Ecrit par Soubha Es-Siari I
A l’instar des balances commerciales des mois précédents et même des années d’avant, celle du mois d’avril ne déroge pas à la règle. A chaque fois, l’analyse des données montre que l’économie marocaine est fortement dépendante de l’économie mondiale davantage par les importations (53% du PIB) que par les exportations (31% du PIB).
En 2023, selon les derniers chiffres du HCP dans sa note sur les comptes nationaux, les importations ont augmenté de 7,4% avec une contribution négative de 4,2 points au lieu d’une contribution négative de 4 points l’année dernière. Résultat des courses : un déficit commercial chronique du Maroc s’expliquant notamment par la prépondérance des importations des produits énergétiques. A fin avril, le déficit s’est allégé de 1,4% (-90.707 MDH à fin avril 2024 contre -92.014 MDH un an auparavant).
Cela n’empêche pas de dire que des avancées ont été réalisées grâce à la stratégie industrielle menée depuis quelques années et qui a permis de booster les exportations. Aussi, la stratégie de substitution aux importations a-t-elle permis de réduire le déficit commercial mais il reste encore beaucoup à faire.
L’analyse de la balance commerciale montre que le Maroc, pays à vocation agricole importe des biens qu’il produit lui-même et qui sont transformés ailleurs. Le présent article va se focaliser essentiellement sur l’énergie et les lubrifiants.
En cause la lecture de la balance commerciale met en évidence le poids de la rubrique « Energie et lubrifiants ». Ils représentent environ 20% des importations totales pour une valeur moyenne dépassant les 137 Mds de DH sur la période 2022-2023 : la totalité des besoins du pays en énergie par des importations (chiffres de l’office des changes).
A fin avril 2024, on relève une baisse de 8% de la facture énergétique. Cette évolution fait suite, essentiellement, à la baisse des approvisionnements en gaz de pétrole et autres hydrocarbures de -29,3% sous l’effet prix en recul de -29,1% conjugué à une légère baisse des quantités importées de -0,4%. C’est pour dire que c’est le prix qui détermine la baisse et non pas les quantités importées.
Outre leur caractère coûteux, ces importations, notamment du charbon, sont sources d’émission de fortes quantités de gaz à effets de serre, responsables du réchauffement climatique. A ne pas négliger que l’avenir énergétique appartient aux sources d’énergie propres et renouvelables car non polluantes.
Anticipant cette évolution, le programme des énergies propres et renouvelables lancé en 2009, devrait permettre au Maroc de couvrir 52% du mix énergétique du pays à l’horizon 2030 !
Quid des projets pour y remédier ?
Cette même volonté des pouvoirs publics de promouvoir l’énergie propre est derrière le projet ambitieux d’autoroutes électriques prévoyant de transférer plus de 3 Gigawatts d’électricité propre de la future centrale de Dakhla vers Casablanca.
Ladite Centrale prévoit dans une première étape, de connecter Dakhla à Casablanca par une ligne électrique à très haute tension s’étendant sur près de 1.400 km. Piloté par l’Office National de l’Électricité et de l’Eau Potable (ONEE), ce projet s’intègre dans une stratégie nationale visant à diversifier et décarboniser les sources d’énergie du pays.
En considérant ce projet dans un cadre plus global, les analystes considèrent que le Maroc va au-delà de la satisfaction de ses propres besoins énergétiques pour se positionner en exemple pour d’autres pays en matière de transition énergétique. Les autoroutes électriques marocaines pourraient, alors, être perçues comme un pas vers l’avenir, symbolisant une alliance entre innovation et opportunités, en ligne avec les objectifs mondiaux de développement durable et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Hydrogène vert pour produire de l’ammoniac au Maroc
Les importations du ‘’soufre brut non raffiné’’ et surtout de ‘’l’ammoniac’’ ont représenté sur la période 2022-2023 environ 4,5% pour une valeur de 28,9 Mds de DH. L’importance de ces importations réside dans le fait qu’elles constituent des intrants importants pour la transformation des phosphates en engrais chimiques et/ou en acide phosphorique.
Pour être en mesure de substituer la production locale aux importations de l’ammoniac, le groupe OCP prévoit, dans le cadre de sa stratégie de développement sur la période 2023-2027 des investissements de l’ordre de 130 Mds de DH dont une partie provient des financements extérieurs comme en atteste la récente sortie du groupe sur le marché financier international, sortie lui ayant permis de lever 2Mds de $.
Cet important effort d’investissement devrait faciliter la croissance du groupe qui prévoit d’augmenter sa production du phosphate et produits dérivés dans des proportions significatives au cours des prochaines années.
Il est question d’un doublement des capacités de production actuelles, doublement qui se fera tout en respectant les impératifs de durabilité et de sauvegarde de l’environnement.
En particulier, cette stratégie d’expansion se fera par la transformation sur place du phosphate dont des quantités importantes sont, encore, exportées à l’état brut (environ 4,5 millions de tonnes exportés sur la biennale 2022-2023). Dans le même sillage et pour soutenir cette mutation du groupe OCP, l’Etat a lancé récemment ‘’l’offre Maroc d’hydrogène vert’’ dont l’un des objectifs est la production, dans un premier temps, d’un million de tonnes d’ammoniac, intrant indispensable aux activités du groupe.
Ces efforts déployés pour réduire le volume des importations pourraient être conséquents et du coup l’impact sur le déficit commercial ne serait que perceptible. Encore faut-il que les moyens soient déployés à bon escient pour éviter un retournement de tendance suite à l’importance des équipements importés et les investissements lourds pour atteindre les objectifs susmentionnés.
Sur un autre angle, le Maroc a intérêt à réussir sa politique de préférence nationale. C’est là d’ailleurs le rôle du gouvernement qui doit parier fort pour réussir la cohérence entre la substitution à l’importation et la robustesse du tissu économique national notamment pour les produits industriels.
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