Ecrit par Imane Bouhrara I
Les veuves ont-elles été lésées par l’aide sociale directe, un des premiers piliers du chantier royal de la couverture sociale, comme l’a laissé entendre A. Benkirane, dimanche dernier ?
La refonte de tous les programmes sociaux en un seul a été un grand chantier qui a nécessité plusieurs années et dès sa mise en œuvre effective, il a été critiqué, décortiqué salué, etc. Un tel chantier en construction nécessite des ressources colossales, une nouvelle gouvernance avec pour enjeux la justice sociale et spatiale et la consécration de l’État de droit.
Ce qui explique toute la pression exercée sur le gouvernement actuel pour respecter et les délais et la finalité d’un tel chantier, lequel gouvernement essuie régulièrement des critiques à ce sujet dans le cadre de ce que l’on peut qualifier de liberté d’expression et dans un esprit de reddition des comptes.
Cela dit, la récente sortie d’Abdelilah Benkirane, le SG du PJD, était extrêmement virulente, s’en prenant une énième fois au chef du gouvernement dans un propos de loin malséant. Une dose plus virulent que d’habitude, Benkirane étant réputé ne pas mâcher ses mots, pis ne pas les peser !
En effet, intervenant lors meeting d’ouverture de la campagne électorale dans la circonscription de l’Océan à Rabat, dans le cadre des législatives partielles, A. Benkirane s’est attardé sur l’aide sociale directe aux veuves.
Pourquoi cette catégorie ? Il faut rappeler que c’est sous l’ère Benkirane que le programme «Daâm» a été lancé, en 2015 plus précisément.
Ce programme était financé par le Fonds d’appui à la protection sociale et à la cohésion sociale, et aidait les veuves supporter les charges de la vie, notamment en ce qui concerne la scolarisation de leurs enfants ou la prise en charge de leurs enfants en situation du handicap.
Dans sa diatribe, Benkirane qualifie Akhannouch de voleur et l’accuse d’avoir réduit l’aide que recevaient les veuves.
Benkirane n’ayant pas Akhannouch en odeur de sainteté, semble dans sa hâte se perdre dans son calcul de l’indemnité des veuves avant et après décembre 2023.
Bien évidemment, tout programme demeure perfectible toujours est-il qu’il faille avancer des éléments factuels autre que le jugement dernier, tel qu’évoqué par Benkirane dans un meeting sensé être politique. Ce dernier avance simplement que la refonte des programmes Tayssir et Daâm viseraient en réalité d’effacer le nom du PJD et de Benkirane de la mémoire des Marocains. Oubliant au passage qu’il s’agit d’un chantier porté au plus haut sommet de l’Etat et transcende en réalité un mandat ou deux vers l’établissement de l’Etat de droit.
Ce que disent les chiffres…
Ce que Benkirane avance en termes de calcul de l’aide sociale directe aux veuves prêt vraiment à confusion entre ce que propose Daâm en tant que programme avant sa refonte dans le cadre de la généralisation de la couverture sociale.
Dans son ancienne mouture, le programme « Daâm » qui concerne les veuves avec enfants orphelins, l’aide était de 350 DH/mois par enfant dans la limite de 3 enfants ou un seuil de 1.050 DH.
Pour profiter de cette aide, il fallait être une veuve dans une situation précaire avec enfants orphelins ne dépassant pas 21 ans.
En plus, il ne fallait pas être inscrite au RAMED, ne pas être assujettie à l’impôt, sauf au titre de la résidence principale ; ne bénéficier d’aucune pension, compensation familiale, ou de toute autre aide directe versée par l’État ou organisme public (comme par exemple les bourses ou les soutiens apportés dans le cadre du programme « Tayssir »)…
Et surtout prendre en charge l’enfant jusqu’à l’âge de 21 ans, à condition qu’il poursuit ses études ou sa formation professionnelle pour les enfants d’âge scolaire. A l’exception d’un enfant aux besoins spécifiques.
Dans sa mouture actuelle, les conditions changent pour se résumer à une inscription au RSU, qu’elle ait des enfants orphelins ou pas.
Le changement se situe également au niveau du montant de l’indemnité et c’est là que les chiffres déboutent Benkirane.
Une veuve inscrite au RSU, perçoit 350 DH pour chaque enfant orphelin, dans la limite de trois et ce montant passera à 375 DH au cours de l’année 2025 puis à 400 DH au cours de l’année 2026.
Les enfants classés en quatrième, cinquième et sixième bénéficieront également de 36 DH chacun s’ils sont scolarisés, ou 24 DH pour l’enfant qui ne l’est pas. Soit un minimum de 1050 DH pour trois enfants, montant qui passe à 1.200 DH pour trois enfants chaque mois en 2026, et non pas 500 DH qui elle est l’indemnité forfaitaire minimum quelle que soit la composition de la famille.
Selon les statistiques disponibles, 77.000 veuves pour un total de 130.000 enfants ont bénéficié du dernier paiement en novembre 2023 pour le programme Daâm, contre 400.0259 bénéficiaires dont 83.340 avec enfants et 316.919 sans, dans le cadre de l’Aide sociale directe.
Sans oublier que pour les enfants scolarisés bénéficieront chaque mois de septembre de l’aide sociale directe de scolarité. S’inscrivant dans le cadre de l’initiative Royale pionnière “Un million de cartables”, cette rallonge consiste à verser une aide supplémentaire aux familles bénéficiant du régime d’aide sociale directe, pour chaque nouvelle rentrée scolaire, afin de réduire les charges et les coûts des familles démunies.
Sachant qu’il faudra encore que l’architecture de la couverture sociale universelle soit complétée par la retraite et l’indemnité perte d’emploi, sans oublier l’épineuse question du financement et la gouvernance.