Cet article s’inscrit dans la lignée des 3 autres[i], [ii], [iii] qu’il complète. Il donnera, d’abord, en dehors de tout sensationnalisme et surenchère, une vision objective de la position du Maroc dans ce qui devient une course, saine et légitime vers des parts sans cesse croissantes d’électricité éolienne et solaire.
Ceci est fait car il existe trop d’indices de classement qui contiennent trop d’éléments de « good will » que les politiciens mettent (trop) en avant et qui noient complètement les chiffres tangibles, que voici, qui ont été mis en ordre et en graphiques dans le but d’une compréhension rapide afin de bâtir les avis les plus nuancés possibles.
Avec 0,16% des émissions mondiales de GES, le Maroc n’a aucune prise sur le réchauffement climatique mais il a tout intérêt à baisser sa dépendance énergétique à travers le solaire et l’éolien, sans l’hydroélectricité. En justifiant ce chiffre, l’article proposera donc de créer une offre additionnelle de 1’400 GWh/an de solaire et / ou éolien pour répondre à la croissance des besoins.
Cette fois-ci, nous avons utilisé un site de données internationales, Ember[iv], qui fournit un aperçu assez complet du secteur énergétique mondial, notamment des données relatives à l’électricité : sur la demande, sur les capacités installées, de leurs production ainsi que de leurs émissions de gaz à effet de serre.
PRODUCTION D’ÉLECTRCITÉ AU MAROC ET DANS LE MONDE
La Figure 1 montre une image instantanée à fin 2024 de la répartition des sources d’électricité pour la production d’électricité au Maroc (gauche) et dans le monde (droite).
Figure 1 Parts de chaque source dans la production d’électricité en 2024 : au Maroc et dans le monde
La production globale d’électricité, qui aurait atteint 30’856 TWh (autant de milliards de kWh) en 2024, a subi une croissance de +968 TWh, supérieure à celle de 2023. La croissance de la production propre (+1’300 TWh) a couvert cette croissance et aussi baissé la part des sources fossiles et nucléaires.
La production d’électricité du Maroc, qui aurait atteint 43’697 GWh (autant de millions de kWh) en 2024, a subi une croissance de +1’248 GWh, supérieure à celle de 2023. La croissance de la production propre (+2’256 GWh) a couvert cette croissance et a aussi baissé la part des sources fossiles.
Figure 2 Evolution des parts de chaque source dans la production d’électricité : au Maroc et dans le monde
La Figure 1 n’offrant qu’une vision trop statique, la Figure 2 montre l’évolution 2000-2024 des différentes parts de la production d’électricité au Maroc (graphique de gauche) et dans le monde (graphique de droite).
A part le fait que le Maroc continue à utiliser des parts importantes de charbon dans sa production d’électricité, on remarquera que les parts de l’hydroélectricité baissent au Maroc, comme dans le monde, et que la progression de l’éolien et du solaire se font essentiellement au détriment de toutes les autres sources conventionnelles qu’elles soient thermiques (charbon, pétrole, gaz naturel et nucléaire au niveau global), ou bien renouvelables (hydroélectricité).
PARTS DE L’ÉLECTRCITÉ SOLAIRE ET ÉOLIENNE AU MAROC ET DANS LE MONDE
Donc, si l’on veut ne traiter que les technologies de production d’électricité qui sont globalement en croissance soutenues, à partir de maintenant, nous ne garderons que le solaire et l’éolien en ignorant l’hydroélectricité, contrairement à un article précédent2. Dans la foulée, cela évite de pénaliser les pays défavorisés par leur topographie (comme les Pays-Bas) ou leurs ressources en eau (comme le Maroc). Justement, la Figure 3 montre comment, entre 2000 et 2024, ont évolué :
- la part de solaire et éolien dans la production électrique (carrés bleus rapportés à l’échelle de gauche),
- le classement du Maroc (ronds rouges rapportés à l’échelle de droite), l’étiquette indique le classement ainsi que le nombre de pays classés.
Figure 3 Evolution de la part de (solaire + éolien) dans la production électrique du monde et du Maroc et son classement
Le classement du Maroc varie au gré de la progression des autres pays ou entités considérés. On remarquera qu’entre 2012 et 2024, pour maintenir un classement moyen a la 26ème place sur une moyenne de 148 pays, le Maroc a dû augmenter la part de (solaire + éolien) dans son électricité produite (de 2,75% à 24,86%) plus rapidement que celle du monde entier (2,78% à 15,00%). Ceci signifie que la croissance des chiffres du peloton de tête, est encore plus forte que celle du Maroc.
En 2024, sur la part de solaire et éolien dans la production électrique, les 18 pays devançant le Maroc sont : Danemark (avec 67,17%), Lituanie, Luxembourg, Portugal, Pays-Bas, Espagne, Grèce, Allemagne, Irlande, Royaume Uni, Estonie, Chili, Belgique, Uruguay, Australie, Hongrie, Finlande et Suède (avec 25,75%).
