Ecrit par la Rédaction I
En matière de financement, la mise en œuvre de la régionalisation avancée a permis l’allocation d’importantes ressources financières par l’État au profit des régions, avec une augmentation très significative durant la période 2015-2022, de 771 MDH à 9,25 Mds de DH. Néanmoins, la mobilisation d’autres sources de financement n’est pas suffisamment exploitée.
La régionalisation avancée s’inscrit au cœur des chantiers stratégiques du Maroc, elle représente une consécration du processus de la décentralisation et la démocratie locale porté par notre pays, selon une approche progressive.
La constitution de 2011 a consacré les principes de la régionalisation avancée, concrétisées à travers l’adoption, en 2015, des trois lois organiques portant sur les trois niveaux des collectivités territoriales. A rappeler que la période 2015-2018 a constitué une étape fondatrice dans le processus de la régionalisation avancée, à travers l’instauration et l’opérationnalisation des structures des conseils régionaux, le parachèvement du cadre réglementaire d’application des trois lois organiques (71 textes d’application), ainsi que l’adoption de la charte nationale de la déconcentration administrative.
Aujourd’hui, dans un contexte où le Maroc souhaite mener à bon escient un bon nombre de chantiers stratégiques économiques et sociaux. Où en sommes-nous dans ce projet d’envergure ?
S’agissant du cadre institutionnel, il a été relevé dans le rapport de la Cour des comptes 2022-2023 qu’au niveau de l’administration régionale déconcentrée, un retard dans la création des représentations administratives communes, en raison de la non-tenue des réunions de la commission interministérielle de la déconcentration administrative durant la période allant de juillet 2020 à juin 2023. Aussi, est-il constaté le manque d’appropriation et d’instauration de la culture de transfert des attributions décisionnelles de l’administration centrale vers ses services déconcentrés.
De même, le transfert des attributions prioritaires aux services déconcentrés, notamment celles relatives aux procédures d’investissement, reste limité. « En effet, jusqu’à septembre 2023 seulement 30% des attributions liées à l’investissement ont été transférées au niveau déconcentré », rappelle l’institution de
Au niveau des conseils des régions, la loi organique a préconisé la création des Agences Régionales d’exécution des projets (AREP), en vue de permettre auxdits conseils de gérer leurs affaires. A cet égard, il y a lieu de relever des disparités importantes dans l’opérationnalisation des missions desdites agences, notamment en matière d’exécution effective des projets et des programmes de développement régionaux (PDR).
En effet, durant la période 2016-2022, les dotations d’équipement allouées à l’AREP se sont élevées à plus de 1,1 Md de DH au niveau de quatre régions, à savoir Souss- Massa (1.579 MDH), Tanger-Tétouan-Al Hoceima (1.678 MDH), Beni Mellal-Khénifra (1.435 MDH) et Fès-Meknès (1.135 MDH), toutefois lesdites dotations n’ont pas dépassé 250 millions dans les régions de Casablanca-Settat (214,9 MDH), Guelmim-Oued Noun (65,45 MDH) et Marrakech-Safi (55,15 MDH).
La contribution de 3 régions dépasse 58%
Concernant la contribution des Régions dans le développement économique et social, le PIB généré par les 12 Régions durant la période 2015-2021 est passé de 966.077 à 1.273.281 MDH, soit un taux de croissance annuel moyen de 4,71%. Néanmoins, les Régions affichent des contributions différenciées en matière de création de la richesse nationale. En effet, la contribution moyenne au PIB national de trois Régions dépasse 58%, il s’agit des Régions de Casablanca-Settat (32%), Rabat-Salé-Kénitra (16%) et Tanger-Tétouan (10%). Alors que le PIB généré par les autres Régions est de 42%.
En ce qui concerne les mécanismes et les ressources de mise en œuvre de la régionalisation avancée, la Cour a relevé une mise à profit limitée du mécanisme de contractualisation entre l’État et les régions en vue de réaliser les projets prioritaires du PDR. S’ajoute à cela, le non-respect des délais contractuels pour la conclusion des conventions spécifiques, qui s’est traduit par de faibles réalisations physiques des projets inscrits dans les contrats Etat -Région.
Quid du financement ?
En matière de financement, la mise en œuvre de la régionalisation avancée a permis l’allocation d’importantes ressources financières par l’État au profit des régions, avec une augmentation très significative durant la période 2015-2022, de 771 MDH à 9,25 Mds de DH.
