Ecrit par Soubha Es-Siari I
Malgré cette baisse du taux de chômage, de sérieux défis subsistent. Autrement dit, cette légère embellie ne doit pas cacher que le marché du travail est confronté à une série de problèmes structurels qui entravent durablement son bon fonctionnement et limitent ses capacités à absorber une population active en expansion constante.
En pleine période estivale, le HCP a publié les indicateurs relatifs au taux de chômage au second trimestre de l’année en cours. Cet indicateur est scruté régulièrement par la sphère économique pour tâter le pouls de l’économie. Il se veut déterminant pour toute économie quelque soit son niveau de développement. Certes il permet de rassurer sur la stabilité sociale mais éclaire par ailleurs sur la santé économique. Actuellement, toutes les places financières retiennent leur souffle, évoluant sans élan ce jeudi dans l’attente des chiffres sur l’emploi américain en août. Ils seront à même de donner de « premiers éléments de réponse » sur la santé de « l’économie américaine.
Les derniers chiffres communiqués par le HCP annoncent que le taux de chômage national du Maroc est tombé à 12,8% au deuxième trimestre 2025, contre 13,1% au cours de la même période l’année dernière. Il s’agit de la première baisse après plusieurs trimestres de hausse depuis le covid19. Faut-il s’en réjouir pour autant ? Faut-il espérer un renversement de tendance dans les prochains mois et les prochaines années ? D’aucuns diront que c’est une esquisse d’espoir pour un renversement de tendance. Mais, il ne faut pas aller vite en besogne.
De prime abord, le constat est que cette amélioration du taux d’emploi est l’apanage de la création d’emplois en milieu urbain. Les villes ont créé 114.000 nouveaux emplois, contribuant à réduire le chômage urbain de 16,7 % à 16,4 %. Ce progrès urbain contraste fortement avec les zones rurales, où l’emploi continue de souffrir.
Les données du HCP indiquent que les régions rurales ont perdu 107.000 emplois, principalement en raison des coupes budgétaires dans le secteur agricole, qui ont supprimé 108.000 postes.
Sans vouloir assombrir le tableau mais cette légère embellie ne doit pas cacher une réalité à savoir que le marché du travail est confronté à une série de problèmes structurels qui entravent durablement son bon fonctionnement et limitent ses capacités à absorber une population active en expansion constante.
Parmi les symptômes les plus manifestes de cette crise figurent le chômage massif chez les jeunes, l’inadaptation persistante entre les profils de formation et les besoins de l’économie, la faible productivité des secteurs dominants, ainsi qu’un recours généralisé au travail informel.
L’accumulation de ces distorsions reflète l’incapacité du modèle de croissance actuel à générer une dynamique inclusive d’emploi, malgré les ambitions affichées en matière de développement humain et d’équité territoriale.
Nous n’avons eu de cesse de dire que l’économie informelle continue de dominer le paysage de l’emploi, contribuant à précariser davantage les conditions de travail. Outre qu’une grande partie des actifs occupés ne bénéficient d’aucune couverture sociale, l’écrasante majorité d’entre eux exerce dans des unités de production non structurées, souvent à très faible productivité. L’informalité est particulièrement répandue dans le commerce de détail, l’artisanat, l’agriculture et certaines formes de services urbains. Cette réalité fragilise non seulement les travailleurs concernés, privés de stabilité et de droits fondamentaux, mais affaiblit également la base fiscale de l’État, freine l’investissement productif et alimente des mécanismes d’exclusion économique.
En sus de ces déséquilibres structurels, on y trouve la sécheresse qui frappe fort le secteur agricole. Ce dernier, faut-il rappeler, pourvoyeur d’environ 30% des emplois nationaux, subit de plein fouet les effets du changement climatique, accentuant la vulnérabilité de centaines de milliers de ménages ruraux. Comme en attestent les chiffres cités plus haut.
Et pour couronner le tout, les mécanismes publics de régulation du marché du travail n’arrivent pas à jouer le rôle qui leur est dévolu.
Outre le fait qu’ils pèsent sur le budget de l’Etat via des dépenses de fonctionnement, ces dispositifs d’accompagnement à l’emploi (notamment ANAPEC) peinent à répondre aux attentes des chercheurs d’emploi, en raison d’une couverture géographique inégale, d’une faible coordination avec les entreprises locales et d’une efficacité limitée des programmes de formation en alternance ou d’insertion. L’absence d’un pilotage intégré et territorialisé des politiques de l’emploi empêche une lecture fine des besoins sectoriels et des potentialités régionales. Résultat des courses : persistance d’un désajustement entre les dynamiques économiques territoriales et l’offre de travail disponible.
Au total, le marché du travail traverse une période de fortes turbulences, marquée par une remontée significative du chômage, qui affecte particulièrement les jeunes, les diplômés et les femmes. Ces tumultes montrent l’urgence d’une croissance soutenue et durable pour créer suffisamment d’emplois en phase avec les attentes des demandeurs d’emploi.
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