L’Exécutif est habitué à faire la sourde oreille lorsque des voix se lèvent pour une Loi de Finance rectificative… Mais si l’on peut juguler les aléas économiques, climatiques… il n’en est pas de même pour une pandémie comme le Covid-19. Face au changement des hypothèses d’élaboration de la LF 2020, le gouvernement prendra-t-il enfin son courage à deux mains?
Le contexte de préparation du PLF 2020 se base sur un certain nombre d’hypothèses qui risquent d’être chamboulées avec tout ce qui survient aussi bien sur le plan national qu’international.
Dans la précision, en prévoyant un taux de croissance du PIB de 3,7% en 2020, la loi de Finances table sur une production céréalière de 70 Mqx, un prix du baril de pétrole de 67 $, un taux de change dollar/dirham de 9,5 et une demande étrangère adressée au Maroc en hausse de 3,5%. Telle qu’elle démarre, l’année 2020 augure d’un taux de croissance nettement inférieur à celui prévu dans la Loi de Finances 2020 et ce pour moult raisons.
La question qui se pose d’emblée est : est-ce qu’il n’est pas judicieux de recourir à une Loi de Finances rectificative pour réinitialiser les compteurs et prendre en considération les changements opérés en matière d’hypothèses ? Devant une situation jugée anormale, l’Exécutif ne devrait-il pas présenter pour vote un Projet de loi de Finances rectificative ? Si auparavant, les pouvoirs publics ne pouvaient pas amender une loi de Finances au cours de l’année à cause du temps que cela prend, il est important de souligner que dans son article 51, la loi organique des finances (LOF) dispose que le projet de Loi de Finances rectificative est voté par le Parlement dans un délai n’excédant pas 15 jours après son dépôt par le Gouvernement au bureau de la Chambre des représentants.
D’aucuns diront que même dans des situations d’une extrême gravité, il n’est quasiment jamais recouru à une LF rectificative au Maroc. Mais il faut dire que la situation telle qu’elle se présente mérite un brainstorming pour dégager de nouvelles pistes et des actions plus concrètes. A noter que la dernière Loi de Finance rectificative au Maroc remonte à 1990 après celle de 1984.
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La demande étrangère grippée
Sur le plan international, selon les scénarios les plus optimistes, la croissance économique globale devrait atteindre 2,3% en 2020. La crise du Coronavirus même si elle connaît un dénouement sous peu, il ne faut pas s’attendre à l’immédiateté de l’effet. Les économistes parlent d’ores et déjà d’un coût de 0,1 point de croissance en 2020. La croissance mondiale a été revue à la baisse à 2,3%. Cette baisse ne serait que la résultante d’une révision de croissance économique dans l’atelier du monde, la Chine (5,6%), la zone Euro (0,9%).
En cause, outre la baisse du régime de production, les mesures d’endiguement du virus en Chine devraient mener une chute drastique des exportations de biens et de services touristiques dans les quatre coins du monde. Autres secteurs qui pourraient être affectés, le textile et l’électronique.
Et si la situation perdure, la croissance économique serait décevante dans beaucoup de pays allant de situation de décélérations du niveau de croissance à des situations d’absence de croissance. Cela pourrait se traduire par une baisse de la demande étrangère pour notre économie qui tablait sur une hausse de 3,5% dans la loi de Finances 2020 (sic).
La voiture ralentit
Un secteur qui, au cours des dernières années était la vedette de la balance commerciale, risque d’être freiné dans son élan. Il s’agit de l’industrie automobile.
D’après Ludovic Subran, économiste en Chef d’Allianz, 2020 restera difficile avec un léger déclin des nouvelles immatriculations (-1%) du fait de l’attitude attentiste de la demande et ce malgré une accélération du déploiement de nouveaux véhicules, notamment des véhicules propres, et une compétition agressive sur les prix avant les échéances de 2021 sur les émissions de CO2.
Une campagne agricole compromise
Une croissance économique nettement inférieure à 3,5% ne serait pas une grande surprise avec une campagne agricole fortement compromise. Les derniers chiffres de la DEPF attestent d’un cumul pluviométrique de la campagne qui s’est situé au 20 janvier 2020 à 136,9 mm au lieu de 220,9 mm enregistré lors de la même période de l’année précédente, soit un repli de 38% et de 21% par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Cela équivaut à une baisse de la production céréalière, une hausse des importations de blé et une baisse des exportations agricoles. La production de blé au Maroc devrait s’élever à 4 millions de tonnes au cours de la campagne en cours, soit 42% de moins que la saison 2018-2019, selon les prévisions du département américain de l’agriculture. A ce titre, le HCP prévoit une baisse de 4,3% de la valeur ajoutée agricole et une croissance économique de 2,3% du fait de la baisse de la production céréalière.
Une chose est sûre : l’année 2020 n’est pas une sinécure pour l’économie marocaine prise également dans l’étau d’une campagne agricole en deçà des attentes. Notre dépendance aussi bien à la pluviométrie qu’au marché étranger ne fait que plomber notre économie qui n’arrive pas à assurer son autonomie. Gravir des échelons et se hisser au rang des pays émergents devient de plus en plus difficile dans une conjoncture économique qui évolue au gré de la situation économique et politique des grandes puissances économiques. Après le Brexit, la guerre sino-américaine, le tour est à Coronavirus.
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