Ecrit par Lamiae Boumahrou I
Alors que l’on pensait que les autorités travaillaient activement au déblocage des indemnités en faveur des victimes corporelles du séisme d’Al Haouz, le gouvernement a surpris tout le monde en choisissant d’augmenter le taux de la taxe de solidarité. Pourtant, selon des sources proches du dossier, 4 Mds de DH auraient été versés par le FSEC en avril 2024 pour la reconstruction des habitations endommagées, sans qu’aucune communication officielle n’ait été faite à ce sujet.
Le gouvernement Akhannouch ne cessera de nous surprendre. Jeudi dernier, en Conseil de gouvernement, une mesure inattendue a été adoptée : le décret n°2.24.1123, modifiant et complétant le décret n°2.19.244 du 30 septembre 2019, instituant au profit du Fonds de solidarité contre les événements catastrophiques (FSEC) une taxe parafiscale baptisée « Taxe de solidarité contre les événements catastrophiques ».
La principale nouveauté ? L’augmentation du taux de cette taxe, prélevée sur les primes et cotisations d’assurance, qui passe de 1 % à 1,5 %. Mais le gouvernement espère-t-il vraiment faire passer cette mesure comme une lettre à la poste, alors que le rôle effectif du FSEC dans la gestion du séisme meurtrier qui a frappé la région de Marrakech-Safi reste toujours opaque ?
Un silence incompréhensible après la tragédie
Cette décision nous interpelle à plusieurs niveaux. Depuis deux ans, le gouvernement observe un silence pesant sur l’action du FSEC, pourtant censé être un mécanisme central d’indemnisation des victimes de catastrophes.
Alors que l’on pensait que les autorités travaillaient activement au déblocage des indemnités au profit des victimes corporelles du séisme, comme le prévoit l’article 28 de la loi n°110-14 instituant un régime de couverture des conséquences d’événements catastrophiques, le gouvernement choisit de manière inattendue… d’augmenter la taxe.
Rappelons, une fois de plus, que ce Fonds a précisément pour mission d’indemniser les personnes ayant subi un préjudice corporel causé directement par un événement catastrophique, y compris les secouristes et sauveteurs, ou leurs ayants droit en cas de décès ou de disparition ainsi que l’indemnisation des habitations.
Or, les 8.000 victimes, dont plus de 3.000 morts et plus de 5.000 blessés selon les chiffres officiels, n’ont toujours rien perçu.
Des questions sans réponse
Depuis, les appels à la transparence se sont multipliés. Nous n’avons cessé d’interpeller les autorités sur les raisons du retard dans le versement des indemnisations, mais sans réponse claire. Leur unique justification : « le processus est toujours en cours de finalisation ».
Mais nous sommes aujourd’hui à J + 2 ans du séisme et toujours aucune indemnisation, aucune liste de bénéficiaires, et il semble même que les victimes ne soient même pas informées de ce droit.
Cela soulève plusieurs interrogations essentielles : Où sont passées les cotisations issues de la taxe parafiscale (1 % sur les primes d’assurance) collectées depuis janvier 2020 ? Quid des 275 millions de dollars versés par Gallagher Re, courtier mondial en réassurance, dans le cadre de la ligne de précaution ? Et les 800 MDH de dotation de l’État ? Ont-ils été versés au Fonds ? Ont-ils été utilisés ?
Une gestion sous silence
Comme à son habitude, le gouvernement reste muet sur la gestion du FSEC. Nous avons toutefois appris de source sûre que le FSEC aurait transféré en avril 2024 un montant de 4 Mds de DH au Fonds spécial pour la gestion des effets du tremblement de terre, afin de contribuer à la reconstruction des habitations rendues inhabitables, conformément à la loi.
Mais, à ce jour, aucune communication officielle n’a été faite à ce sujet. Aucun rapport. Aucun détail. La question fondamentale reste posée : pourquoi ce manque de transparence autour de la gestion du Fonds ?
Le gouvernement demande aujourd’hui aux assurés marocains de payer davantage pour alimenter ce mécanisme, sans qu’aucun bilan public n’ait été présenté sur son efficacité, sa réactivité ou ses critères d’intervention.
Ce n’est pas le principe du Fonds qui est remis en question, la solidarité nationale en cas de catastrophe est une nécessité. C’est son exécution dans l’opacité la plus totale qui suscite la colère et l’inquiétude.
À l’heure où le citoyen est de plus en plus sollicité financièrement, la confiance ne peut naître que de la transparence. Le silence n’est plus acceptable.
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