En retrouvant son statut Investment Grade perdu en 2021, le Maroc est devenu le seul émetteur africain d’Eurobonds noté Investment Grade par S&P, bénéficiant d’une prime de rareté qui accentue son attractivité face à ses pairs (Afrique du Sud BB-, Turquie BB-, Égypte B-). Qu’est-ce que cela implique-t-il comme effets ? L’analyse de BKGR.
Cette remontada constitue ainsi une étape charnière, dont les répercussions pourraient avoir des impacts à court et long terme sur le marché des taux, le marché actions ainsi que sur l’ensemble de la dynamique économique.
Historiquement, le Maroc a perdu son statut Investment Grade -IG- en 2021, dans un contexte de contraction économique liée à la pandémie, d’une baisse des recettes (notamment touristiques) et d’une pression accrue sur les finances publiques.
Ce déclassement avait effectivement aggravé le coût de financement international du pays et limité l’accès de certains investisseurs institutionnels soumis à des mandats IG, rappelle BKGR qui a consacré son Flash Strategy au sujet.
Le relèvement du 26 septembre 2025 marque ainsi un retour dans une catégorie sélective, après quatre années d’efforts intenses en matière de discipline budgétaire et de réformes structurelles. Un tel rétablissement souverain reste une prouesse en soi. Parmi les exemples récents, on peut citer la Hongrie, qui avait bénéficié d’un relèvement de notation après des efforts de redressement, ou Oman, qui a vu sa note rehaussée par S&P à BBB- en 2024 (après l’avoir précédemment abaissée).
Sur le plan macroéconomique, la décision de S&P reflète la résilience de la croissance marocaine et ce, en dépit des chocs exogènes répétés (sécheresses, pandémie de COVID, tensions géopolitiques, inflation, etc.).
Pour BKGR, le relèvement de S&P apparaît comme la reconnaissance d’une trajectoire crédible et soutenable où discipline budgétaire, résilience économique et attractivité internationale se conjuguent pour replacer le Maroc dans le cercle restreint des émetteurs émergents notés Investment Grade.
Impact sur le marché des taux
L’effet du relèvement de la note souveraine s’est immédiatement ressenti sur les Eurobonds marocains ; Les marchés ayant déjà largement anticipé ce scénario. Les rendements avaient reculé de plus de -120 pbs depuis le début de 2025 et les prix de certaines lignes avaient progressé de +9% à +10% sur six mois.
L’annonce de S&P a donc entériné une tendance de fonds déjà engagée, validant le sentiment des investisseurs, analyse BKGR.
Ce mouvement n’en reste pas moins significatif. Avec une dette totale du Trésor d’environ 1.124 Mds de DH, dont 294 Mds de DH pour la dette extérieure du Trésor selon les données à fin juin 2025, la compression des spreads se traduirait par un allègement concret du service de la dette.
En mars 2025, le Trésor avait dû placer ses émissions à un spread de l’ordre de 220 pbs.
Désormais, le marché estime que les futures levées pourraient se faire autour de 110–120 pbs, soit environ 2x moins.
Là où le Maroc se distingue vraiment, c’est sur son positionnement régional.
Devenu le seul émetteur africain d’Eurobonds noté Investment Grade par S&P, il bénéficie d’une prime de rareté qui accentue son attractivité face à ses pairs (Afrique du Sud BB-, Turquie BB-, Égypte B-).
Ce statut unique devrait non seulement soutenir la performance relative de ses obligations souveraines, mais aussi générer un effet halo pour les entreprises marocaines émettant à l’international (notamment l’OCP), qui pourraient voir leur propre coût de financement diminuer, assure BKGR.
Il convient toutefois de garder en tête que l’essentiel du rallye a déjà eu lieu et que les spreads marocains se situent désormais dans la zone basse attendue pour un émetteur noté BBB-.
L’évolution des spreads devraient ainsi dorénavant dépendre de la capacité du Royaume à préserver ce statut à travers discipline budgétaire, stabilité macroéconomique et continuité des réformes.
Cette crédibilité retrouvée devrait aussi influencer la courbe domestique.
L’amélioration de la perception du risque favoriserait un aplatissement progressif des rendements moyens et long terme, renforcé par l’appétit des investisseurs institutionnels locaux.
Avec la récente baisse des taux de la FED et l’affaiblissement constaté du Dollar américain, la marge de détente sur les taux marocains apparaît désormais plus favorable que prévu, même si elle reste sous contrainte du contexte international global.
