Le Réseau marocain des journalistes des migrations (RMJM) suit depuis plusieurs semaines la diffusion d’un discours de haine et de propos négrophobes sur les réseaux sociaux au Maroc, à l’encontre des populations noires étrangères présentes sur le sol marocain. Cette campagne, orchestrée depuis des pages Facebook et X, vise à alimenter les tensions entre la population locale et les personnes étrangères de couleur noire. Ces campagnes instrumentalisent des discours de suprémacisme noir, marginaux en Afrique, pour légitimer des comportements et des propos racistes au Maghreb et au Maroc.
Cette campagne importe des éléments de langage du discours raciste occidental vers le Maroc (« Grand remplacement », « Invasion démographique », « Colonisation africaine », etc.). Ce narratif artificiel, construit essentiellement sur les réseaux sociaux par des groupuscules minoritaires, vise à calquer dans le débat public au Maroc des conceptions racistes dominantes aujourd’hui en Europe et aux États-Unis. Les premières victimes de ces discours sont les diasporas marocaines, maghrébines et africaines à travers l’Europe, comme l’ont montré les événements racistes de Torre Pacheco en Espagne la semaine dernière.
Dans ce contexte mondial et régional animé par des discours d’exclusion, de racisme, de xénophobie et de nationalisme exacerbé, portés par des chefs d’État du Nord (ex. : États-Unis) comme du Sud (ex. : la Tunisie) ;
Dans un contexte médiatique global marqué par une dérive de puissants médias porteurs de discours de haine et de divisions de manière décomplexée ;
Dans un contexte digital mondial marqué par la fuite en avant des plateformes numériques (META et X particulièrement) et leur renoncement assumé à leur devoir de modération des contenus racistes et xénophobes, ouvrant la voie à des discours criminalisant les migrant·e·s et leurs défenseurs ;
Dans ce contexte aux multiples enjeux, le RMJM appelle les différents acteurs du paysage médiatique marocain :
Les médias et les journalistes à :
- Faire preuve de responsabilité déontologique et éthique dans le traitement médiatique des questions migratoires (émigration et immigration) et de l’asile, dans le cadre du respect des chartes professionnelles (Munich et Tunis).
- Jouer pleinement leur rôle de médias d’information, privilégiant la mise en perspective, l’analyse, et le travail sur le terrain pour lutter contre les fausses informations, les tentatives de manipulation et la dramatisation autour des migrations étrangères au Maroc.
- Contrer et déconstruire les discours racistes et xénophobes et ne pas être une simple caisse de résonance à ces amalgames, raccourcis et stéréotypes.
- Donner la parole aux personnes migrant·e·s, dans leur diversité (travailleurs migrants, sans-papiers, femmes, etc.) et en respectant leur dignité et leur droit à l’image.
Les médias du pôle de « l’audiovisuel public » :
- Au vu de leurs moyens et de leur couverture géographique, couvrir les questions migratoires au Maroc et celles des Marocains du monde de manière régulière, indépendante et informée.
- Assurer un travail de sensibilisation du grand public sur ces questions, en respect des engagements nationaux et internationaux du Maroc en matière d’immigration et d’asile.
- Ouvrir des débats publics sur ces sujets pour assurer une discussion équilibrée sur ces questions essentielles pour le vivre-ensemble.
Les régulateurs des médias de la presse et de l’audiovisuel à :
- Assurer une vigilance accrue, dans le respect de la liberté d’expression et de la presse, face à la propagation massive du discours de haine sur les réseaux sociaux au Maroc et leur présence sur les différents médias au Maroc.
- Assumer leur responsabilité dans la formation des journalistes dans ces domaines, notamment le Conseil national de la presse.
- Produire des études et des analyses sur la présence des migrations (émigration et immigration) dans les médias marocains.
Au Maroc comme ailleurs dans le monde, plus que jamais, les médias ont la responsabilité de défendre les principes fondateurs de la profession : l’indépendance, la recherche de la vérité et le sentiment d’humanité. Les enjeux migratoires sont l’occasion de pratiquer ce journalisme indépendant et informé. Les médias et les journalistes se conformeront ainsi aux chartes déontologiques internationales et à la Charte de déontologie de la profession de journaliste au Maroc qui interdit « les pratiques de discrimination sur la base du sexe, de l’origine ethnique, de la religion… » (art. 2).
Enfin, le RMJM invite le paysage médiatique marocain à prendre connaissance de l’étude relative au traitement médiatique des questions des migrations étrangères au Maroc, précisément de la presse écrite digitale marocaine. Cette étude est un outil de plaidoyer et de sensibilisation des médias, de la société civile et du grand public pour une meilleure prise en compte des enjeux des migrations étrangères au Maroc.