En 1918, le douanier scrutait la ligne d’horizon pour apercevoir la fumée qui se dégageait des navires arrivant sur le port. Il avait, dès lors, plusieurs jours pour contrôler les déchargements et vérifier les déclarations. Un importateur avait quasiment tout un trimestre pour s’acquitter des droits et enlever sa marchandise.
En 2024, un siècle après dans un espace monde globalisé, les mouvements transfrontaliers de personnes, de biens et de capitaux sont devenus exponentiels. Cela a modifié l’échelle du temps pour le douanier qui, aujourd’hui, ne peut plus opérer de la même manière. Avec des milliers de positions tarifaires et des millions de tonnes de marchandises qui déferlent par voie maritime, terrestre et aérienne, il dispose de quelques minutes, voire quelques secondes, pour agir la plupart du temps derrière un écran. Les manières de réfléchir et d’agir s’en trouvent alors totalement bouleversées.
C’est là que la technologie intervient avec des solutions qui tentent d’apprivoiser la complexité technique du métier et lutter contre la malice des fraudeurs. Cette dernière qui menace grandement les intérêts économiques, financiers et sécuritaires des États.
Avec l’avènement de l’intelligence artificielle, de la blockchain ou encore du big data, la technologie doit pouvoir apporter les solutions viables pour améliorer la qualité du service public rendu à la communauté. A l’origine conçue pour optimiser la gestion des opérations douanières, elle risque aussi de devenir l’instrument, le corps et l’objet du délit en douane.
Pour sa part, le métier doit se renouveler dans ses codes, ses dispositions, ses pratiques et ses approches, avec pour objectif, de concilier l’impératif de fluidité d’une frontière et l’exigence de régulation des échanges, extraordinairement plus croissants.
Et le droit doit pouvoir suivre son temps et s’adapter plus rapidement pour mieux assurer l’encadrement des échanges transfrontaliers et offrir les garanties juridiques nécessaires à l’exercice des missions douanières. Ces réalités, multiples, appellent alors une véritable refonte pour donner aux douanes les moyens de relever le défi numérique. Porteur de risques multiples, le pari de l’adaptation des douanes à ce nouveau contexte est à ce prix.
Expert en douanes, Belbachir Larbi explore des pistes de réponse à ces défis. Le premier tome de son livre « Les douanes aux frontières du numérique – Le numérique, instrument du délit » traite de l’infraction informatique telle qu’elle est prévue et sanctionnée par le droit pénal douanier. Il s’agit d’atteintes ou de cyber-attaques qui sont portées aux systèmes numériques douaniers au moyen de procédés techniques. Ce premier volet met en évidence les carences de la législation en la matière et suggère des solutions. Il s’est toutefois limité aux seules incriminations et sanctions actuelles.
Son second tome, intitulé « Les douanes aux frontières du numérique – Mutations, risques et moyens d’action », approfondit le sujet : ne plus considérer le numérique comme victime d’actes de malveillance, mais le questionner comme étant à la fois l’instrument et le corps du délit en douane. Car la donne numérique engendre d’autres menaces, notamment les transactions électroniques transfrontalières dont le contrôle est éminemment plus complexe.
Biographie
Larbi Belbachir a exercé près de quarante ans au sein des douanes marocaines. Major en 1973 de la promotion internationale de l’Ecole nationale des douanes françaises de Neuilly, il fût successivement nommé à des postes de direction au niveau central et régional, après avoir dirigé plusieurs unités d’intervention opérationnelles. Il achèvera sa carrière en tant que conseiller du directeur général des douanes, décoré de l’ordre du mérite national de grade exceptionnel. Son expérience dans les domaines du renseignement douanier, de la lutte contre la fraude et le trafic illicite des stupéfiants a fait l’objet de la publication de l’ouvrage en deux tomes « Les douanes aux frontières du numériques » et de plusieurs publications dans des médias africains et internationaux.