La prochaine rencontre dans l’enceinte de la chambre des représentants ne doit pas se limiter à ressasser l’existant, se réjouir des avancées mais surtout sortir avec des actions concrètes à même d’activer le processus de l’inclusion financière.
« Le financement de l’économie nationale vers un développement inclusif » est la thématique qui sera débattue le 29 janvier dans l’enceinte de la Chambre des représentants. La thématique cadre parfaitement avec les orientations royales qui prônent l’inclusion financière. Elle requiert une importance cruciale chez le Souverain, qui dans le discours du 11 octobre 2019, a mis davantage l’accent sur la nécessité de financer les TPE-PME, les porteurs de projets et les entreprises exportatrices en Afrique. Outre l’appel royal, le Maroc est appelé à réaliser les objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030. Mieux encore, cette thématique a toute sa raison d’être dans un contexte où les inégalités sociales battent leur plein. Rien qu’en cette semaine deux récents rapports, notamment ceux d’Oxfam et de l’OCDE ont pointé les inégalités trop criardes au Maroc. Le Maroc est classé 143e sur 153 pays par rapport à l’indice mondial de disparité entre les sexes selon le rapport du Forum Economique mondial 2020.
Où en sommes-nous ?
Depuis l’appel royal, nous assistons à une mobilisation tout azimuts des forces vives de la nation pour faire aboutir ce chantier, qui faut-il reconnaître nécessite, des fonds financiers mais aussi un vrai courage politique. Une étude de l’OCDE révèle que la finance est un rouage essentiel de toute économie moderne, mais trop de finance peut freiner la croissance et aggraver les inégalités de revenus. C’est d’ailleurs l’enjeu du nouveau modèle économique aujourd’hui en gestation.
Depuis l’appel royal, une stratégie nationale d’inclusion financière (SNIF) a vu le jour mais rien ne filtre sur son état d’avancement si ce n’est qu’un cabinet de conseil international aurait été mandaté en vue d’accompagner les acteurs de l’écosystème dans le développement de la SNIF dans un cadre collaboratif. Pas seulement. Les autorités marocaines vont se faire accompagner par une agence de communication dont la mission serait entre autres de proposer des actions efficaces à mettre en place aussi pour le lancement de cette stratégie qu’au cours du processus de son déploiement. C’est dire que nous ne devons que prendre notre mal en patience avant que cette agence livre son plan d’action.
Autre élément important est le lancement depuis 2018 du m-wallet. Un service financier mobile dont l’objectif est justement d’aboutir à l’inclusion financière. Un an après, le bilan est très mitigé. En cause, le cadre réglementaire souffre de certaines incohérences et la fiscalité est peu incitative. C’est dans ce cadre que s’inscrit d’ailleurs la disposition introduite dans la LF 2020 selon laquelle les contribuables vont bénéficier, au titre de l’impôt sur les sociétés, d’un abattement de 25% sur laquelle est assis cet impôt réalisé par le paiement mobile. Cette base correspond au nombre de transactions qui ont été réalisées grâce à la performance du mobile. Toutefois, eu égard aux objectifs escomptés, les mesures mises en place sont, au demeurant, limitées.
Last but not least : les membres de la Commission des Finances et du Développement Economie relevant de la Chambre des Représentants se sont penchés jeudi 16 novembre sur les dispositions du projet de loi n°15-18 relative au financement collaboratif (Crowdfunding). Par le biais de ce mode de financement, il est procédé à la collecte de fonds, généralement de faibles montants, auprès d’un large public, principalement en vue de financer l’entrepreneuriat des jeunes et l’innovation. Les pouvoirs publics mettent en place le cadre juridique dudit projet justement pour la mobilisation de nouvelles sources de financement au profit des très petites et moyennes entreprises et des jeunes promoteurs. La mise en œuvre du cadre juridique est imminente parce que le financement collaboratif n’est pas exempte de risques. Un porteur de projet mal intentionné peut invoquer diverses raisons comme un problème technique pour justifier le fait que son projet n’ait pas abouti alors que les fonds ont été réunis. Il peut aussi disparaître tout simplement dans la nature comme ce qui s’est déjà produit pour Geode, un porte-monnaie électronique.
2030 approche à grands pas…
Tout ce qui précède laisse entrevoir que le Maroc a encore du pain sur la planche. Il avance à petits pas en matière d’inclusion financière et ce à quelques encablures de l’échéance 2030, année de réalisation des ODD.
Les pouvoirs publics sont appelés à se retrousser les manches et passer à la vitesse supérieure au risque d’être dépassés par les vents et marées issus de la mondialisation. A juste titre, l’adoption des textes législatifs ne doit pas prendre plus de temps nécessaire pour leur validation et leur adoption. C’est le principal goulet d’étranglement de la bonne marche de notre économie. Souvent les pouvoirs publics surfent sur cette vague, les textes sont dans le Secrétariat général du gouvernement, pour justifier les retards accusés. Un retard qui dépasse deux ou trois ans à tel point que le texte en question ne cadre plus avec le contexte. Autre point important à ne pas élucider est la refonte en profondeur de notre système fiscal qui devrait constituer le socle de l’équité. La Loi de Finances 2020 a malheureusement raté le virage parce qu’elle ne reflète aucunement une redistribution des ressources pour un partage équitable des fruits de la croissance économique.
Une chose est sûre: tant que la dépense fiscale est axée plus sur le capital, la consommation et les exonérations sectorielles ou géographiques que sur le travail, l’inclusion sociale est un parfait leurre. D’où l’urgence d’opérer une réduction progressive, voire une élimination des distorsions concurrentielles induites par la multiplicité des dépenses fiscales et des exonérations dont bénéficient à chaque fois les mêmes secteurs .
La prochaine rencontre entre les murs de la chambre des représentants ne doit pas se limiter à ressasser l’existant, se réjouir des avancées mais surtout sortir avec des actions concrètes à même d’activer le processus de l’inclusion financière et sortir des sentiers battus.
Lire également : COMMUNICATION POUR L’INCLUSION FINANCIÈRE : LE MINISTÈRE DES FINANCES MANDATE UN CABINET INTERNATIONAL