Durant les deux dernières décennies, le Maroc avait lancé diverses stratégies industrielles en vue de renforcer sa compétitivité et développer son industrie. Il s’agissait essentiellement du Plan Emergence 2005-2009 et de la Stratégie d’Accélération Industrielle 2014-2020.
A travers ces stratégies, le Maroc a pu développer plusieurs projets industriels vitaux et dans plusieurs domaines tels que l’infogérance, le digital, l’automobile, l’aéronautique et le textile. Dans ce cadre, le Maroc avait mis en place des écosystèmes industriels qui ont permis de structurer des secteurs productifs à vocation mondiale, et à travers la maitrise des liens de fabrication entre les différents intervenants de la chaine. Ainsi, le Maroc a déployé des leviers d’industrialisation tels que l’octroi du foncier et la qualification de la main d’œuvre.
Par ailleurs, le Maroc a développé des « Zones Industrielles Durables » en vue d’améliorer les processus de production et de hausser la performance environnementale des industriels. Sauf que ces zones sont restées monopolisées par les Grandes et Moyennes Entreprises Marocaines ou Etrangères, au détriment du tissu entrepreneurial marocain composé essentiellement des Petites et Très Petites Entreprises.
S’agissant de la souveraineté industrielle, elle constitue un véritable indicateur qui renseigne sur le degré d’indépendance d’un pays en termes d’industrialisation et de satisfaction des marchés locaux. Ladite souveraineté vise en effet à préserver les activités industrielles nationales considérées stratégiques, et par conséquent à limiter la dépendance industrielle extérieure.
De ce fait, la souveraineté industrielle permet de maitriser les chaines de valeur nationales et par conséquent de garantir la stabilité économique d’un Pays donné (approvisionnement des marchés, maintien des postes d’emplois…). En effet, ladite souveraineté consolide la consommation intérieure et réduit le poids des importations de matières premières et produits de première nécessité.
En effet, le déficit de la balance commerciale au Maroc dépasse aujourd’hui 20% de notre Produit Intérieur Brut. Cet indicateur renseigne sur le niveau de dépendance de notre Pays des économies extérieures. Pour cela, le Maroc n’a toujours pas atteint sa souveraineté industrielle, et pour se faire il doit impérativement répondre aux manquements suivants :
- Faible recherche scientifique : les budgets alloués à l’innovation et à la recherche restent en deçà des attentes, ils ne dépassent pas 1% de notre Produit Intérieur Brut ;
- Maigre taux d’intégration des composantes « technologiques » : malgré la forte dynamique que connaissent les secteurs de l’automobile et de l’aéronautique, le Maroc n’est toujours pas en mesure de maitriser les composantes technologiques phares telles que la fabrication d’un moteur ou la maitrise totale d’un système électronique avancé ;
- Faible création des postes d’emploi durables : Plusieurs usines ouvrent au Maroc sans disposer d’une véritable feuille de route de la création des postes qui devrait en découler. Aujourd’hui, nous avons perdu plus de 100 000 postes d’emploi net, ce qui prouve que les postes d’emploi créés dans le secteur industriel n’absorbent pas la perte des emplois dans le secteur de l’agriculture liée au dérèglement climatique ;
- Importation massive des produits alimentaires et agricoles : bien que le Maroc se base sur la valeur ajoutée agricole pour ses taux de croissance, les importations extérieures des produits alimentaires et agricoles (tels que le blé et l’huile de table) restent lourdent sur la balance commerciale ;
- Faible financement des TPE opérant dans le secteur industriel : les initiatives de financement des petites et très petites industries restent limitées et les banques ne prennent pas de risques pour l’octroi des financements d’investissement destinés à cette catégorie.
Par conséquent, L’indépendance industrielle du Maroc est l’enjeu crucial des années à venir. La maitrise des chaines de valeur nationales et le développement d’industries marocaines propres restent incontournables pour la réalisation de notre souveraineté industrielle, et qui nous permettra de développer et de commercialiser des produits et des marques 100% marocaines à l’échelle nationale, au niveau panafricain et sur tout le pourtour de la Méditerranée.
Youssef Guerraoui Filali, Président du Centre Marocain pour la Gouvernance et le Management