PROPOSITION D’UNE BASE POUR UN PLAN D’ÉQUIPEMENT ÉLECTRIQUE DU MAROC
Etant donné que :
- l’électricité de sources renouvelables représente un moyen sûr de baisser progressivement la dépendance énergétique et que l’hydroélectricité est défaillante,
- les nouveaux espaces de croissance de l’électricité solaire et éolienne sont encombrés jusqu’en 2045 par les contrats « take-or-pay » et les ventes LER chiffrés en 2024 à 32’348 GWh2, soit 74,3% du total,
- qu’un espace minimal de 15% de production doive absolument continuer à être réservé à l’ONEE-BE afin d’assurer, avec un minimum de risque, l’équilibre entre offre et la demande,
- que le coût du stockage d’électricité sur batterie devient compétitif1, 2, 3,
il serait sans doute judicieux de programmer la satisfaction de la croissance de l’électricité nette appelée exclusivement par les énergies renouvelables nationales que sont le solaire et l’éolien.
Afin de chiffrer le besoin annuel d’apports annuels supplémentaires, la Figure 4 montre :
- comment l’électricité nette appelée (ENA, en bleu et rapporté à l’échelle de gauche) a évolué durant les 45 dernières années entre 4’442 GWh en 1980 et 45’718 GWh en 2024,
- que sa courbe d’ajustement moyen a augmenté comme montré par la ligne rouge continue, rapportée à l’échelle de droite,
- que l’augmentation réelle des productions électriques solaire et éolienne (ronds rouges, rapportés à l’échelle de droite) a permis de satisfaire l’augmentation moyenne de l’ENA en 2019 et même largement en 2023 et 2024, quoique n’ayant commencé qu’en 2000.
Figure 4 Evolution de l’électricité nette appelée au Maroc (en bleu) et de son augmentation annuelle
CONCLUSION
Puisque, des nouveaux apports d’électricité solaire et / ou éolienne, ont déjà satisfait l’augmentation moyenne de l’ENA qui se situe actuellement autour de +1’400 GWh/an, si on voulait le faire de façon régulière, il faudrait, en attendant mieux, toute combinaison partielle des deux chiffres suivants :
- programmer annuellement, en solaire photovoltaïque : 800 MWc de capacité solaire dans des sites bien ensoleillés au Sud ou à l’Est de l’Atlas,
- ou bien programmer annuellement, en éolien : entre 270 MW dans les meilleurs sites des Provinces du Sud ou bien 460 MW ailleurs sur l’Atlantique ou le Détroit.
Certes, cela ne permettrait de gagner que près de 1,4% par an d’indépendance énergétique mais, avec des appels d’offres annuels en BOOT, cela pourrait se faire sans faire appel à des fonds publics. Les Australiens du Sud, parmi d’autres2, ont fait bien plus que ça, pourquoi pas nous ?
En 2008, un Plan d’Equipement prévisionnel a été diffusé, centrale par centrale et année par année jusqu’en 2020 puis 2030. Or, en 2025, on sait que ce Plan est devenu obsolète puisqu’il était basé sur des prévisions surestimées. Certes, son exécution a fait se fâcher certains, crier d’autres, mais personne n’a exigé de faire tomber des têtes, Dieu merci, pas dans Notre pays ! Alors craint-on de faire un nouveau Plan ?
A défaut de publication d’un nouveau Plan d’Equipement électrique, les citoyens de ce pays sont en droit de penser qu’il n’existe pas et il ne peut y avoir de reddition de compte sans objectifs détaillés. Je ne sais ce qu’il faudra pour m’enlever cette opinion d’un Département de l’Energie du Gouvernement actuel :
- qui communique excessivement sur des chiffres inexacts ou sans référence,
- qui n’a fait que gérer l’urgence, ce qu’il a bien fait, mais sans communiquer suffisamment à ce sujet,
- qui garde un silence absolu sur d’importants dossiers en suspens.
Toutes ces choses ont une latence qui dépasse une législature, alors qu’est-ce qui sera pire en fin de mandat :
- passer pour un gestionnaire qui fait le buzz en naviguant à vue sans aucune planification,
- passerpour un gestionnaire qui n’a pas complètement réalisé des objectifs donnés ?
Par Amin BENNOUNA (sindibad@uca.ac.ma)
RÉFÉRENCES
[1] Amin Bennouna, « Pourquoi a-t-on lancé tant d’appels d’offres et à manifestation d’intérêt pour des turbines à gaz ?« , EcoActu, 21 Avril (2025), https://ecoactu.ma/pourquoi-a-t-on-lance-tant-appels-doffres-et-a-manifestation-dinteret-pour-des-turbines-a-gaz/
[2] Amin Bennouna, « Mix électrique de l’Australie du Sud, exemple technique que devrait suivre le Maroc« , Ecoactu, 03 Juillet 2025, https://ecoactu.ma/mix-electrique-de-laustralie-du-sud-exemple-technique-que-devrait-suivre-le-maroc/
[3] Amin Bennouna, « Le couple batteries & solaire offre désormais, en plus de l’inertie, un coût très compétitif« , Ecoactu, 08 Juillet 2025, https://ecoactu.ma/le-couple-batteries-solaire-offre-desormais-en-plus-de-linertie-un-cout-tres-competitif/
[4] Ember, « Global energy think tank that accelerates the clean energy transition with data and policy« , https://ember-energy.org/