Mobiliser l’épargne nationale en faveur du financement et développement de l’économie est plus que jamais d d’actualité au Maroc le Pays étant engagé dans de grands chantiers structurants. Mais, cette volonté de canaliser davantage l’épargne nationale se heurte à plusieurs freins en limitent le plein potentiel.
Dans ce sens, la tenue de la Conférence ASFIM 2024 a constitué une véritable plateforme d’échange pour les principaux décideurs, experts nationaux et internationaux, et les innovateurs du secteur financier marocain afin d’examiner les tendances actuelles, les défis à relever et les opportunités émergentes, dans un climat de partage et de collaboration.
D’emblée, le président de l’ASFIM, Réda Hilali, a dressé le tableau des performances de la gestion collective qui atteint un record absolu en terme d’épargne canalisée grâce à une progression de près de 130 Mds de DH sur les 18 derniers mois, avec un encours global sous gestion de 660 Mds de DH soit près de la moitié des dépôts bancaires et 45% du PIB national.
Pour le président de l’ASFIM, cette progression témoigne de la confiance des investisseurs dans cette industrie et ses professionnels, illustrant son propos par la progression de 76 Mds de DH des placements des investisseurs institutionnels en OPCVM durant les 18 derniers mois. Ceux des entreprises ont évolué de 27 Mds de DH et ceux de ménages marocains de près de 10 Mds de DH.
« Notre industrie continue de s’illustrer par la forte liquidité des fonds gérés avec un cumul d’opérations traitées de près de 2.000 Mds de DH sur l’année 2024, entre souscription et rachat. Un quart de ces opérations ont concerné des catégories d’actifs à horizon long terme ce qui représente un taux de rotation de 100 %. S’agissant de l’horizon d’investissement, 80 % des encours collectés sont orientés vers des supports long terme. Cette épargne a notamment participé au financement de notre économie de manière significative. En effet, sur les 18 derniers mois, les OPCVM ont augmenté leur financement direct du Trésor de 60 Mds de DH et détiennent désormais plus de 310 Mds de DH en titrés émis ou garantis par l’État », annonce Réda El Hilali.
Par ailleurs, le secteur privé a également fait l’objet d’investissements importants puisque les encours placés par les OPCVM en dette privée ont augmenté de 36 Mds de DH pour se situer à 190 Mds de DH.
Quels leviers pour améliorer le taux d’épargne financière ?
La Conférence Asfim 2024 a été une nouvelle occasion de rappeler que le taux d’épargne nationale qui mesure la partie du revenu disponible brut non-consommé par les ménages, se situe aux alentours de 12 % du PIB. Ce qui dénote d’un grand potentiel à mobiliser mais sans omettre les freins érigés vers une plus forte mobilisation de l’épargne. Qu’ils soient de nature conjoncturels ou structurels.
D’où l’importance de la Conférence ASFIM 2024 qui permet aux différents experts de contribuer à brosser le tableau de l’épargne nationale particulièrement financière.
Dans ce sens, Mounya Dinar, Directrice du Pôle Marchés des Capitaux, Finances et Contrôle de Gestion à Al Barid Bank, a rappelé que le taux d’épargne a enregistré une moyenne de progression annuelle de l’ordre de 6% et une multiplication par deux de l’épargne au Maroc sur les dix dernières années au Maroc.
Mais cette évolution positive ne doit pas occulter que cette constitution est tirée par l’assurance qui a progressé de 11% sur cette période, alors que les comptes sur carnet ont régressé, par exemple.
Qu’est-ce qui freine donc une meilleure collecte de l’épargne à même d’améliorer le taux d’épargne ?
M. Dinar a listé certains facteurs, tout en insistant qu’il ne s’agisse pas d’une liste exhaustive, qui concerne à la fois des facteurs conjoncturels tels que le récent cycle d’inflation qui s’est répercuté de plein fouet sur le coût de la vie, ce qui est de nature réduire la capacité des ménages à mobiliser l’épargne. Et plus globalement, la capacité financière limitée des ménages dans certaines catégories sociales dont les revenus sont précaires ou irréguliers en lien également avec les conditions d’emploi sur le marché du travail.
Sur le plan structurel, l’économie étant largement dominée par l’informel et marquée par une forte circulation du cash, pis en progression même de 11%, en dehors des circuits bancaires et donc non canalisé vers les produits d’épargne formels. L’autre facteur cité par Mounya Dinar est l’accès limité aux produits d’épargne, induit par l’accès limité aux services bancaires.
Bien évidemment, cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y ait pas des leviers à actionner pour améliorer la collecte de l’épargne, puisque ces verrous cités une fois sautés peuvent libérer le potentiel de l’épargne, du moins sur le volet de l’améliorer de l’éducation financière et de l’élargissement de l’accès aux produits financiers.
D’ailleurs le conclave de l’ASFIM était l’occasion de voir comment d’autres pays ont réussi à mieux collecter l’épargne et la canaliser vers le financement de l’économie. Le cas du Canada qui a introduit des comptes d’épargne libres d’impôt, le cas du Chili qui a réformé le système de pension pour accroître l’épargne privée avec à la clé des réformes fiscales ou encore l’Inde qui a opéré des réformes fiscales, libéralisé l’économie et mobilisé la diaspora… autant de pays passés au crible par Mohammed Mraoua, National Leader Capital Markets and Quantitative Advisory Services – EY Montreal.
La ministre de l’Économie et des Finances, qui a clôturé les travaux de cette édition de la Conférence de l’ASFIM, a souligné que légiférer est important, en rappelant l’éminence de l’adoption des amendements de la loi sur les OPCVM ou la fiscalité qu’elle juge compétitive.
Les solutions sont ailleurs, notamment le problème de l’informel et du cash, un argent qui cherche des opportunités qu’il faut capter.
Elle a également insisté sur le digital comme levier ainsi que l’inclusion financière.
Pour canaliser l’épargne vers l’économie réelle, elle a interpellé les professionnels sur l’importance de marketer les différents chantiers menés par le Maroc comme autant de portefeuilles intéressants aussi bien pour les investisseurs institutionnels que particuliers, avec des profils de risques diversifiés. Et pourquoi pas élaborer des compartiments dérisqués pour les particuliers ou d’autres avec des rendements élevés pour susciter l’intéressant, un appel du pied pour développer et diversifier l’offre sur le marché.