Ecrit par S. Es-Siari I
La supervision basée sur les risques dans le contexte de la retraite en Afrique est un enjeu crucial pour assurer la pérennité et la robustesse des systèmes de retraite. Elle vise à identifier, évaluer et gérer les risques spécifiques auxquels sont confrontés les régimes de retraite, en tenant compte des spécificités locales et des défis démographiques et économiques du continent. Si de nombreux pays du Continent l’ont adopté, au Maroc, elle est encore au stade de la réflexion.
Deux jours durant, soit les 10 et 11 juillet 2025, l’Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS) accueille à Marrakech, les travaux de la 6ème Conférence annuelle de l’Association des Autorités Africaines de Supervision des Retraites (APSA). Placé sous le thème « Renforcer la résilience du paysage des retraites en Afrique », cet évènement rassemble les responsables d’institutions de régulation et de supervision des retraites de plusieurs pays du continent africain, ainsi que des représentants d’organisations internationales, d’acteurs institutionnels, de chercheurs et d’experts du secteur.
Cette conférence vise à partager les bonnes pratiques en matière de gouvernance, d’élargissement de la couverture, de gestion des risques émergents, ainsi que d’intégration des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance dans les politiques d’investissement.
Au programme de ces deux journées de travaux figurent plusieurs sessions thématiques consacrées notamment à l’évolution des cadres de supervision vers des approches fondées sur les risques, à la gestion proactive des risques émergents (climat, cybersécurité, démographie…), au développement d’une taxonomie « Environnementale, Sociale et de Gouvernance » africaine, ou encore à l’exploration de nouveaux modèles de micro-retraite pour élargir la couverture des travailleurs du secteur informel.
Force est donc de rappeler que les régimes de retraite en Afrique sont de plus en plus exposés à des risques majeurs (cybersécurité, essor démographique, vieillissement de la population, migration…). Ajoutons à cela que les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’allongement de la durée de la vie et la prédominance du travail informel mettent à mal tous les régimes de retraite dans le continent. Un chiffre révélateur : 9,6% de la population africaine dispose d’une retraite.
Face à cette recrudescence des risques, les pays africains sont appelés à se doter d’une supervision basée sur les risques.
L’idée sous-jacente est que l’évolution des cadres de surveillance des régimes de retraite, tant publics que privés, passe d’une approche traditionnelle, axée sur la conformité, à un modèle de surveillance plus proactif, basé sur les risques. Cette transition reflète une prise de conscience croissante que le simple respect des règles ne suffit pas à garantir la santé et la stabilité à long terme des systèmes de retraite. L’adoption d’une supervision fondée sur les risques représente ainsi un changement fondamental dans la philosophie de surveillance. Au lieu de se contenter de vérifier la conformité, la supervision fondée sur les risques, les régulateurs se concentrent sur l’identification et l’évaluation des risques spécifiques à chaque régime de retraite.
Autrement dit, la supervision basée sur les risques dans le contexte de la retraite en Afrique est un enjeu crucial pour assurer la pérennité et la robustesse des systèmes de retraite. Elle vise à identifier, évaluer et gérer les risques spécifiques auxquels sont confrontés les régimes de retraite, en tenant compte des spécificités locales et des défis démographiques et économiques du continent. L’objectif est de renforcer la capacité des régulateurs à anticiper et à atténuer les risques potentiels, garantissant ainsi la protection des droits des retraités et la stabilité financière des systèmes.
Cela implique une analyse plus approfondie de la situation financière du régime, de sa stratégie d’investissement, de sa structure de gouvernance, de son efficacité opérationnelle et de son environnement externe. Les superviseurs hiérarchisent ensuite leurs efforts en fonction du niveau de risque identifié, en concentrant leurs ressources sur les régimes présentant la plus grande menace potentielle pour les prestations des membres.
Les pays africains présents à la 6e conférence ont tous presque adopté depuis quelques années la supervision basée sur les risques qui selon leurs dires a pris beaucoup de temps pour être mise en œuvre. Au Maroc, Mohamed Hablouz, chef du département de contrôle des organismes de retraite à l’ACAPS rappelle que le contrôle du secteur de la retraite se base sur la conformité. Cela fait 3 ans que la réflexion est lancée sur le passage au contrôle basé sur les risques. « Il faudra donc encore du temps pour intégrer la supervision basée sur les risques dans la nouvelle approche de l’ACAPS », annonce-t-il.
» Nous avons un certain nombre de risques croissants et nous ne pouvons pas faire une supervision identique pour l’ensemble des risques. Il faut donc se focaliser sur les risques les plus importants. A ce titre, quels sont les risques qui pèsent et qui sont communs presque à tous les pays du continent avec des niveaux différenciés en fonction du niveau de développement de chaque pays. Le 1er risque est celui démographique, nous avons plus de retraités à cause de l’augmentation de l’espérance de vie conjuguée à une baisse de la fécondité. Résultat: le rapport retraités/actifs est déséquilibré. La persistance de l’informel est aussi un problème commun. Les risques liés à l’investissement tels que la volatilité des rendements… tous ces éléments sont communs aux pays du continent et d’où l’intérêt d’échanger les expériences sur les meilleures pratiques pour un meilleur contrôle basé sur les risques », explique Abderrahim Chaffai, président de l’ACAPS.
A noter que la supervision basée sur les risques doit tenir compte des réalités économiques, démographiques et sociales de chaque pays, y compris la prévalence du secteur informel et les disparités régionales.
Pour ce faire, il est essentiel de former les régulateurs aux outils et aux techniques de supervision basée sur les risques, afin de leur permettre de remplir efficacement leur rôle.
En résumé, la supervision basée sur les risques est un élément clé pour garantir la solidité et la durabilité des systèmes de retraite en Afrique. Elle nécessite une approche coordonnée, adaptée aux réalités locales et axée sur le renforcement des capacités des régulateurs.
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