Suite à la tenue d’assises nationales de la fiscalité, une série de mesures ont été proposées, avec pour objectif une amélioration de l’environnement fiscal au Maroc. L’analyse d’Oxford Business Group (OBG).
Les troisièmes Assises Nationales de la Fiscalité se sont déroulées le 3 et 4 mai derniers à Skhirat, au sud-est de Rabat, sous le thème « Equité Fiscale. »
Visant à poser les bases d’un système fiscal plus concurrentiel, plus efficace et plus transparent, les assises ont été présidées par le Premier Ministre Saad Eddine El Othmani ; Mohamed Benchaâboun, le Ministre de l’Economie et des Finances ; Noureddine Boutayeb, le Ministre délégué auprès du Ministre de l’Intérieur ; ainsi que les présidents de la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM) et du Conseil Economique, Social et Environnemental du Maroc.
Les panels, auxquels ont participé des experts internationaux du domaine de la fiscalité et des représentants de professions libérales et de la CGEM, ont abouti à la formulation d’une série de recommandations qui permettront d’élaborer un projet de loi-cadre.
Principaux piliers de la nouvelle loi-cadre
Les recommandations sont réparties en quatre catégories : droits fondamentaux, rationalité économique, cohésion et inclusion et bonne gouvernance.
M. Benchaâboun a énuméré 11 mesures étayant la thématique de la conférence et ayant reçu un appui unanime à cette occasion. Ces dernières définissent notamment les droits et obligations de la Direction Générale des Impôts (DGI) et des contribuables, garantissent la neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, et ajustent le barème de l’impôt sur le revenu afin de soutenir les travailleurs disposant de faibles revenus et ceux appartenant à la classe moyenne.
Trois autres mesures en particulier pourraient se traduire par une simplification des procédures à la fois pour l’administration fiscale et pour les contribuables, à savoir : le regroupement de l’impôt sur le revenu et de la taxe professionnelle au sein d’une même contribution ; le regroupement de la fiscalité locale et des taxes parafiscales dans le même code général des impôts ; ainsi qu’une modernisation de l’administration fiscale par un processus de dématérialisation.
Une réduction des taux d’imposition est également à l’étude pour certains secteurs. L’une des recommandations reprend les demandes de baisse du taux marginal de l’impôt sur les sociétés afin de stimuler la création d’emploi et l’innovation industrielle.
Selon M. Benchaâboun, ces 11 mesures seront intégrées dans les prochaines lois budgétaires, dès 2020. Des études de faisabilité sont prévues pour déterminer si d’autres recommandations seront également incluses.
Elargir l’assiette fiscale
Les assises ont également attiré l’attention sur l’importance de l’économie informelle dans les prochaines réformes fiscales.
Si aucune suggestion spécifique n’a été fixée définitivement pour relever le défi de la formalisation, une approche par étapes a été proposée, dans laquelle des solutions potentielles seraient négociées entre les parties prenantes de chaque groupe ou segment imposable du secteur informel.
Selon une étude publiée par la CGEM en 2018, l’économie informelle contribuait à environ 20% du PIB et générait 170 milliards de dirhams (17,8 milliards de dollars) en 2014.
Une imposition déséquilibrée
Outre une formalisation de l’économie grise, une révision du système fiscal pourrait contribuer à accroître les recettes fiscales et à corriger les inégalités sociales.
Un rapport d’Oxfam publié fin avril soulignait les grandes divergences entre les différentes couches sociales en ce qui concerne l’imposition. Intitulé « Un Maroc égalitaire, une taxation juste », le document citait des données élaborées par l’ONG britannique Tax Justice Network (réseau de la justice fiscale), selon lesquelles 2,5 milliards de dollars, soit une somme équivalente à 2,4% du PIB, manquaient d’être collectés tous les ans en raison du système fiscal actuel.
Afin d’améliorer la répartition inégale des impôts dans le royaume, le rapport suggère l’introduction de nouvelles tranches d’imposition pour les niveaux de revenus les plus élevés, un élargissement de l’assiette fiscale et de faire de la lutte contre l’évasion fiscale une priorité absolue.
S’exprimant dans les médias internationaux quelques jours avant les assises de la fiscalité, l’ancien ministre de l’économie et des finances Mohamed Berrada a réitéré le défi posé par les déséquilibres systémiques du système fiscal, déclarant que 80% de l’impôt sur les sociétés est payé par 0,8% des sociétés au Maroc.
Il a également fait remarquer que la pression fiscale, c’est-à-dire la proportion des recettes fiscales dans le PIB, était de 22,5%, mais que son poids réel était plus proche de 26% puisque certains secteurs d’activité, telle que l’agriculture, étaient défiscalisés.
D’après des données publiées par la DGI, les recettes fiscales nettes du Maroc atteignaient 149,8 milliards de dirhams (15,7 milliards de dollars) en 2018, soit un taux de réalisation de 100.2% par rapport à l’objectif cible de l’année et une hausse de 4,6% par rapport aux 143,2 milliards de dirhams (15 milliards de dollars) collectés l’année précédente.