Les présidents d’université sortent de leur silence et donnent leur avis sur la question de l’introduction des langues étrangères dans l’enseignement des matières scientifiques. Cet avis rendra-t-il raison aux partis s’opposant à l’article 31 de la loi-cadre ?
L’opinion publique suit avec stupéfaction le processus d’adoption de la loi-cadre sur l’enseignement. Et pour cause, malgré l’urgence de la situation, ledit processus est toujours bloqué au niveau de la commission parlementaire en raison de la réticence de certains partis politiques, plus précisément du PJD et de l’Istiqlal.
Ces derniers s’opposent à l’article 31 du projet qui stipule l’introduction des langues étrangères comme langues d’enseignement des matières scientifiques et techniques. Un faux débat surtout lorsqu’on sait que la plupart de ceux qui mettent leur veto enseignent leurs enfants dans un système français ou dans le secteur privé. Cette schizophrénie de certains politiciens prend en otage une réforme nécessaire voire obligatoire dans un Maroc qui s’est inscrit dans la mondialisation.
Aujourd’hui, ce sont les présidents d’université qui se sont manifestés pour attirer l’attention sur les conséquences de ce blocage. C’est en marge de la Conférence des Présidents d’Université (CPU) du Maroc relatif à la question de la langue d’enseignement des matières scientifiques, tenue le mercredi 6 mars, qu’ils ont rendu public leur avis sur la question. « La CPU soutient et recommande un enseignement des matières scientifiques en Français à tous les niveaux d’éducation et de formation, tout en mettant en place les conditions nécessaires pour un enseignement de ces matières également en anglais », précise la CPU dans un communiqué (voir intégralité du communiqué).
Si les universités sortent de leur mutisme pour manifester leur avis, c’est parce qu’elles sont les premières à subir les conséquences de l’arabisation des langues scientifiques. Le passage du secondaire à l’université se fait souvent dans la douleur pour les élèves. La langue est la principale raison pour laquelle les étudiants fuient les Facultés de Sciences comme l’a précisé le ministre de l’Education Nationale, de la Formation professionnelle, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, Saïd Amzazi dans un entretien accordé à EcoActu.ma. En effet, le constat est alarmant, seuls 12% des bacheliers scientifiques s’inscrivent dans les filières scientifiques.
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C’est pourquoi la CPU tire la sonnette d’alarme sur la fracture linguistique entre le lycée et l’université qui se veut aussi une fracture sociale. C’est en effet l’une des causes de disparité entre les élèves défavorisés et ceux plus nantis qui ont les moyens de suivre leurs études dans des écoles privées qui offrent le plus souvent ces enseignements en français, voire en anglais. Autrement dit, c’est l’une des principales causes d’un ascenseur social en panne.
« Un état de fait qui nous incite à proclamer aujourd’hui en toute conscience que l’instauration de l’enseignement des matières scientifiques en langues étrangères au niveau du primaire et du secondaire constitue un impératif de justice sociale », précise la CPU.
Il est donc impératif d’opérer un changement pour renverser cette tendance et mettre sur le marché de l’emploi des ressources humaines non seulement qualifiées mais avec une valeur ajoutée.
C’est pourquoi, en campant sur leur position, ces partis politiques condamnent le développement scientifique, technologique et de la recherche scientifique et par conséquent entravent l’émergence de notre pays. Nul n’est sans savoir que le développement de toute nation repose sur le développement technologique, l’innovation et donc la capacité des ressources humaines à porter la croissance.
D’autant plus, ce choix n’est nullement en contradiction avec notre Constitution qui stipule que l’Etat « veille à la cohérence de la politique linguistique et culturelle nationale et à l’apprentissage et la maîtrise des langues étrangères les plus utilisées dans le monde, en tant qu’outils de communication, d’intégration et d’interaction avec la société du savoir et d’ouverture sur les différentes cultures et sur les civilisations contemporaines ».
Alors, les partis réticents vont-ils laisser de côté leur idéologie et prendre en compte l’intérêt de la nation et des générations futures ? A suivre !