Ecrit par S. Es-Siari I
La baisse de la valeur du dollar si elle se poursuit encore pourrait avoir certes un effet positif sur les importations libellées en dollar notamment les produits énergétiques. Mais le manque à gagner serait par ailleurs perceptible chez les exportateurs de cette devise, toutes choses étant égales par ailleurs, qui verront une partie de leurs revenus évaporée.
Au cours du premier semestre 2025, le dollar américain a enregistré sa pire performance depuis plus de cinq décennies dans l’indice utilisé pour mesurer la force de la monnaie américaine. La dévaluation accumulée jusqu’en juin a été de 11% dans l’indice du dollar américain, créé par la Réserve fédérale (Fed), la banque centrale américaine, et qui compare le dollar à six autres devises — l’euro, le yen japonais, la livre sterling, le dollar canadien, la couronne suédoise et le franc suisse.
Cette dévaluation n’est que la résultante de la conjugaison d’un ensemble d’éléments : les sanctions commerciales imposées par l’Administration Trump à travers le monde, les inquiétudes liées à l’inflation ainsi que la hausse de la dette américaine.
Selon les analystes, de telles baisses ont déjà été observées. Mais cette fois, la dévaluation intervient en même temps que d’autres événements qui inquiètent certains économistes, ce qui a conduit de plus en plus d’investisseurs, d’analystes financiers et d’autres acteurs du secteur bancaire à remettre en question la vigueur du dollar américain.
L’un des points préoccupants mis en évidence est la baisse légère mais progressive de la part de la monnaie dans les réserves de change des banques centrales du monde entier.
Les experts et analystes pointent également du doigt la manière dont le gouvernement américain a utilisé la domination du dollar pour imposer des sanctions sur des situations d’ordre géopolitique.
D’autres plus sceptiques considèrent que le dollar reste profondément ancré en tant que monnaie de réserve mondiale. « La remise en cause à terme de sa domination pourrait éroder son attrait de valeur refuge, mais nous estimons que ces risques sont modestes par rapport au profond changement structurel qui serait nécessaire pour que l’économie mondiale migre vers un autre actif de réserve primaire ».
Quel impact sur le Maroc ?
Sur un autre registre notamment en ce qui concerne l’économie nationale, les effets pourraient être palpables. A rappeler que le dernier changement du panier des devises, opéré le 13 avril 2015, se basant sur la structure des échanges internationaux du Maroc, a porté les pondérations de l’euro à 60% et du dollar US à 40%, contre respectivement 80% et 20% auparavant.
Aujourd’hui, 1 dollar équivaut 9,18 DH. Depuis quelques mois, il était même sous le seuil des 9 DH.
Une telle baisse et si elle se poursuit encore pourrait avoir certes un effet positif sur les importations libellées en dollar notamment les produits énergétiques. Mais le manque à gagner serait par ailleurs perceptible chez les exportateurs de cette devise, toutes choses étant égales par ailleurs, qui verront une partie de leurs revenus évaporée.
« Les champions nationaux ne sont pas épargnés. Qu’il s’agisse du groupe OCP, des exportateurs de poissons, de textiles ou de câbles électriques, tous subissent ce même effet de ciseaux : marges laminées, compétitivité amoindrie, visibilité financière réduite. Et ce, au moment même où la demande mondiale se tasse, où le commerce international se reconfigure, et où la logistique globale demeure sous tension », rappelle à juste titre Nacer Arji, conseiller en politiques publiques dans une récente analyse.
D’après ses propos, cette vulnérabilité résulte d’une faiblesse structurelle : la sous-utilisation des instruments de couverture de change. « Trop d’entreprises marocaines continuent de naviguer à vue, exposées aux aléas des marchés monétaires, sans stratégie de couverture ni anticipation macroéconomique. Dans les économies matures, aucune société exportatrice d’envergure n’ignore cette dimension financière. Chez nous, elle reste trop souvent négligée ». Force est d’admettre que chez les PME, la culture de la couverture de change est quasiment absente.
Le Conseiller voit alors mal comment une économie qui aspire à la souveraineté dans ses différentes facettes peut se permettre de laisser ses champions naviguer à vue, au gré des vents du dollar.
« L’appréciation du dirham face au billet vert n’est pas qu’un indicateur technique : c’est un test de maturité économique nationale. Elle nous rappelle que la compétitivité ne se mesure plus seulement à la qualité du produit, mais à la sophistication des instruments qui le soutiennent », tient-il à souligner.
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