Néanmoins, la mobilisation d’autres sources de financement n’est pas suffisamment exploitée. En effet, les ressources propres des régions ne dépassent pas un taux annuel de 7%. À cela s’ajoute, le recours limité au partenariat public- privé (PPP) en vue de planifier et de mettre en œuvre des projets régionaux structurants qui nécessitent des ressources financières importantes et une expertise technique élevée, en raison du retard enregistré dans l’extension du dispositif juridique relatif aux PPP pour inclure les collectivités territoriales.
S’agissant des compétences des régions, la Cour a soulevé un retard dans l’adoption des schémas régionaux d’aménagement du territoire (SRAT), après cinq ans de l’adoption du décret fixant la procédure et les modalités de son élaboration. En effet, les régions de Casablanca-Settat et Draa- Tafilalet ne disposent pas, jusqu’à fin mai 2023, d’un SRAT visé. Par ailleurs, sept schémas régionaux d’aménagement du territoire ne sont entrés en vigueur qu’au cours des années 2021 et 2022.
Dans le même contexte, l’approbation et le visa des PDR au titre de la période 2015-2021 a connu un retard. En effet, le Ministère de l’Intérieur a visé les programmes de développement de 10 Régions en juin 2018, puis celui de la Région Guelmim-Oued Noun en janvier 2020. Ce qui a entraîné un bilan mitigé de réalisations des projets de développement. En effet, le taux global des réalisations physiques des projets inscrits aux PDR (2015- 2021) n’a pas dépassé 36%, jusqu’à la fin de l’année 2022, sachant que certains projets ont été initiés avant le visa des PDR. En outre, le coût des projets réalisés s’est élevé à environ 46,55 MMDH, soit 11% du coût prévisionnel des PDR (420,54 MMDH).
En matière des compétences partagées, il convient de noter que le cadre réglementaire les concernant n’est pas encore adopté. Cette situation a entraîné la non-mise en œuvre de certaines compétences partagées, notamment celles liées à la création d’agropoles, la promotion de l’habitat social, la préservation des zones protégées et la préservation des écosystèmes forestiers.
Pour ce qui est des compétences transférées, aucun transfert de compétences de l’État aux Régions n’a eu lieu durant la période 2015- 2023. À cet égard, il y a lieu de soulever que le minimum des compétences à transférer aux régions n’est pas encore fixé, notamment celles liées à des secteurs et services concernant de près les citoyens.
Eu égard à ce qui précède, la Cour a recommandé au Chef de Gouvernement de décliner les actions prévues par la feuille de route relative à la Charte nationale de la déconcentration administrative et à l’évaluation de ses résultats et assurer les conditions nécessaires pour la régularité des travaux de la Commission interministérielle de la déconcentration administrative.
Elle a recommandé également d’activer l’adoption et la publication des décrets relatifs aux représentations administratives régionales communes et définir leurs attributions, leur organisation ainsi que les mécanismes de coordination entre leurs composantes afin d’assurer l’unité d’action des services déconcentrés de l’Etat et de garantir leur bonne coordination.
Elle a aussi recommandé d’accélérer le rythme de transfert des attributions prioritaires relatives à l’investissement aux services déconcentrés de l’État, sur la base d’un calendrier de mise en œuvre tenant compte de la coordination avec les départements ministériels, en vue de faciliter les procédures administratives d’investissement et permettre aux investisseurs de les réaliser dans des conditions appropriées.
En outre, la Cour a recommandé au Ministère de l’Intérieur d’accompagner et soutenir les régions pour l’élaboration de PDR réalisables, tenant compte de leurs capacités de gestion et des ressources financières mobilisables et veiller à la qualité du montage financier et à la convergence des programmes de développement avec les autres politiques publiques, en précisant les projets dont la réalisation est prévue dans le cadre de contrats-programmes avec l’Etat.
Ajoutons à cela, la nécessité de fixer les modalités et les critères d’application des principes de progressivité et de différenciation entre les régions lors du transfert des compétences, ainsi que d’évaluer leur capacité à mener l’exercice des compétences transférées, après huit ans de l’entrée en vigueur de la loi organique relative aux régions, notamment celles liées à des secteurs et des services concernant de près les citoyens et le cadre d’investissement.