A ne pas confondre avec le gaz butane contenu de nos « bota », qui, lui, est produit à partir de pétrole, le gaz naturel se trouve en l’état dans les entrailles de la Terre et est essentiellement composé de méthane qui est une molécule composée d’un atome de carbone et de quatre atomes d’hydrogène, et, à ce titre, c’est la plus hydrogénée et la plus calorifique des molécules d’hydrocarbures et aussi celle qui émet le moins de gaz à effet de serre (en fait de dioxyde de carbone) lors de sa combustion.

Les médias évoquent souvent le conjoncturel avec une inhomogénéité des unités de mesure (mètre cube, pied cube, …) adaptée aux superlatifs opérateurs amplifiés par les politiques. Maintenant que l’on parle du démarrage de la liquéfaction du gaz à Tendrara en 2025, il est utile de faire une synthèse des données de gaz naturel au Maroc en y replaçant un peu tout ce qui a été rapporté par la presse durant les dernières années.

La Figure 1 montre l’évolution de la consommation de gaz naturel au Maroc.

Figure 1 Évolution de la consommation de gaz naturel au Maroc

On voit très bien sur la Figure 1 que le gaz naturel produit au Maroc et destiné aux usages industriel a commencé bien avant 1980 mais que son usage pour la production d’électricité n’a commencé qu’en fin 2004 avec la mise en service de la centrale au cycle combiné de Tahaddart avec des prélèvements sur la Gazoduc Maghreb Europe (GME) qui alimentait pourtant l’Espagne en gaz algérien depuis Novembre 1996. En 2009, les prélèvements de gaz naturel sur le GME ont augmenté pour alimenter la centrale au cycle combiné de Aïn Beni Mathar qui elle, est hybride (solaire thermique et gaz naturel).

Pour fixer quelques ordres de grandeurs :

• l’équivalent énergétique de tout le gaz naturel consommé au Maroc en 2023 (0,913 Mtep[1]), dont 86% importé, n’a représenté que 4,1% des 22,4 Mtep¹ d’énergie totale consommée en 2023,
• pour l’instant, l’alimentation des centrales électriques au cycle combiné au gaz naturel de Tahaddart et de Aïn Beni Mathar est entièrement assurée par le gaz naturel importé (807 Mm³[2] en 2023), et ce besoin devrait plus que doubler à la mise en service de la future centrale de Al Wahda,
• pour l’instant, le gaz naturel extrait localement ne vient que du Gharb et n’est utilisé que dans la zone industrielle de Kenitra (126 Mm³² en 2023),
• encore dépourvu d’infrastructure de conduites de distribution de gaz naturel, le Maroc comporte pourtant déjà un potentiel technique de demande en gaz naturel liquéfié qui pourrait alimenter les industries pour substituer aujourd’hui 1,1 Mtep¹ consommés en propane, en fuel et en charbon non utilisés pour la production électrique (équivalent énergétique de 1,124 Gm³[3] de gaz naturel).

Ainsi donc, avec le seul Gazoduc Maghreb Europe (GME), et sans infrastructure de conduites de distribution de gaz naturel, la demande en gaz naturel des prochaines années pourrait techniquement atteindre 3 Gm³³ (très grossièrement, 0,8 Gm³ pour les centrales existantes, 1 Gm³ pour la future de Al Wahda et 1,2 Gm³ pour les usages industriels à transporter par gazoduc ou sous forme liquéfiée).

 GAZ NATUREL DÉJA EXPLOITÉ AU MAROC, LE GHARB  

Avant même 1980, Circle Oil extrayait déjà du gaz naturel provenant de puits dénommés « Ksiri » situés dans le Bassin du Gharb proches de la ville de  Mechraa Bel Ksiri mais en janvier 2017, tous les actifs marocains ont été achetés par SDX Energy qui en a extrait environ 126 Mm³/an² en 2023 après avoir doublé progressivement leur production après 2011. Via 160 km de gazoducs, ce gaz naturel est livré directement huit industriels de la zone industrielle de Kenitra, dont la CMCP et Super Cérame. Les 126 Mm³/an² extraits du Gharb représentent 14% de la consommation totale de gaz naturel du pays en 2023 (933 Mm³²) soit 0,45% des besoins énergétiques du pays de la même année (23,8 Mtep¹).

 GAZ NATUREL A LA VEILLE DE SON EXPLOITATION, TENDRARA  

Tendrara est à 210 km au Sud de Oujda et à 70 km au Nord de Bouarfa. Avec une Licence d’exploration gazière et des puits situés au Sud Ouest de la Ville de Tendrara, l’exploitation de ce qui est encore le plus grand gisement terrestre de gaz naturel du Royaume, était initialement détenue à :

• 75% par Sound Energy Morocco East,
• 25% par l’ONHYM (Office National des Hydrocarbures et des Mines),

Mais depuis décembre 2024, Sound Energy Morocco East, ne conserve plus que 20 % après avoir cédé le reste 55% des actions à Managem pour 45 MUS$.

