Ecrit par Lamiae Boumahrou I
Comme à chaque événement catastrophique, les crues ayant frappé de plein fouet l’ancienne médina de Safi remettent sur la table la question de l’activation ou non du FSEC. Une fois de plus le gouvernement est face à ses responsabilités d’activer enfin un mécanisme créé pour faire face à de tels événements en indemnisant les victimes d’un évènement catastrophique ou recouvrir encore à un nouveau mécanisme de soutien comme ça était le cas pour le séisme d’Al Haouz et les inondations de Ouarzazate.
Safi s’est réveillée ce lundi 15 décembre sous le choc, au lendemain d’un dimanche noir marqué par de violentes précipitations ayant provoqué des crues soudaines dans l’ancienne médina. Les flots ont tout emporté sur leur passage, laissant derrière eux un lourd bilan humain et matériel.
Sur les réseaux sociaux, les images et vidéos diffusées sont bouleversantes, voire choquantes. Selon un bilan provisoire, les crues ont fait au moins 37 morts, plusieurs disparus, des dizaines voire des centaines de véhicules inondés ou emportés, ainsi que des centaines de commerces ravagés par les eaux.
S’il est encore prématuré d’établir un bilan définitif des pertes humaines et des dégâts matériels, qui s’annoncent lourds, ces événements ne sauraient être réduits à un simple phénomène naturel.
Deux questions majeures s’imposent d’emblée
La première concerne la responsabilité de cette tragédie. Les crues à Safi posent avec acuité la question du rôle des pouvoirs publics. Si les intempéries relèvent de causes naturelles, l’ampleur des dégâts met surtout en évidence de graves insuffisances en matière de prévention, d’aménagement urbain et de gestion des risques. Le manque de politiques de prévention efficaces, l’entretien défaillant des infrastructures de drainage et la tolérance d’une urbanisation anarchique ont exposé la ville à des risques pourtant prévisibles. Malgré les alertes répétées des habitants et des experts, les mesures nécessaires n’ont pas été prises à temps. À cela s’ajoute une gestion de crise jugée insuffisante, marquée par un déficit de coordination et de réactivité. Ces crues révèlent ainsi une défaillance structurelle de l’action publique et relancent le débat sur la reddition des comptes.
La seconde question porte sur la reconnaissance officielle de ces inondations comme catastrophe naturelle. Le gouvernement décrétera-t-il les inondations de Safi comme telles ? Depuis l’entrée en vigueur, en novembre 2019, de la loi relative aux événements catastrophiques, cette interrogation revient après chaque catastrophe majeure.
Pour rappel, bien que les inondations figurent parmi les risques couverts par le Fonds de solidarité contre les événements catastrophiques (FSEC), l’activation de ce mécanisme demeure conditionnée à un décret du Chef du gouvernement. Or, ce fonds n’a jusqu’à présent jamais été activé, ni après les inondations de Casablanca en janvier 2021, ni après celles ayant frappé les provinces de Ouarzazate en septembre 2024, pas plus que suite au séisme d’Al Haouz.
Cette situation contraste avec une décision gouvernementale pour le moins surprenante. Lors du Conseil de gouvernement de septembre 2025, l’Exécutif a en effet adopté un décret portant augmentation du taux de la taxe de solidarité contre les événements catastrophiques, prélevée sur les primes et cotisations d’assurance, la faisant passer de 1 % à 1,5 %.
Il s’agit du décret n°2.24.1123, modifiant et complétant le décret n°2.19.244 du 30 septembre 2019, qui institue au profit du FSEC une taxe parafiscale dénommée « taxe de solidarité contre les événements catastrophiques ». Une décision jugée incompréhensible par de nombreux observateurs, dans un contexte où, plus de cinq ans après son entrée en vigueur, le FSEC n’a jamais été activé et demeure, de fait, lettre morte.
S’agissant de Safi, il faudra désormais attendre de voir si le ministère de l’Intérieur enclenchera-t-il le processus d’activation de la commission de suivi prévue par l’article 9 de la loi n°110-14 ou pas. Rappelons que cette commission est chargée de statuer sur la qualification des événements ayant frappé la ville. Il faut dire que la déclaration de l’état de catastrophe n’intervient pas immédiatement, mais quelques jours après les faits, une fois que l’ensemble des éléments nécessaires à l’évaluation ont été réunis.
En attendant, les victimes, qu’elles soient assurées ou non, ayant subi des pertes humaines, des dommages corporels ou d’importants dégâts matériels, notamment sur les commerces et les habitations, sont contraintes de prendre leur mal en patience, suspendues à une décision d’activation ou non d’un dispositif qui, depuis sa création, n’a cessé de susciter interrogations et controverses.









