Ecrit par Soubha Es-Siari I
Neutralité concurrentielle et accès au marché, la thématique choisie pour cette 3e édition du séminaire du Conseil de la concurrence intervient à un point nommé où le Maroc s’apprête à deux échéances footballistiques 2025 et 2030 sans oublier le stress hydrique qui pèse comme une épée de Damoclès et qui nécessite des investissements lourds voire budgétivores. Pour ce faire, le Maroc a besoin de ses deux piliers (public et privé) pour surmonter les défis.
Intervenant à l’occasion de cette 3e édition du séminaire du Conseil de la Concurrence, Abdellatif Zaghnoun, Directeur Général de l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’Etat (ANGSPE) a expliqué le rôle de l’Agence portant réforme du secteur public dans cette dynamique et ce, conformément aux orientations royales. Il rappelle de prime abord l’importance certes du secteur public qui se manifeste à travers la présence d’un nombre important d’Entreprises et Etablissements publics (EEP) dans des secteurs ô combien stratégiques.
Ces EEP mobilisent des investissements importants dans les activités minières, les infrastructures, le transport… et toutes sortes de services publics. Comme en attestent les chiffres enregistrés en 2024 : le secteur public a investi 335 Mds de DH dont 92 Mds de DH concernent les entreprises qui sont sous la supervision de l’Agence. Les charges d’exploitation sont de 300 Mds de DH dont 180 Mds reviennent aux EEP qui sont dans le périmètre de l’Agence.
Le chiffre d’affaires est de 346 Mds de DH dont 240 Mds de DH réalisés par les EEP relevant de l’Agence. Des chiffres qui dénotent de l’importance du secteur public dans la formation brute du capital fixe.
Cette prépondérance du secteur public s’explique selon A. Zaghnoun par plusieurs facteurs historiques, économiques et structurels. Il y a un héritage historique du fait du rôle de l’Etat en tant qu’acteur névralgique dans le développement socio-économique du pays. A rappeler qu’au lendemain de l’indépendance, l’Etat marocain a pris en main de nombreux secteurs-clés pour poser les jalons d’un développement économique durable.
A l’époque peu d’acteurs privés avaient les moyens d’investir dans des projets stratégiques budgétivores. L’Etat avait ainsi décidé de créer la CDG, L’ONE, l’OCP, la RAM… qui depuis l’indépendance continuent à jouer un rôle majeur dans le développement de l’économie.
Dans une dynamique de développement socio-économique, de régionalisation avancée, l’Etat a besoin dans les prochaines décennies de ces entreprises pour développer ses territoires, d’autant plus qu’il s’agit d’investissements lourds dans des secteurs stratégiques avec une rentabilité différée dans le temps.
» Toutefois, tous ces investissements réalisés pendant de longues années ont balisé le terrain au secteur privé. Aujourd’hui, il est temps que le secteur privé s’implique dans l’investissement dans des projets à même de dynamiser l’économie. Le Maroc a besoin de ses deux piliers public et privé afin de pouvoir assurer son développement, relever les défis à venir », tient à souligner A. Zaghnoun.
Par rapport à la neutralité concurrentielle, les entreprises publiques et privées obéissent au même cadre juridique et réglementaire et bénéficient des mêmes avantages préférentiels. « La neutralité concurrentielle est cruciale pour créer un climat de transparence, d’équité pour l’ensemble des opérateurs économiques ». Et d’ajouter : « Et l’une des caractéristiques qui risquent de fausser cette neutralité est d’accéder à des financements avec des taux d’emprunt réduits, des garanties de l’Etat. Ces pratiques prenant la forme de subventions implicites, biaisent la concurrence ».
Aujourd’hui, il faut absolument limiter ces aides et éviter ces distorsions qui risquent de porter préjudice à l’économie, de décourager le secteur privé d’investir et donc de limiter l’innovation et la compétitivité. D’où le rôle de organes de supervision, des régulateurs de se mobiliser davantage pour favoriser ce climat de transparence et d’équité, un appel de Abdellatif Zaghnoun.
Une chose est sûre : l’heure du changement de paradigme a sonné. Le secteur privé est appelé à investir foncièrement pour une meilleure dynamique de l’Economie. Pour sa part, le secteur public doit se recentrer sur les métiers de base tout en préservant la souveraineté. Tels sont les principes que devra régir la nouvelle politique actionnariale de l’Etat, mission confiée à juste titre l’Agence de participations stratégiques de l’Etat.
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