Ecrit pas S. Es-Siari I
Ces dernières années, l’Etat a été interpelé à différentes occasions. Les indemnisations se multiplient impactant de façon sensible les finances publiques. Dans plusieurs cas, l’origine de ces litiges est liée notamment à l’absence d’une gouvernance efficace de ces situations litigieuses. Selon le Trésorier Général du Royaume, Noureddine Bensouda, l’obligation de mettre en place des outils de prévention, de gestion et d’organisation est devenue vitale pour garantir une efficacité dans la gestion du contentieux judiciaire et une rationalisation de la dépense publique. Détails.
Les Assises nationales sur la gestion et la prévention du contentieux de l’Etat, organisées par le Ministère de l’Économie et des Finances (Agence judiciaire du Royaume) ont démarré le 15 avril dernier à Rabat, sous le thème : « La prévention et la gestion du contentieux de l’Etat, un levier pour la préservation de la légitimité, la stabilité de l’investissement et la rationalisation des dépenses publiques ».
Ces assises s’inscrivent dans le cadre de la gestion des contentieux de l’Etat selon une approche proactive, basée sur la prévention et la vigilance et l’évaluation de la performance, dans le but de garantir la protection des fonds publics et l’amélioration du climat d’investissement, tout en renforçant la confiance des citoyens dans les services publics.
Présidant la deuxième séance plénière de ces Assises qui porte sur le thème : « Gérer les litiges de l’Etat à travers des expériences comparatives », Noureddine Bensouda, le Trésorier Général du Royaume n’a pas manqué de rappeler que la scène judiciaire s’est caractérisée au cours des dernières années par une hausse fulgurante des actions en justice contre des personnes de droit public. D’ailleurs, le recours à la justice n’est plus considéré aux yeux des justiciables comme un avantage mais comme un droit garanti par la constitution et ce dans le cadre de l’Etat de droit.
Dans la foulée, N. Bensouda rappelle que de nombreux pays developpés ont consacré ce droit comme l’un des droits fondamentaux de l’homme.
A juste titre, l’article 118 de la Constitution marocaine de 2011 stipule que « le droit d’ester en justice est garanti à toute personne pour défendre ses droits et intérêts, lesquels sont protégés par la loi ».
Et il enchaîne : « Dans ce contexte, et avec la conscience juridique croissante des individus et leur forte croyance en leur droit de recourir à la justice, la gestion de ce contentieux judiciaire est devenue d’une importance primordiale, non seulement comme moyen de résoudre les litiges existants auxquels l’administration est confrontée, mais aussi comme outil stratégique pour assurer la continuité du service public et renforcer la confiance dans le travail administratif ».
Il précise également que chaque pays a sa propre stratégie unique qui prend en compte ses traditions juridiques, ses structures judiciaires et ses spécificités politiques et administratives.
Cette session s’est d’ailleurs démarquée par le partage des expériences étrangères de pays comme la France, l’Égypte, le Sénégal et l’Espagne, en plus du Maroc, pour examiner comment ils traitent les différends qui surgissent entre l’État et d’autres acteurs, que ce soit par le biais de tribunaux administratifs ou de mécanismes alternatifs de règlement tels que la médiation, l’arbitrage et la conciliation. Les participants se sont ainsi penchés sur l’analyse des similitudes et des différences entre les différents modèles et à réfléchir aux enseignements tirés qui peuvent améliorer l’efficacité de la gestion et de la prévention du contentieux judiciare de l’État.
Au terme de cette séance générale, Noureddine Bensouda souligne que les administrations publiques sont confrontées à des défis importants dans le domaine de la gestion des litiges, qui représentent un fardeau croissant pour les finances publiques, outre les perturbations qu’ils peuvent causer à la continuité et à la régularité du service public.
Une gestion efficace du contentieux judiciaire est, selon ses propos, devenue une nécessité urgente pour limiter leur impact négatif sur les finances de l’État et assurer la continuité des équipements publics. La gestion de ces litiges nécessite l’élaboration de stratégies intégrées et l’adoption de divers mécanismes permettant leur prévention et leur résolution par des méthodes alternatives.
D’une manière globale, la stratégie de gestion du contentieux judiciaire repose, comme le montrent les expériences internationales les plus élaborées, sur trois niveaux fondamentaux et intégrés :
Le premier concerne la prévention des litiges, considérée comme la première et la plus importante étape de la stratégie de gestion du contentieux judiciaire à travers :·
- La fourniture des conseils juridiques aux administrations publiques concernant les actions et les décisions que les administrations souhaitent prendre ;
- L’adoption d’une approche de précaution dans la conclusion des contrats ;
- L’organisation de formations à destination du personnel chargé de la gestion des litiges, dans le but de les sensibiliser au rôle préventif joué par cette étape dans la réduction de la survenance des litiges.
Le deuxième est relatif aux modes alternatifs de résolution des litiges : ces mécanismes représentent des options importantes qui aident à résoudre les litiges en dehors des tribunaux au moindre coût et dans les plus brefs délais, de manière amiable, économisant ainsi du temps, des efforts et des ressources. Ces solutions reposent sur le caractère amiable du règlement entre les parties en litige, par le biais de la médiation, de l’arbitrage et de la conciliation.
Le 3e relève de la gestion du contentieux judiciaires : ce niveau comprend l’ensemble des procédures et techniques utilisées pour gérer le contentieux que ce soit par voie administrative à l’amiable ou par voie juridictionnelle. À cet égard, l’administration joue un rôle central dans la gestion du contentieux, car elle est chargée de veiller à ce que ses intérêts soient bien défendus et protégés face aux contestations juridiques qui peuvent survenir.
Cela comprend la prise de mesures proactives pour garantir que ses décisions et ses actions soient conformes aux lois et réglements applicables, ainsi que la nomination d’experts juridiques spécialisés pour garantir la fourniture de conseils juridiques précis et appropriés.
L’Administration est également tenue d’adopter des stratégies efficaces de négociation et d’arbitrage pour résoudre les différends en dehors des tribunaux, ce qui lui permet d’éviter des coûts supplémentaires et de réduire les risques résultant des litiges.
Outre ce qui précède, l’importance de la gestion du contentieux judiciaire étatiques est soulignée dans la recherche d’un équilibre entre l’exigence d’efficacité administrative d’une part, et le principe de légitimité d’autre part. « Le but étant d’atteindre l’équilibre souhaité entre les exigences d’efficacité administrative, qui requièrent rapidité dans la prise de décision et performance de qualité, et le principe de légitimité, qui constitue l’un des fondements du travail administratif », souligne N. Bensouda.
Il s’agit d’adopter une approche globale combinant un cadre juridique solide, une planification préalable et une coordination institutionnelle efficace, en plus de la nécéssité d’améliorer les compétences des ressources humaines.
Une chose est sûre : les défis auxquels est confrontée aujourd’hui l’Administration nécessitent un renouvellement des méthodes de gestion du contentrieux judiciaire et le développement de solutions qui parviennent à un équilibre entre la rapidité de la prise de décision administrative, la garantie des droits individuels et le respect des principes de justice. D’où l’importance de s’inspirer des expériences étrangères afin d’en extraire les meilleures pratiques.