Après une enquête menée par le Conseil de la Concurrence auprès des producteurs sur les jetons de peinture et qui a donné suite à une décision d’y mettre fin, la pratique persiste et menace les opérateurs de mettre la clé sous le paillasson.
La réactivation du Conseil de la concurrence en décembre 2018 après des années d’hibernation avait suscité un grand soulagement. Il devait garantir l’application effective d’une concurrence libre et loyale, d’assurer la transparence et l’équité dans le milieu des affaires. Le Conseil était attendu sur plusieurs dossiers en instance depuis des années notamment celui des hydrocarbures. Mais pas que. Les années d’inactivation ont laissé le champ libre à tous types de pratiques de concurrence déloyale, de prolifération des oligopoles, des monopoles, des positions dominantes… Ce qui s’est traduit par plusieurs saisines.
Parmi ces dernières celle relative aux jetons de peinture. Une pratique anti-concurrentielle qui oppose deux géants du secteur à savoir Colorado et Atlas, qui détiennent 65% de part de marché de la peinture, et le reste des producteurs.
Rappelons que le Conseil a été à saisi en mars 2019 par « O’Dassia peinture écologique », pour concurrence déloyale qui porte préjudice à une bonne partie des opérateurs.
Une pratique relevée par le Conseil après une enquête menée auprès de tous les producteurs et qui a donné suite à une décision de mettre fin à ces pratiques en mars 2020.
Et pourtant malgré ce constat, les jetons continuent de circuler sur le marché avec même une augmentation de la valeur du jeton qui est passée d’entre 15 à 40% du prix du seau de peinture à plus de 60% dans certains cas. La valeur du jeton peut atteindre 400 DH pour un seau de peinture de 638DH.
A l’issue de ce constat, O’Dassia a de nouveau saisi le Conseil de la Concurrence (dont EcoActu.ma détient une copie), le 17 décembre 2020 pour dénoncer le maintien de ces pratiques anticoncurrentielles l’appelant à réagir le plus vite possible pour mettre fin à une situation qui devient de plus en plus intenable. L’entreprise a complété le dossier par une preuve dénonçant cette pratique soit un rapport d’un l’huissier de justice en date du 3/12/2020 (dont EcoActu.ma détient une copie) et qui affirme le maintien de cette pratique qui est à l’origine de la faillite de plusieurs entreprises.
O’Dassia a également interpellé la Banque centrale en lui soumettant une demande d’examen (dont EcoActu.ma détient une copie) de la situation actuelle du secteur marquée par la mise sur le marché de jetons qui présentent toutes les caractéristiques d’un système de paiement occulte et non adossé à un organisme financier accrédité.
Une monnaie qui échapperait à tout contrôle et qui pourrait être à l’origine d’opérations de blanchiment de capitaux selon O’Dassia.
Constaté par nos soins, le directeur général de O’Dassia, Abdessamad Jennane, nous a affirmés que cette démarche vient après le retard qu’accuse l’application d’une décision visant à mettre fin à cette pratique constatée par le Conseil pour mettre fin à cette pratique.
Rappelons qu’après une réunion avec les opérateurs du secteur le 13 mars 2020, le Conseil de la concurrence avait appelé les producteurs de peinture à adresser avant le 21 juillet leurs engagements pour mettre fin à cette pratique. Les industriels devaient s’engager sur 4 points : la suppression de la pratique des jetons de peinture de bâtiment ; la détermination des prix de vente au public concernant le stock de peinture contenant les jetons ; le suivi et le contrôle de la mise en œuvre des présents ainsi que le suivi et l’évaluation de l’exécution effective des engagements. Or depuis cette date, c’est silence radio du côté du Conseil ce qui exaspère les opérateurs les plus touchés par cette pratique.
Nous apprenons que mis à part 2 ou 3 opérateurs qui ont signé avec des réserves, tous les producteurs du marché ont signé ledit engagement. Et pourtant depuis juillet, la pratique persiste.
Interpellé sur la question le président du Conseil, Driss Guerraoui nous a précisé que « la date du 21 juillet 2020 était la date limite de dépôt des réponses des sociétés concernées aux propositions d’engagements qui leur ont été soumises par les services d’instruction du Conseil de la Concurrence, et non la date de la suppression de la pratique des jetons de peintures ».
En d’autres termes, la décision de mettre fin définitivement à cette pratique n’a pas encore été prononcée par le Conseil.
La question qui se pose : qu’attend-il pour passer à l’action sachant que le Conseil a reçu les engagements depuis plus de 5 mois ?
Interrogé sur ce retard, Driss Guerraoui nous a affirmés que les procédures légales d’engagements prévues par les dispositions de l’article 36 de la loi 104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence et précisées par les dispositions de l’article 26 de son décret d’application sont en cours d’exécution.
« Ainsi et compte tenu du stade très avancé dans l’instruction de ce dossier, le Conseil de la Concurrence procédera très prochainement à la publication sur son site internet ainsi que dans un journal d’annonces légales d’un résumé de l’affaire et des engagements et ce, pour permettre aux tiers intéressés de présenter leurs observations dans un délai qui ne peut être inférieur à un mois à compter de la date de publication du contenu des engagements », a-t-il précisé.
Une lenteur de l’instruction que l’opérateur O‘Dassia dénonce et ne manque pas de pointer du doigt l’audace de l’Institution à prendre telle décision. A suivre !