Ecrit par S. Es-Siari |
Le séisme qui a frappé la ville de Marrakech le vendredi du 8 septembre 2023 montre une fois de plus qu’on n’est pas à l’abri des catastrophes naturelles. Il suffit de surfer sur les différentes chaînes de télévision pour se rendre compte du nombre de pays touchés par ces événements aux conséquences lourdes (inondations, incendies, tremblement de terre…).
Au Maroc à titre préventif, le Fonds spécial des évènements catastrophiques (FSEC) a été mis en place et entré en vigueur le 1er janvier 2020 pour assurer les personnes ne jouissant d’aucune couverture. Aussi à titre indicatif, le séisme d’Al Haouz a mis en évidence la vulnérabilité des constructions et d’ouvrages en dehors même de la périphérie de la ville de Marrakech. Une anarchie qui en cas de survenance d’une catastrophe naturelle questionne sur la Responsabilité civile décennale et la Tous risques chantiers (TRC) dont les textes d’application peinent à voir le jour. Leur entrée en vigueur sonnerait le glas à un chaos dans le secteur de la construction qui prend en otage toute l’économie.
Interrogé sur l’état d’avancement de ces deux polices d’assurance, le régulateur nous avait annoncé il y a un peu plus d’un an que l’ACAPS avait beaucoup avancé sur ce chantier que ce soit avec la Fédération marocaine d’assurance (FMA ex FMSAR) ou avec le ministère de l’Economie et des Finances. « Sur un plan pratique, il reste un point technique sur lequel il faut trancher avec les compagnies d’assurances, un rapport exigé par les assureurs pour donner des couvertures », expliquait le régulateur espérant mettre en place ces deux couvertures dans les brefs délais.
Et d’enchaîner : « Il n’ y a pas d’obstacle majeur et rien n’interdit les compagnies qui disposent de bonnes assises financières de couvrir ce types de risques ». Ajoutant par là qu’il existe un marché international de la réassurance à même de couvrir les risques ne pouvant l’être par les compagnies d’assurance nationales.
Récemment soit le 6 juillet 2023, le président par Intérim de l’ACAPS, Othman Khalil El Alamy avait annoncé lors de la 7e édition de la rencontre annuelle des agents et courtiers d’assurance que l’ACAPS et ses partenaires travaillent sur les textes d’application de l’assurance TRC et RC Décennale.
« Je profite de cette occasion pour vous annoncer que les textes d’application de la loi 59.13 relative à l’obligation de la RCD et la TRC seront publiés d’ici la fin de l’année et j’invite la Profession, assureurs et intermédiaires, à s’y préparer pour une entrée en vigueur en 2024 », a annoncé El Alamy.
Le régulateur a intérêt à respecter ce timing pour enfin mettre de l’ordre dans le secteur de la construction. Leur application serait à même de minimiser des pertes énormes en cas de pépin.
TRC, RCD que couvrent-elles au juste ?
A noter par ailleurs que les deux polices d’assurance ne se souscrivent pas de la même manière.
La TRC est une police de type «Dommages». En d’autres termes, elle couvre tous les intervenants et les dommages désignés et précisés dans la police TRC, et ce sans recherche de responsabilité parmi les intervenants dans l’acte de construire. Elle a une durée de garantie limitée par la durée des travaux prévus par le contrat qui lie le maître d’ouvrage aux entreprises de construction et l’indemnisation concerne les constructeurs eux-mêmes.
La TRC peut être souscrite pour tous les types d’ouvrages : travaux de bâtiments et de génie civil (Routes, barrages, ponts, etc.).
La RCD (et contrairement à la TRC) est une police qui couvre les dommages dus à l’écroulement ou à la menace d’écroulement tel qu’il est précisé dans l’article 769 du Dahir des obligations et contrats (DOC) pendant 10 ans, et ce à compter la réception de l’ouvrage.
C’est une police de «Responsabilité» contrairement à la TRC qui est une police de type «Dommage». C’est-à-dire que l’indemnisation ne concerne que les tiers. A ce propos, le maître d’ouvrage est un tiers puisque l’ouvrage est réceptionné et le contrat de construction liant le maître d’ouvrage et les constructeurs est éteint, et de ce fait n’existe plus.
Contrairement à la TRC, la police RCD a un champ d’action plus restreint et ne concerne que les travaux de bâtiment (à quelques exceptions près : quelques réservoirs d’eau, un tunnel et un ouvrage maritime ont été couverts par une police RCD au Maroc).
Force est de constater et selon les experts en la matière que contrairement à la TRC, la souscription de police RCD est plus difficile à réaliser et les assureurs posent un certain nombre de conditions pour répondre à la demande des entreprises de construction. Par ailleurs, les capacités financières proposées par les assureurs sont beaucoup plus réduites que celles proposées pour la TRC. Une autre difficulté se rajoute à cette contrainte : celle de la réassurance qui se voit très réticente à couvrir ce genre de risques. Il faut donc espérer que tout soit bien ficelé et encadré pour mener à bien ce chantier de grande envergure.
Une chose est sûre: le secteur de la construction manque cruellement d’organisation et il est temps pour le Maroc de se donner les moyens afin d’arriver à ce but. Ajoutons à cela que le secteur du BTP est accidentogène au niveau corporel. La construction reste le premier secteur accidentogène dans le monde entier comparativement à d’autres activités industrielles
Outre le secteur de la construction, l’application de la loi sera également de bon augure pour le secteur des assurances, investisseur institutionnel, par la venue d’affaires à couvrir dans le secteur du BTP. Mais encore faut-il mettre en place les outils et procédures d’analyse des risques avant leur acceptation par les assureurs.
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