Ecrit par Soubha Es-Siari |
La décision d’Alger de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc au-delà de son aspect gravissime sur le plan politique nous incite à nous interroger de prime abord sur les conséquences économiques de cette rupture sur le Royaume en tant que pays partenaire.
Si de par le passé, on s’interrogeait essentiellement sur l’avenir du Maghreb à cause de la fermeture des frontières entre le Maroc et l’Algérie et notamment sur le coût du non-Maghreb dans un contexte où les états s’unissent, adoptent une monnaie unique, un marché unique pour mieux dominer, les pays du Maghreb se concurrencent au lieu qu’ils se complètent. La non-intégration maghrébine faisant perdre à chaque pays membre de l’UMA 2 points de PIB est démontrée par une multitude d’études.
La persistance des tensions politiques a fait comprendre même aux plus optimistes que la constitution d’un Maghreb unique et fort est tout simplement un leurre. Au fil des ans, elles ont réussi à prendre en otage l’économie.
La modestie des échanges commerciaux
Aujourd’hui, on se pose des questionnements sur les échanges économiques entre les deux pays. Force est de rappeler que l’Algérie est le 26e client et le 21e fournisseur du Maroc. On note par ailleurs la présence de peu d’entreprises algériennes au Maroc.
C’est pour dire que cette rupture diplomatique ne peut interrompre l’élan pris par le Maroc au cours des dernières années dans sa stratégie de diversification aussi bien des marchés que des produits.
Au-delà de ce constat, les chiffres relatifs aux échanges commerciaux parlent d’eux-mêmes. Au titre de la période 2010-2019, les échanges commerciaux entre le Maroc et l’Algérie enregistrent une baisse annuelle moyenne de 2,6%, passant de 8,2 Mds de DH en 2010 à 6,5 Mds DH en 2019. En 2020, année marquée par la crise sanitaire liée au Covid19, ces échanges continuent leur tendance baissière se situant à 5,4 Mds DH. La part de ces échanges dans le total des échanges commerciaux du Maroc reste très faible et se situe à 0,8% en 2020 et 2019 contre 1,8% en 2010. C’est pour dire que sur une décennie les échanges commerciaux avec le pays voisin ont drastiquement baissé.
La lecture des indicateurs communiqués à EcoActu.ma par l’Office des changes révèle par ailleurs que la baisse des échanges commerciaux entre le Maroc et l’Algérie concerne aussi bien les exportations que les importations. En effet, les achats de marchandises en provenance de l’Algérie s’établissent à 5Mds DH en 2019 contre 7Mds DH en 2010, soit une baisse de 2Mds DH. Ces importations continuent leur baisse en 2020 s’établissant à 4,1Mds DH.
Autre caractéristique importante des importations en provenance de l’Algérie c’est qu’elles brillent par la non diversification. Elles sont d’ailleurs constituées à hauteur de plus de 90% de gaz de pétrole. En ce qui concerne les exportations à destination de l’Algérie, celles-ci passent de 1,2Md DH en 2010 à 1,5Md DH en 2019 et à 1,3Md DH en 2020. Ainsi, le solde commercial de ces échanges dégage un déficit en allégement passant de -5,9Mds DH en 2010 à -3,4Mds DH en 2019 et à -2,8Mds DH en 2020. Le taux de couverture, quant à lui, gagne 14,4 points se situant à 30,9% en 2019 et 2020 contre 16,5% en 2010.
En 2020, les exportations à destination de l’Algérie concernent principalement les produits suivants : Produits laminés plats, en fer ou en aciers non alliés : 363MDH en 2020 contre 147MDH en 2010 ; Engrais naturels et chimiques : 174MDH en 2020 contre 26MDH en 2010 ; Vêtements confectionnés : 155MDH en 2020 contre 10MDH en 2010 ; Extraits et essences de café ou de thé : 103MDH en 2020 contre 67MDH en 2010. Ces quatre produits représentent 62,6% du total des exportations marocaines à destination de l’Algérie en 2020.
Quid des flux financiers ?
Autre indicateur important attestant de la dégradation des relations avec l’Algérie en tant que pays partenaire est celui des recettes voyages, principale composante des services. Celles-ci enregistrent une valeur de 998,5MDH en 2019 contre 892,2MDH en 2018 et 736MDH en 2015. La part de ces recettes dans le total des recettes voyages enregistre une stabilité au titre des cinq dernières années se situant à 1,3% en 2019 contre 1,2% en 2015.
Les autres flux financiers (Recettes MRE, Investissements, etc.) en provenance ou à destination de l’Algérie affichent également des niveaux très faibles durant les cinq dernières années et leur part dans le total des flux financiers avec le reste du monde reste insignifiante.
Si le contrat du gazoduc Maghreb-Europe ne se renouvelle pas…
D’aucuns considèrent le gazoduc Maghreb-Europe qui traverse le Maroc est une perte pour le Maroc. Si le contrat du gazoduc Maghreb-Europe qui prend fin en octobre 2021 ne se renouvelle pas, comme annoncé par le ministre algérien, le Maroc devrait s’approvisionner sur le marché international à un coût plus important. Encore faut-il rappeler que le Maroc s’est inscrit depuis plusieurs années dans une stratégie de diversification du bouquet énergétique en priorisant les énergies renouvelables.
L’analyse des chiffres montre qu’en dehors de l’impact économique sur toute la région qui n’est pas d’actualité, celui sur le Maroc stricto sensu ne peut qu’être insignifiant à cause de la faiblesse des échanges et de la concentration sur quelques produits.
Depuis plusieurs années, le Maroc a mené une stratégie de diversification de ses produits et de ses partenaires pour garantir son autonomie sur tous les plans. La crise sanitaire liée au Covid-19 a mis en exergue l’impérieuse nécessité de continuer sur cette voie dans un contexte imprévisible marqué par la rupture sans précédent des chaînes mondiales.
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