Impact sur le marché actions
L’effet du relèvement de la note souveraine ne s’arrête pas au marché obligataire. En renforçant la crédibilité du profil macro-financier du Royaume, il modifie également la perception des investisseurs sur la Bourse de Casablanca, tant en matière de valorisation que de flux attendus.
Le premier canal passe par la prime de risque actions. En étant reclassé Investment Grade, le Maroc devrait, de facto, réduire le niveau de rentabilité exigé par les investisseurs internationaux, ce qui tendrait mécaniquement à soutenir les multiples de valorisation, comme le Price Earning Ratio. Les expériences internationales le confirment : Lorsque l’Indonésie a retrouvé son statut IG en 2011, son indice Jakarta Composite a progressé de près de +12% en trois mois, porté par une revalorisation rapide des actifs domestiques.
Pour le Maroc, cette dynamique pourrait ouvrir la voie à un re-rating progressif de la Place Casablancaise. À ce mécanisme s’ajoute un effet de flux.
L’éligibilité à la catégorie IG ne concerne pas seulement les portefeuilles obligataires : De nombreux fonds multi-actifs, soumis à des contraintes réglementaires, peuvent désormais renforcer leur exposition au marché actions marocain.
Cette réouverture à de nouveaux investisseurs internationaux pourrait contribuer à accroître la liquidité d’un marché historiquement étroit. Si cette tendance se confirme, elle pourrait même renforcer le poids du Maroc dans certains indices MSCI Frontier Markets et potentiellement ouvrir la voie vers sa réintégration dans le MSCI Emerging Market, donnant une visibilité accrue à la Bourse de Casablanca.
Cette attractivité ne devrait toutefois pas impactée uniformément l’ensemble des secteurs.
En effet, les Banques devraient directement profiter d’un environnement de taux plus favorable et d’une perception de risque moindre améliorant par conséquent leur niveau de valorisations.
Les secteurs liés aux infrastructures et au BTP, déjà soutenus par les investissements liés à la CAN 2025 et à la Coupe du Monde 2030, devraient également bénéficier d’un coût du capital réduit et d’un regain de confiance.
Enfin, les exportateurs – automobile, aéronautique, phosphates – pourraient voir leur profil renforcé auprès des investisseurs étrangers, qui jugeront leur exposition moins risquée dans un cadre souverain plus solide.
L’ensemble contribue à installer le Maroc dans une position clé : Celle d’un hub Investment Grade africain, aux côtés du Botswana et de l’Île Maurice, mais doté d’un poids économique et d’un marché financier bien plus significatifs.
Ce positionnement renforce son rôle de référence régionale, capable de servir de benchmark pour les flux de capitaux vers le continent. En comparaison, l’Afrique du Sud, pourtant dotée d’un marché actions plus profond, reste pénalisée par son statut non-IG, ce qui limite ses multiples boursiers.
Le Maroc pourrait ainsi bénéficier d’un re-rating relatif vis-à-vis de ses pairs émergents, consolidant sa crédibilité financière et son attractivité internationale.
BKGR nuance toutefois en expliquant que l’effet positif sur les actions est souvent plus graduel que sur les spreads obligataires car il dépend de la profondeur et de la liquidité du marché.
De ce fait et avec une capitalisation de l’ordre de 1.000 Mds de DH (soit environ 63 % du PIB) qui se voit doublé en l’espace de 2 ans, la Bourse de Casablanca se positionne à la 1ère place du continent et au 3ème rang au niveau de la région MENA.
Néanmoins, l’impact du relèvement reste conditionné au contexte international : Un Dollar américain qui s’affaiblit, un changement dans la politique monétaire américaine ou encore une volatilité accrue des matières premières peuvent limiter les entrées de capitaux et freiner l’effet d’entraînement sur le marché actions, relève BKGR.
Le relèvement de la note souveraine du Maroc au rang Investment Grade marque une étape charnière pour l’économie nationale et son positionnement sur les marchés internationaux.
Il a déjà produit des effets tangibles sur les spreads souverains, dont la compression avait commencé bien avant l’annonce, et il confère au Maroc une prime de rareté unique sur le continent.
Pour le marché obligataire, l’impact se manifeste par un allègement du coût de financement et une attractivité accrue auprès des investisseurs institutionnels.
Pour le marché actions, les effets devraient être plus graduels, mais ils ouvrent la perspective d’un re-rating progressif, surtout si la place casablancaise gagne en profondeur et retrouve une place plus importante dans les indices internationaux.
En somme, l’Investment Grade n’est pas une fin en soi mais une trajectoire à maintenir. Sa durabilité dépendra de la capacité du Royaume à conjuguer discipline budgétaire, résilience face aux chocs climatiques et poursuite des réformes structurelles, conclut BKGR.