiale permet de mieux structurer la relation entre l’administration et les communautés locales et de renforcer la pertinence des interventions publiques.
Par ailleurs, le ciblage comportemental détermine de manière significative les dynamiques de participation, puisqu’il dépasse les catégories socio-démographiques pour intégrer la diversité des profils citoyens en fonction de leurs attitudes, de leurs motivations, de leurs capacités d’engagement et de leurs modes d’interaction. Au lieu de classer les citoyens en groupes homogènes tels que les femmes, les jeunes, les personnes âgées ou les enfants, la communication citoyenne adopte une lecture différenciée en considérant les citoyens actifs, inactifs, réactifs, observateurs, innovants ou pragmatiques, chacun possédant des pratiques informationnelles spécifiques.
De plus, la prise en compte des différentes tranches d’âge permet désormais d’identifier leurs besoins particuliers, leurs vulnérabilités potentielles et leurs modalités préférées de participation, ce qui permet d’ajuster les outils, les approches et les espaces d’expression de manière plus fine et plus inclusive. Ainsi, l’intégration cohérente des ciblages temporel, spatial et comportemental transforme la communication citoyenne en un laboratoire d’intelligence collective.
En effet, en captant, en analysant et en interprétant les signaux exprimés par les citoyens, ce laboratoire vivant permet de convertir leurs idées, leurs attentes et leurs propositions en solutions constructives et en projets territoriaux concrets.
De ce fait, la communication citoyenne devient un espace de coproduction où les citoyens s’expriment, où les administrations écoutent et analysent, et où le dialogue se transforme progressivement en actions intégrées, adaptées et durables.
Ce processus contribue finalement à instaurer une culture renouvelée de gouvernance fondée sur l’interaction, la confiance, la responsabilité partagée et la construction collaborative du développement territorial. Dans cette logique, l’écoute active et l’analyse méthodique des contributions citoyennes transforment ces informations en connaissances opérationnelles. Les institutions déploient alors des dispositifs de collecte, de traitement et d’interprétation afin d’organiser les priorités et d’élaborer des stratégies cohérentes.
En conséquence, cette médiation réduit les asymétries d’information, renforce la légitimité institutionnelle et permet d’agir avec pertinence et sensibilité envers les citoyens. En s’appuyant sur ce socle analytique, se construit la complémentarité entre communication numérique et communication de proximité, chaque mode répondant à des besoins spécifiques selon l’âge, le contexte social et l’accès aux outils numériques.
Ainsi, cette articulation assure l’inclusion de tous les citoyens et l’adaptation des dispositifs de participation à leurs réalités. D’une part, le numérique mobilise rapidement les citoyens actifs en ligne via les réseaux sociaux et les plateformes interactives ; d’autre part, la proximité favorise des échanges directs et contextualisés, notamment avec les femmes, les personnes âgées, les enfants et les jeunes.
Dans ce processus, le modèle de communication citoyenne des « Eco-référents », développé dans le cadre du projet de ‘’Vigilance sociale’’ dans le cadre de l’INDH à la province de Khouribga et présenté dans l’article Architecture du développement territorial intégré3, constitue le socle de la communication de proximité et illustre concrètement la manière dont le lien social peut être renforcé à l’échelle territoriale.
Ainsi, les Eco-référents4 interviennent dans les quartiers et les douars, organisant des programmes d’éducation, de santé, de culture, de jeunesse et d’art. Leur action montre comment une mobilisation encadrée rapproche l’administration des citoyens et instaure une circulation ascendante de l’information territoriale, fonctionnant comme une interface entre habitants, associations et services publics. De plus, les contributions citoyennes sont analysées selon des dimensions temporelles, spatiales et comportementales, permettant d’anticiper les besoins, d’identifier les zones vulnérables et de comprendre motivations et contraintes.
Dans cette démarche, la communication citoyenne se révèle comme un élément clé pour la construction de projets territoriaux pertinents, dont les paroles citoyennes ne constituent pas de simples idées ou suggestions, mais représentent avant tout des besoins exprimés, profondément ancrés dans le vécu quotidien, les contraintes locales et les priorités territoriales. Ainsi, ces paroles ne peuvent être négligées dans la planification des actions publiques. Pour ce faire, la transformation de ces besoins qualitatifs en actions co-constructives, structurées et opérationnelles passe par l’utilisation d’un modèle de grille de transformation des paroles citoyennes.
Ce modèle, structuré autour d’un schéma en quatre étapes: »besoins, problèmes, idées ou pistes de solutions, projets », offre un cadre méthodique permettant de transformer de manière cohérente les expressions citoyennes en projets concrets, tout en assurant leur alignement avec les priorités territoriales5 .
Par ailleurs, l’opérationnalisation et la mise en œuvre de ce processus doivent être encadrées par des facilitateurs, tels que les éco-référents de quartiers, de douars ou de communes, qui assurent la reformulation, la priorisation et l’objectivation des demandes. De plus, l’organisation d’ateliers de co-construction territoriale, fondés sur les principes du design thinking appliqué au développement local, favorise la mobilisation de l’intelligence collective et permet la conception de solutions adaptées, crédibles et co-validées avec les citoyens.
En conséquence, la parole citoyenne s’affirme comme une ressource informationnelle stratégique, orientant la décision publique et structurant des projets à forte valeur ajoutée sociale et territoriale.
En définitive, la combinaison cohérente de la communication numérique et de proximité place la communication institutio-citoyenne au cœur du développement territorial intégré. Elle valorise les initiatives locales, renforce la cohérence institutionnelle et favorise une gouvernance fondée sur le dialogue, la transparence et la responsabilité partagée, faisant de chaque citoyen un acteur engagé et contribuant à l’édification d’un territoire résilient, harmonieux et durable.
Écrit par Ibtissam El Rhali,
Docteur en Droit public et Sciences politiques
Chercheur en développement humain et auteur de nombreux articles en matière de lutte contre la pauvreté
1 Freeman Edward. Strategic Management: A Stakeholder Approach. Boston : Pitman, 1984
2 Arnstein, Sherry “A Ladder of Citizen Participation.” Journal of the American Institute of Planners, vol. 35, no. 4, 1969, pp. 216–224.
3 https://ecoactu.ma/architecture-du-developpement-territorial-integre-1e-partie/ (publication 10/10/2025)
4 Les référents sont des citoyens volontaires et engagés qui jouent un rôle central dans la vie de leur quartier, douar ou commune. Ils s’inscrivent dans un écosystème local de participation citoyenne, visant à renforcer la cohésion sociale, la vigilance collective et le développement territorial inclusif.
5 Éliane Boucher, ‘’Langage clair, participation citoyenne et méthodes de recherche en rédaction législative : le cas des tests auprès des lecteurs-citoyens’’, Lien social et Politiques, Numéro 92, 2024, p. 103–128. https://www.erudit.org/fr/revues/lsp/2024-n92-lsp09486/1112805ar/