Pendant ce temps, sur le plan commercial,

• En 2019, l’ONEE-BE a signé avec Sound Energy Morocco East pour un futur achat de 30 Mm³/an iraient à la CCCGN de à Aïn Beni Mathar.
• En 2020, l’ONEE-BE a étendu l’achat à 350 Mm³/an dont 300 Mm³/an fermes pour 84 MUS$.
• En 2022, un accord a été signé entre Sound Energy Morocco East et l’ONHYM pour un gazoduc de 120 km pour alimenter le Gazoduc Maghreb-Europe. Pour réaliser l’achat de l’ONEE-BE. Le gazoduc n’est pas encore réalisé.

Comme les réserves totales prouvées de Tendrara sont estimées à 10,67 Gm³,

• une exploitation pendant 25 ans permettrait d’extraire 426 Mm³/an,
• mais l’ONEE-BE a signé pour 350 Mm³/an dont 300 Mm³/an fermes, en moyenne, 325 Mm³/an,
• cela laisserait environ 101,8 Mm³/an de gaz naturel à liquéfier et à commercialiser à au Maroc à partir de 2025, pour substituer une partie des 1,1 Mtep de propane, de fuel et de charbon consommés dans les usages industriels hors production d’électricité. Afriquia Gaz s’occupera de cette commercialisation après avoir accordé un prêt de 18 MUS$ à Sound Energy Morocco East. Ce sont ces mêmes débits qui ont été annoncés par le chiffre arrondi d’une extraction de 10 Mft³/jour[4].

Les 426 Mm³/an qui seraient extraits annuellement de Tendrara représenteraient 46% de la consommation totale de gaz naturel du pays en 2023 (933 Mm³) soit 1,51% des besoins énergétiques du pays de la même année (23,8 Mtep).

 GAZ NATUREL EXPLOITÉ DANS LES PROCHAINES ANNÉES, LIXUS & GUERCIF  

 Lixus  

Les zones adjacentes de Licence d’exploration gazière de Lixus et de Rissana sont situées dans l’Océan Atlantique au large de Larache. Rissana entoure la licence Lixus qui, elle, se trouve attenante à la ville de Larache. Leur exploitation était initialement détenue à :

• 75% par Chariot Energy,
• 25% par l’ONHYM (Office National des Hydrocarbures et des Mines).

Mais, annoncé en décembre 2023 et effectif depuis  avril 2024, Chariot Energy, ne conserve plus que 30 % des parts de l’exploitation de Lixus et 37,5% de celle de Rissana après avoir cédé le reste à Energean contre une avance de 10 MUS$. Les puits ont tous des noms de poissons (Anchois, Anguille, Maquereau, etc…) et  Chariot a découvert du gaz naturel exploitable et de bonne qualité dans au moins l’un des puits dénommés « Anchois » en off-shore au large de la ville de Larache.

Au départ (en 2022), Chariot était partie sur une estimation préalable approximative de 39,6 Gm³ (1’400 milliards de pieds cubes) mais, pour l’instant, les découvertes dans un seul des puits (« Anchois-3« ) sont annoncées à 6,03 Gm³(213 milliards de pieds cubes). Même si, pour l’instant, aucun des puits n’est encore entré en phase exploitation, si le puits de « Anchois-3 » était exploité seul pendant 25 ans, on pourrait en extraire 241 Mm³/an.

Les puits de la Licence de Lixus se trouvent à 78 km du Gazoduc Maghreb Europe (GME).

 Guercif  

Une autre Licence d’exploration gazière ayant donné des résultats favorables se trouve dans la Région de Guercif est divisée en 4 sous zones. Son exploitation est détenue à :

• 75% par Predator Oil & Gas,
• 25% par l’ONHYM (Office National des Hydrocarbures et des Mines).

Dès 2019, Predator Oil & Gas tablait déjà sur une estimation préalable approximative de 13,5 Gm³ (474 Gft³) mais la compagnie espère trouver près du double de ces volumes soit 26,7 Gm³ (943 Gft³).

Les puits de cette Licence de Guercif ne sont pas très éloignés du Gazoduc Maghreb Europe (GME).

 TABLEAU RÉCAPITUTALTIF  

Le tableau ci-dessous fait un récapitulatif de la situation obtenue par analyse de la presse marocaine.

Par Amin BENNOUNA (sindibad@uca.ac.ma)

 RÉFÉRENCES  

• [1] 1 M = 1 Mega = 1 million, donc 1 Mtep = 1 million de tonnes d’équivalent pétrole (unité d’énergie 1 tep = 11’630 kWh
• [2] 1 Mm³ = 1 million de mètre cubes (parfois on y ajoute un « N » pour préciser que le gaz naturel est à la pression « normale »)
• [3] 1 G = 1 Giga = 1 milliard, donc 1 Gm³ = 1 milliard de m³ qui vaut aussi un kilomètre cube 1 Gm³ = 1 km³ (peu utilisé)
• [4] 1 ft³ = 1 pied cube, unité de volume anglaise couramment utilisée dans les hydrocarbures, on a 1 m³  = 35,31 ft³