Les bienfaits d’une pandémie inouïe
Nous passons par une pandémie, évidement, avec tous les maux qui s’en suivent. Or, il est bon de remarquer que durant son séjour « indésirable » dans notre pays, le Covid-19 nous a révélé de précieuses découvertes sur le plan économique, social, politique et humain. Certaines étaient déjà connues et se sont simplement confirmées, tandis que d’autres furent de véritables révélations. En effet, cette expérience est en train de nous léguer des leçons et des compétences inestimables.
Les leçons de la crise
Tout d’abord, le Maroc entier s’est rendu compte de l’importance du facteur humain dans toute initiative ou programme de l’Etat. On apprend que l’Homme-citoyen instruit peut être un facteur déterminant dans la réussite des plans de développement de son pays, les ressources sont d’abord et avant tout humaines. En revanche, nous avons pu vérifier, lors des « manifestations contre le Corona ! » que le coût de l’ignorance et l’inconscience est plus élevé que l’on croyait. Jadis, on estimait que les effets dévastateurs de l’ignorance et l’analphabétisme peuvent aller jusqu’à la criminalité, en passant par le chômage et la pauvreté. Maintenant nous voyons clairement que cela peut mettre en péril la vie d’une nation.
Par conséquent, nous en arrivons à la vérité que les pays développés ont compris depuis plus d’un siècle : l’enseignement, la santé et la culture sont les véritables et uniques leviers du développement[1]. Ce ne sont pas des secteurs sociaux ou improductifs, c’est tout simplement le capital (humain) avec lequel on va créer ou rater l’avenir !
Il est temps de mettre l’Homme au cœur de toutes stratégies, programmes ou actions, établis par l’Etat ou les entreprises[2]. Nous avons pu constater que, in fine, c’est le capital humain du Maroc qui s’est réellement mobilisé -souvent par des initiatives individuelles- pour empêcher le pire à notre pays, en l’occurrence, les médecins, les infirmiers, les enseignants, les gardiens de paix, etc.
Par ailleurs, il est beau de remarquer que les récentes initiatives royales s’inscrivent réellement dans cette logique, mettant l’Homme au centre des programmes, dont la généralisation de l’enseignement préscolaire, le programme Intilaka, Génération Green, et aussi, le très attendu Registre sociale unique.
Ensuite, l’épidémie nous a confirmé que tous les secteurs sont interdépendants ; Santé, sécurité, économie, éducation, médias, etc. interagissent ensemble, pour conclure que l’environnement est complexe, la transversalité devient la règle et seul l’Homme peut constituer le point de relai entre les champs d’action. Nous en tirons que désormais, les actions de l’Etat doivent être multidisciplinaires plutôt que d’établir des plans sectoriels et chercher, ensuite, des convergences. L’exemple de l’échec (relatif) du programme RAMED est une leçon dans ce sens. En revanche, l’efficacité par laquelle est entrain d’être combattu ce virus au Maroc est due en grande partie à l’approche intégrée et multidisciplinaire d’un problème à caractère sanitaire. Néanmoins, les efforts auraient pu être plus soutenus par une infrastructure de R&D, hélas, quasi inexistante au Maroc. La recherche scientifique (pas seulement médicale) est une composante transversale qui s’attache à l’ensemble des activités économiques et sociales dans les pays émergents ou développés.
Enfin, les médias traditionnels ne sont pas morts, ils peuvent toujours récupérer leur influence, à condition de mettre plus de contenu intéressant et constructif dans leurs programmes. Ainsi, pour gagner sa bataille contre le Coronavirus, l’Etat a eu recours -aussi- aux chaines officielles, en l’occurrence RTM et 2M, longtemps désertées, à la faveur des réseaux sociaux, à cause d’une inflation -parfois délibérée- du contenu banal et sans objectif. Toutefois, nous avons remarqué que les Marocains ont regagné les chaines TV de leurs pays une fois le contenu s’est relevé, intéressés par les bulletins d’information, les capsules vidéo explicatives, etc. Informatives, constructives, incitatives et proches, les chaines traditionnelles sont encore capables de contribuer à bâtir le Maroc fort et émergent que nous espérons.
Les compétences acquises grâce à la crise
Le Maroc est en train de réaliser un pas géant en avant, forcé par les exigences de la crise. L’Etat et les individus ont pu développer des compétences qui vont certainement être capitalisées au profit du pays.
La première compétence acquises grâce à la crise du Covid-19 serait l’avancée énorme vers la maitrise et l’utilisation des NTIC par les Marocains. Ainsi, les administrations, les fonctionnaires, les étudiants, les salariés, etc. sont désormais aptes à utiliser les outils de la NTIC, accélérant donc la transition digitale du Royaume. Par conséquent, le E-learning, E-gouvernement, E-commerce, Remotework, etc. sont maintenant une réalité alors qu’ils étaient des chantiers en cours juste avant la crise sanitaire. Les exemples sont réjouissants et prometteurs d’un Maroc post-crise complétement différent. Par exemple, grâce au confinement, les enseignants sont désormais capables de donner des cours sur des plateformes en utilisant des logiciels adaptés, les étudiants acquièrent le savoir sur les portails académiques, la CNSS peut dématérialiser toutes la démarche d’indemnisation, les administrations peuvent délivrer des documents officiels numériques, les responsables savent tenir des réunions via téléconférence, etc.
La deuxième vertu dont nous a doté cette pandémie serait de nous révéler des responsables au niveau de l’administration centrale et régionale, rigoureux, plus expérimentés dans le travail en réseau, le travail en situation de tension, la gestion des priorités, la prise de décision, le discernement, la réactivité, la communication et autant de précieuses qualités qui passaient inaperçues en temps ordinaire. Les responsables du public ont pu montrer leurs meilleurs talents et par conséquent le meilleur visage de l’Etat : veillant, craintif, responsable et sociale, illustré par exemple, par les décisions du Comité de veille économique, les précisions du directeur de l’épidémiologie, les interventions du ministère de l’industrie et du commerce pour la régulation de quelques marchés et même les initiatives des maires de certaines villes.
Finalement, le Covid-19 nous a légué une infrastructure sanitaire, acquise grâce au fond de solidarité, des procédures et des routines organisationnelles, une confiance fortifiée entre les citoyens et les instances de l’Etat, une adhérence au changement (désormais les Marocains accepteront plus facilement les changements majeurs), autant de prérequis indispensables au Maroc de demain et qui est en train de démontrer visiblement que quand il veut, il peut !
[1] Le développement et non pas la croissance, celle-ci se base sur des leviers plutôt matériels.
[2] Aussi les organisations au sens large, associations, parties politiques, etc.
Omar TIJANI
Professeur à la Faculté Polydisciplinaire de Larache (Maroc)
Chercheur associé au Centre de Recherche et d’Etudes en Gestion
IAE / Université de Pau et des Pays de l’Adour
2 Commentaires
Ensemble et avec un capital de bonne volonté ,nous pouvons aller loin,très loin pour vaincre tous les maux qui rongent notre pays
Analyse extraordinaire
merci
et bon courage