Ecrit par I. Bouhrara |
Le Collectif pour une législation égalitaire a rendu publique son analyse genre d’un corpus juridique composé de 27 lois, dont la Constitution 2011, qui est à la fois référence et objet d’analyse, comme l’explique Nouzha Skalli. La conférence de présentation de quelques éléments du rapport ce 2 mai à Casablanca, a été l’occasion de lancer la campagne #BghathaLwa9t, appelant à un changement des lois pour une législation égalitaire.
C’est l’aboutissement de plusieurs mois de travail mené par le « Collectif pour une législation égalitaire : CLE » constitué d’une dizaine d’associations « émergentes », qui avait pris l’initiative de contribuer à la lutte pour l’égalité en réalisant une analyse genre des principaux textes juridiques et institutionnels du Maroc.
Intégralité du Rapport en Français
Ouvrant cette conférence, Nouzha Skalli qui n’est plus à présenter a tenu à poser le cadre général de travail du collectif et des objectifs de ce rapport. Notamment le volet relatif au corpus de lois nationales mais aussi les engagements internationaux du Maroc en la matière.
Notamment les 12 priorités identifiées et adoptées depuis 1995 dans le cadre du Programme d’action de Beijing, auquel se sont engagés 189 gouvernements, dont le Maroc.
Près d’un quarte de siècle plus tard, les réalisations sont loin des engagements pris notamment la mises en œuvre de mesures en faveur de l’égalité des sexes et luttant contre les discriminations à l’égard des femmes qui subsistent dans les lois, les pratiques et les normes sociales et constituent des freins à l’accès des femmes et des filles au travail, aux soins de santé, aux ressources financières et aux postes décisionnels.
Même chose depuis l’adoption par l’Assemblée Générale des Nations Unies de la convention pour l’élimination de toutes les formes de Discriminations à l’égard des Femmes, CEDAW/CEDEF.
Malgré les progrès accomplis dans la plupart à travers le monde, aucun pays n’est encore parvenu à réaliser l’égalité des sexes. Les femmes continuent à travailler plus, à gagner moins et à subir de multiples formes de discriminations et de violence aussi bien dans leur espace privé que dans les lieux publics et on est loin du partage égal du pouvoir économique et politique et en deçà des engagements des pays. Ce qui constitue une violation flagrante des droits des femmes et des filles.
Intégralité du rapport en arabe
Un corpus juridique de 27 lois analysé sous le prisme « genre »
Si le Maroc a réalisé des avancées notables en matière d’égalité des sexes, de promotion et de protection des droits des femmes, aussi bien au niveau des législations que dans les politiques publiques, avancées couronnées par la Constitution du pays, ces avancées sont en deçà des engagements et des aspirations pour une société démocratique, et plus grave, elles souffrent de nombreuses défaillances quant à l’effectivité des principes énoncés.
Dans ce contexte, le « Collectif pour une législation égalitaire : CLE » a réalisé une analyse genre des principaux textes juridiques et institutionnels du Maroc.
Un travail qui poursuit 5 objectifs stratégiques. En premier lieu l’harmonisation de la législation interne avec la Constitution et les conventions internationales ratifiées. Il tend également à l’application et la mise en œuvre des dispositions constitutionnelles égalitaires.
Ce travail appelle aussi à la relecture de certaines dispositions constitutionnelles ambiguës et sujettes à interprétation et consacré l’importance du lien dialectique entre sphère privée et sphère publique. Enfin, il plaide pour l’autonomisation des femmes.
L’analyse commence tout naturellement par la Constitution de 2011 à la fois référence et objet d’analyse. Ce qui pose la question, hormis le préambule, quelles sont les dispositions constitutionnelles en matière d’égalité de genre qui gagneraient à être revisitées ?
L’analyse recommande d’ailleurs de réécrire les articles 19, 30, 115, et 164 de la Constitution. Il s’est attelé également à des lois importantes notamment le Code de la famille et le Code pénal, s’attardant sur des articles discriminatoires et foncièrement inconstitutionnels.
Ce rapport se veut un outil de plaidoyer pour des lois et des pratiques égalitaires, mis à la disposition des associations féministes, des défenseur-e-s des droits de l’homme et de la société civile, ainsi que des partis politiques pour être un outil d’inspiration et d’accompagnement des initiatives législatives, qu’elles émanent des parlementaires ou des responsables de l’exécutif.
Sa publication intervient dans le contexte du parachèvement de l’adhésion du Maroc au protocole facultatif de la CEDEF par le dépôt des instruments auprès du Secrétaire Général des Nations Unies le 22avril 2022, ainsi que de l’examen par le comité CEDEF des 5ème et 6ème rapport du Maroc sur la mise en œuvre de la CEDEF.
Il se veut dans ce sens devenir un outil de renforcement des fortes mobilisations des ONGs œuvrant pour les droits humains des femmes et enrichira les prochains rapports parallèles.
Cette analyse genre des lois s’est basée notamment sur les travaux, études, rapports et mémorandums des ONGs de défense des droits des femmes et propose les réformes nécessaires pour l’harmonisation de l’arsenal juridique national avec la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes, CEDEF, la Convention internationale des droits de l’enfant, CIDE et autres conventions ratifiées par le Maroc relatives aux droits des femmes et à l’égalité.
L’analyse s’est également fondée sur les 12 domaines prioritaires arrêtés par le programme et plan d’action de Beijing.
Tout en appréciant les réformes réalisées au Maroc, l’analyse identifie les cadres légaux et institutionnels, y compris les textes dits « neutres » dans lesquels subsistent des discriminations directes ou indirectes et propose les réformes ou amendements nécessaires à leur harmonisation avec les engagements internationaux du pays. Il identifie également les textes comportant un vide juridique en matière de genre.
Le rapport sera diffusé auprès de l’Exécutif, des deux chambres du Parlement, des partis politiques, des institutions constitutionnelles et de la société civile.
#BghathaLwa9t
Au-delà du rapport analyse genre comme outil de plaidoyer, CLÉ: Collectif pour une Législation Égalitaire, soutenu par ONU Femmes, lance la campagne nationale #BghathaLwa9t pour une justice de genre égalitaire au Maroc.
Cette campagne, créée et produite par la réalisatrice Sonia Terrab (Studio l’Klaam), est portée par des célébrités féminines de renom.
A travers une présence médiatique importante, un morceau de rap excellemment écrit et interprété par la jeune Frizzy et produit par Hadès, et une série de capsules émouvantes, #BghathaLwa9t a pour objectif de sensibiliser à la nécessité de réformer le code de la famille et le code pénal, et de contribuer au grand chantier de réforme annoncé dans le discours royal du 30 juillet dernier.