Entre contraintes budgétaires et impératifs de poursuivre le train des réformes et aspirer à plus de justice sociale, l’élaboration du projet de Loi de Finances 2019 ne sera pas une mince affaire.
Le projet de Loi de Finances 2019 est face à une multitude de contraintes. Dans un contexte marqué par une décélération de la croissance à 3,2 % au premier semestre 2018, comparativement à la même période de l’année dernière (3,5%), par une croissance notable du PIB non agricole à 3,3% contre 2,5% une année auparavant et par une croissance soutenue de la demande intérieure (5,1 points), il est prévu que le taux de croissance à fin 2018 atteigne 3,6 %. En termes d’exécution de la Loi de Finances 2018, on note un recul des recettes de 1,3% contre une forte progression des dépenses participant à une augmentation notable du déficit du trésor comparativement à l’exercice précédent.
En effet, durant les six premiers mois de l’année, on constate une légère amélioration de plus de 785 millions de DH des recettes fiscales, en contrepartie, les recettes non fiscales ont régressé de 1,9 milliard de DH. Le déficit budgétaire a cru de 8 milliards de DH pour atteindre 20,2 milliards de DH, contre 12,2 milliards de DH une année auparavant.
Par conséquent, les équilibres macroéconomiques ont été maintenus malgré les contraintes ayant marqué ce premier semestre. Des équilibres fragiles et très sensibles aux évolutions exogènes et endogènes, notamment l’augmentation du prix des produits pétroliers à l’international, l’épuisement des dons du Conseil des pays du Golfe et une recrudescence des demandes sociales internes, notamment en ce qui concerne l’amélioration des revenus et du pouvoir d’achat. S’ajoutent à ce cela les entrées en vigueur de la régionalisation avancée qui mobilise 5% des recettes de l’IS et 20% de la taxe sur les contrats d’assurance, de la réforme de l’enseignement, la réforme des CRI, la réforme de la Justice, la stratégie de l’eau et la stratégie portuaire.
Sans oublier les dépenses incompressibles, notamment les dépenses des fonctionnaires qui accaparent 70% des recettes fiscales (147 milliards de DH) ou encore les engagements dans le cadre des conventions signées devant le Roi et les conventions avec les institutions internationales qui s’établissent à 8,8 milliards de DH. Et 6,6 milliards de DH pour les projets en cours.
Les priorités du projet de Loi de Finances 2019
C’est dire que l’élaboration de ce projet de Loi de Finances 2019 se fera dans la douleur et devra consacrer une grande partie au volet social pour répondre aux attentes croissantes et pressantes des citoyens. En tête des priorités sociales figurent l’éducation, la santé, l’emploi et le dialogue social. Cela aura un coût que le ministère de l’Economie et des Finances évalue à plus de 14 milliards de DH et 6,4 milliards répartis sur trois pour le dialogue social. Au total, la vocation sociale du projet de Loi de Finances se traduira par une dépense supplémentaire de 16 milliards de DH en 2019.
La deuxième priorité est la poursuite des grands chantiers et des politiques sectorielles pour créer les conditions du décollage économique et le renforcement de la confiance auprès des opérateurs économiques. Cela se traduira par le soutien à l’investissement public dans l’infrastructure et les équipements comme levier d’investissements privés. Les infrastructures se verront allouées 6,6 milliards de DH et 4,4 milliards de DH pour les stratégies sectorielles. Ce deuxième pilier du PLF 2019 mobilisera au total 11 milliards de DH.
La troisième priorité réside dans la poursuite du chantier des réformes structurelles. La régionalisation avancée mobilisera en 2019, selon les estimations du ministère des Finances 8,4 milliards de DH. 1 milliard sera consacré à la poursuite de la réforme des retraites. La réforme de la Justice et le renforcement de l’indépendance de l’autorité judiciaire nécessiteront 800 millions de DH et 300 millions de DH seront consacrés à la réforme des CRI. Au total, ce troisième pilier du PLF 2019 coûtera 3,5 milliards de DH.
Le projet de Loi de Finances 2019 doit également veiller aux équilibres macroéconomiques, en maintenant le déficit sous la barre de 3% du PIB et en réduisant la dette à moins 60% du PIB à horizon 2021. Abdelkader Amara, qui assure l’intérim depuis le limogeage de Mohamed Boussaid de sa fonction d’argentier du Royaume, aura du pain sur la planche.