Porté par l’Association Démocratique des Femmes du Maroc (ADFM), ce film- plaidoyer immersif brise le silence sur les murs invisibles du Code de la famille.
L’Association Démocratique des Femmes du Maroc (ADFM) annonce la sortie d’un film documentaire, “Les Invisibles”. Plus qu’une œuvre cinématographique, ce film est un outil d’impact social et juridique majeur, pensé et conçu d’une part pour nourrir le débat national sur l’égalité, la justice et la réforme du Code de la famille, et d’autre part pour faire évoluer les représentations collectives et les cadres juridiques liés à la Moudawana.
Le film plonge le spectateur dans le combat quotidien de trois femmes marocaines – Salma, Hanane et Laïla. Représentant la diversité de la société marocaine, issues de différentes régions et classes sociales, elles luttent pour reprendre le contrôle de leurs vies. Salma, mère célibataire, se bat pour la filiation de son enfant ; Hanane lutte pour son droit à l’héritage face à des règles inégalitaires ; et Laïla affronte les épreuves du divorce. “Les Invisibles” expose les zones d’ombre d’un système où les lois deviennent des obstacles et chaque démarche administrative une bataille intime.
L’urgence d’une réforme face aux violences juridiques et psychologiques
Dans le contexte du débat national sur la réforme du Code de la famille, “Les Invisibles” arrive à un moment crucial. Vingt et un ans après la réforme de 2004, considérée à l’époque comme une avancée majeure, l’ADFM souligne que l’application du Code de la famille révèle des lacunes béantes et maintient des dispositions qui perpétuent des discriminations structurelles.
Le film met en lumière l’urgence de réformer des points névralgiques :
- La filiation : Le parcours du combattant des mères célibataires pour la reconnaissance légale de leurs enfants, incarné par le combat de Salma.
- La protection contre les violences : La nécessité impérieuse de renforcer l’arsenal juridique pour garantir la sécurité physique et morale des femmes.
- L’impunité face à l’exploitation et aux viols : La dénonciation d’un système qui peine à sanctionner les agresseurs, laissant les crimes sans conséquences réelles.
- L’absence de recours légal pour les victimes : Le vide juridique qui laisse les femmes démunies face aux abus, tragiquement illustré par le passé de Salma.
- Le mariage des mineures : La persistance de l’exception qui maintient une porte ouverte à cette violence, malgré l’âge légal fixé à 18 ans, et dont les conséquences à long terme sont explorées à travers l’histoire de Laïla.
- Le divorce : Les procédures de pension alimentaire qui laissent les femmes démunies, conséquence directe du mariage précoce subi par Laïla.
- L’héritage : Les règles inégalitaires ainsi que les failles et dérives dans l’application du droit successoral, qui plongent les femmes et leurs enfants dans la précarité, comme le vit Hanane.
“Les Invisibles” démontre crûment comment ces failles juridiques ne sont pas des concepts abstraits, mais des obstacles quotidiens qui brisent des vies et qui sont sources de précarité et de violences psychologiques et économiques quotidiennes.
Humaniser le débat, exiger la justice
Pour l’ADFM, ce film est un acte de plaidoyer essentiel, qui vient s’inscrire dans la continuité de son combat historique pour les droits des femmes et son exigence d’une réforme profonde et égalitaire du Code de la famille. L’association, engagée de longue date pour l’égalité, est convaincue que les témoignages vivants sont bien plus puissants que les statistiques. En donnant une voix authentique aux mères célibataires face aux blocages administratifs, aux femmes confrontées aux conséquences d’un mariage précoce et à des procédures de divorce épuisantes, ou à celles luttant contre les règles inégalitaires de l’héritage, le film humanise les enjeux et permet au public de comprendre de manière concrète les injustices et les souffrances engendrées par la loi actuelle.
“Ces témoignages serviront à interpeller directement les décideurs politiques”, insiste Bahija Lyoubi, porte-parole de l’ADFM et responsable du suivi et de la coordination. “En mettant en lumière les conséquences tangibles et souvent dramatiques des lacunes du Code de la famille, nous exerçons une pression constructive sur les institutions pour qu’elles prennent des mesures concrètes. Le documentaire se veut un plaidoyer fort, un appel à l’action pour que les lois reflètent enfin une société plus juste et équitable pour toutes les femmes marocaines.”
En effet, loin d’être un simple récit juridique, ““Les Invisibles” est une expérience humaine. Le film suit Salma, Hanane et Laïla dans leur quotidien, montrant leurs conditions de vie, leurs souffrances, et la manière dont elles reprennent leur vie en main pour subvenir aux besoins de leurs enfants. À travers une mise en scène immersive, leurs récits sont ponctués par les voix d’expert.e.s (juristes, féministes, religieux), qui viennent expliquer les lois et les inégalités auxquelles ces femmes font face, créant un dialogue puissant entre le vécu intime et le système juridique.
“Ce film est né d’une urgence personnelle et collective”, explique la coréalisatrice, Rita El Quessar. “Je veux raconter ce que ça fait d’être confrontée à ces murs invisibles, à ces règles qui vous coupent la voix quand vous pensiez l’avoir retrouvée. Ce documentaire n’est pas une démonstration froide. C’est une expérience humaine, une invitation à ressentir plus qu’à comprendre. Ce film est né d’une colère sourde, mais aussi d’une admiration infinie pour la résilience de ces femmes. Leurs solitudes se croisent sans jamais se rencontrer, mais elles se répondent, comme des voix différentes d’une même mélodie. Je veux rendre hommage à celles qui, loin des projecteurs, inventent chaque jour de nouvelles façons de se tenir debout.”
Créer des espaces de dialogue et d’action
Pour maximiser l’impact du film “Les Invisibles”, l’ADFM organisera le jeudi 11 décembre 2025 une Avant-Première nationale à la Cinémathèque Nationale de Rabat, un cadre symbolique pour toucher les médias et les décideurs. La projection sera suivie d’un débat réunissant juristes, militant-e-s, artistes et représentants institutionnels.
Cette avant-première marquera le début d’une tournée de projections-débats à travers le Maroc. “Les Invisibles” sera diffusé dans un circuit thématique visant à en faire un outil de réflexion et de sensibilisation pour la société civile, les juristes et les institutions politiques. Des projections ciblées auront lieu dans les universités, les facultés de droit, les centres culturels et les maisons de jeunes, en partenariat avec des ONG locales, des associations étudiantes et les barreaux.
Pour l’ADFM, l’objectif n’est pas seulement de montrer le film, mais d’utiliser le pouvoir du cinéma documentaire comme un catalyseur de transformation collective, en créant de véritables espaces de dialogue et d’action autour de lui dans les médias, les universités, les institutions et l’ensemble des territoires.







