Lors du précédent entretien, nous avons interrogé Omar Bakkou au sujet des modalités de dénouement monétaire des opérations d’exportation de biens. En réponse O. Bakkou a indiqué que ces modalités consistent en deux principales obligations : d’une part, l’encaissement des recettes au titre des exportations dans un délai de 150 jours, et d’autre part, la cession de ces recettes sur le marché des changes dans les trois jours ouvrables qui suivent la réception desdites recettes par la banque.
Dans le présent entretien, nous allons interroger O.Bakkou au sujet d’un aspect fondamental concernant ces modalités , à savoir celui concernant les obligations relatives au mode d’encaissement des recettes d’exportation : encaissement par virement bancaire ou en billets de banque.
Lors du précédent entretien vous avez dit que l’article 8 de l’Instruction Générale des Opérations de Change-24 dispose que l’encaissement des recettes au titre des exportations doit être effectué par virement bancaire. Comment s’opèrent concrètement les virements bancaires au titre des opérations d’exportation de biens ?
Les virements peuvent être effectués à partir du compte du client non-résident, lequel compte peut-être détenu à l’étranger ou au Maroc.
Ainsi, dans le cas où le compte du client non-résident est ouvert à l’étranger, on parle de virements reçus de l’étranger, selon les termes de l’article 8 de l’IGOC-24.
En revanche, dans le cas où ledit compte est ouvert au Maroc, le virement en question donne lieu au débit du compte du client non-résident, selon les termes de l’article précité.
Vous dites que le paiement doit être effectué par virement bancaire à partir du compte du client non-résident. Est-ce que cela signifie que le virement ne peut pas être effectué à partir du compte d’une personne autre que le client non-résident ?
En pratique, le client non- résident dispose d’un compte bancaire à partir duquel l’argent est viré vers le compte de l’exportateur marocain.
Mais dans certains cas, l’exportateur non-résident, particulièrement lorsqu’il est membre d’un groupe de sociétés, ne paie pas ses fournisseurs à partir de son compte , mais à partir du compte de la maison mère.
Ce mode de paiement est autorisé par la règlementation des changes , du fait que cette règlementation ne prévoit aucune obligation concernant le compte bancaire à partir duquel le virement peut être effectué.
Cela signifie que le virement bancaire peut être effectué soit à partir du compte bancaire du client non- résident ou à partir d’un autre compte bancaire.
Vous dites ci-dessus que le paiement en faveur de l’exportateur marocain peut être effectué par virement à partir du compte bancaire du client non-résident ouvert au Maroc. Cela signifie-t-il que les non-résidents ont le droit d’ouvrir des comptes au Maroc ?
Effectivement, les non-résidents peuvent ,en vertu des dispositions de l’article 157 de l’IGOC-24 , ouvrir des comptes auprès des banques marocaines, lesquels comptes peuvent être libellés en devises ou en dirhams convertibles.
Comptes en devises détenus par des non-résidents auprès de banques marocaines, comment fonctionnent ces comptes ?
Ces comptes fonctionnent exactement comme s’ils sont ouverts à l’étranger.
En effet, ils peuvent être crédités des devises en provenance de l’étranger et également de toutes les devises librement transférables à partir du Maroc.
De même, lesdits comptes peuvent être débités pour tout paiement au Maroc ou à destination de l’étranger.
Comptes en dirhams convertibles ouverts par les non-résidents auprès des banques marocaines, comment fonctionnent ces comptes ?
Les non-résidents peuvent détenir des comptes en dirhams convertibles auprès des banques marocaines.
Ces comptes peuvent être crédités des fonds en provenance de l’étranger et également de tous les montants librement transférables à partir du Maroc.
De même, lesdits comptes peuvent être débités de tout paiement au Maroc ou à destination de l’étranger.
Paiements effectués par virement en faveur de l’exportateur marocain à partir des comptes en dirhams convertibles détenus dans des banques marocaines par des non-résidents, cela signifieraient que le dénouement monétaire d’une opération d’exportation ne se traduit pas automatiquement par une cession de devises sur le marché des changes !
Effectivement, les paiements dans ce cas d’espèce se traduiront par l’encaissement par l’exportateur de dirhams provenant de devises préalablement cédées sur le marché des changes par des non-résidents.
Je pense que nous avons suffisamment creusé le sujet de l’obligation d’encaissement par virement bancaire des recettes au titre des exportations, reste le sujet de la disposition relative à la possibilité d’encaissement de ces recettes en billets de banque !
Comme je l’avais souligné auparavant, en vertu des dispositions de l’article 8 de l’IGOC-24, les différentes recettes en devises, quel que soit la transaction économique à l’origine de ces recettes, doivent être reçues par virement bancaire.
Toutefois , cet article prévoit la possibilité d’encaissement des recettes en devises par d’autres modes de paiement, notamment en billets de banque, et ce, pour certaines transactions bien définies.
Ces transactions comprennent les opérations d’exportation de biens. En effet , l’article 65 de l’IGOC-24 dispose que les recettes au titre des opérations d’exportation de biens peuvent être encaissées en billets de banque étrangers importées conformément aux dispositions de la présente Instruction.
Quelles sont ces dispositions ?
Ces dispositions sont prévues par l’article 202 de l’IGOC-24 qui dispose ce qui suit : « les devises importées sous forme de billets de banque peuvent faire l’objet d’une déclaration écrite à l’entrée du territoire national, auprès des services douaniers des frontières. Cette déclaration d’importation de devises est valable pendant une période ne dépassant pas six mois et doit être présentée obligatoirement à la banque lorsque les devises billets de banque rapatriées constituent le produit d’une exportation de biens ou de services ».
Pourquoi à votre avis, la règlementation des changes dispose que les devises en billets de banque encaissées au titre d’une opération d’exportation doivent obligatoirement être justifiées par une déclaration écrite visée par les services douaniers des frontières ?
Parce qu’à défaut de cette procédure, l’exportateur marocain pourrait acheter les devises en billets de banque étrangers sur le marché informel, céder les devises à une banque marocaine et recevoir de la banque le justificatif de l’encaissement des recettes au titre de son opération d’exportation.
Cette manœuvre permettrait ainsi à l’exportateur de garder à l’étranger les devises générées au titre de son opération d’exportation, et partant, de ne pas céder les devises en question sur le marché des changes.
En définitive, si j’ai bien compris les recettes au titre d’une opération d’exportation de biens doivent être encaissées, soit par virements bancaire ou par importation de billets de banque étranger. Cela signifie-t-il que les exportateurs ne peuvent pas se faire payer leurs exportations par d’autres moyens de paiements comme les cartes de paiement internationales par exemple ?
Absolument.
Enfin une dernière question concernant la deuxième obligation incombant à l’exportateur, savoir l’obligation de cession des devises issues de son exportation sur le marché des changes : est-ce que l’exportateur est obligé de céder les devises à la banque ayant reçu le virement ?
Non, le client n’est pas obligé de céder les devises à la banque ayant reçu le virement.
En effet, depuis la création du marché des changes en 1996, les personnes qui souhaitent céder les devises peuvent le faire librement auprès des banques marocaines de leur choix.