Après plusieurs années en zone de turbulences, le secteur du textile a pu enfin sortir la tête de l’eau. Les professionnels du secteur affichent un optimisme et confirment cette nouvelle dynamique d’un secteur prioritaire pour le pays. Faut-il rappeler que l’industrie du textile/habillement est le premier employeur du pays avec plus de 190.000 personnes, compte plus de 1.200 entreprises qui produisent plus d’un milliard de pièces par an, et pèse pour un ¼ des exportations du pays et 15% du PIB industriel.
Le passage des indicateurs au vert après des années de crise marquées par une baisse considérable des bons de commande notamment des principaux clients (Espagne et France) mais aussi de pertes d’emploi est le fruit des efforts déployés par l’Etat pour sauver le secteur.
Des efforts qui ont permis à l’indice de l’emploi du secteur du textile de repasser au vert. En 2018, le secteur était le premier contributeur à l’emploi industriel avec plus de 11.000 nouveaux emplois crées selon les chiffres du HCP.
Bouée de sauvetage du secteur, le Plan d’accélération industriel a, en effet, apporté des mesures concrètes ayant permis de relancer le textile/habillement. L’AMITH confirme d’ailleurs qu’à 20 mois de la fin du PAI textile, les résultats sont prometteurs. Chiffres à l’appui, 5 Mds de DH d’investissements ont été déjà engagés, plus de 51.000 emplois contractualisés, 200 conventions d’investissement signées et environ 12,2 Mds de DH de chiffre d’affaires additionnel dont 8,6 à l’export réalisés.
Les carnets de commandes des industriels marocains ont commencé à se remplir ce qui se traduit dans les exportations qui ont atteint un record en 2018 avec 38 Mds de DH en 2018. En effet après la crise des années 2000 qui était à l’origine de la fermeture de plusieurs unités industrielles, les exportations vers l’Union européenne, marché sur lequel le Maroc occupe la 7ème place des fournisseurs textiles, ont connu une progression soutenue avec un taux annuel moyen de 5,1%.
Le secteur ambitionne de porter la taille du secteur local et à l’export à 60 Mds de DH en 2025.
Mais pour y parvenir, il va falloir renforcer tous les maillons de la chaîne. Aujourd’hui, nul n’est sans savoir que malgré cette tendance haussière, le secteur souffre de quelques maux notamment en amont de la chaîne mais surtout d’une concurrence qui pénalise le marché local. En effet, la production locale a parfois du mal à s’imposer sur le marché national qui est envahi de produits finis importés. Rappelons que pour minimiser la casse, le Maroc avait appliqué des mesures de sauvegarde sur les importations de certains produits turcs jusqu’en 2021.
Une mesure pour mettre fin aux perturbations conséquentes pour la production nationale destinée au marché domestique à cause de l’accroissement des importations à prix compétitifs originaires de Turquie.
L’accroissement inquiétant des exportations turques vers le Maroc de produits finis de textiles et habillement de 175% entre 2013 et 2017 ont en effet fragilisé plusieurs unités industrielles marocaines orientées vers le marché domestique.
« L’offre marocaine est très compétitive à l’export. Toutefois quand le marché local est pris par les importations, il est plus très difficile de développer des économies d’échelle et par conséquent d’être compétitif au niveau des prix », nous a précisé Fatima-Zohra Alaoui, Directrice de la structure d’animation des écosystèmes textiles de l’AMITH.
Aujourd’hui, cette mesure a apporté une bouffée d’oxygène aux industriels marocains.
Peut-on pour autant rejeter toute la responsabilité sur les produits turcs et la concurrence déloyale ou faut-il se remettre en question et voir pourquoi les prix des produits marocains sont moins compétitifs ? Comment améliorer le rapport qualité/prix de la production nationale ? Si le Maroc est capable d’être compétitif à l’étranger, pourquoi n’arrive-t-il pas à s’imposer au niveau local ?
Du côté de l’AMITH, on évoque la concurrence déloyale notamment pour les produits importés de Turquie qui malgré le fait qu’ils ne soient pas fabriqués en Turquie, rentrent sur le marché national dans le cadre de l’Accord de libre-échange. Ce qui est pénalisant pour notre production.
Deuxièmement, l’AMITH affirme que contrairement à la Turquie qui dispose d’un véritable écosystème avec un amont fort sans oublier les subventions étatiques qui boostent le secteur, le Maroc connaît encore des difficultés au niveau de l’amont de la filière qui d’après les représentants de l’AMITH rend plus difficile la compétitivité du secteur. « C’est l’un des éléments qui explique que parfois le rapport qualité/prix ne joue pas en notre faveur », nous a précisé Hichem Mghirbi, membre du Conseil d’administration de l’Amith.
Tant que le Maroc n’arrive pas à produire localement tous les intrants et continue de les importer, les produits textiles marocains ne seront pas assez compétitifs.
Il faudra toutefois réagir avant 2021 qui signe la fin des mesures de sauvegarde, pour éviter au marché de replonger dans une décroissance.
D’où la question ne faut-il pas s’inspirer d’expérience turque qui a fait ses preuves ou bien gagnera-t-on à développer un modèle purement marocain ?
En tous les cas, le ministère de tutelle a mis en place des mesures nécessaires notamment avec le lancement des écosystèmes en février 2015 pour pallier les lacunes dont souffre le secteur textile/habillement.