Conscient de l’impact des catastrophes naturelles sur le plan humain, socioéconomique et environnemental, le Maroc a entrepris, sous l’impulsion de Sa Majesté Le Roi Mohammed VI, plusieurs actions de politiques publiques visant la réduction des risques liés aux catastrophes naturelles avec l’objectif global de renforcer la résilience de notre pays. Le Royaume dispose d’acquis très importants en matière de gestion des risques des catastrophes naturelles. Cependant, le dernier séisme a révélé des lacunes à combler.
Dans un monde multi-crises, volatile, incertain, complexe et ambigu, la question des catastrophes naturelles, revêt une importance capitale. Celle-ci constitue une source de préoccupations pour toute la communauté internationale, dans un contexte marqué par l’accélération du réchauffement climatique.
Qu’il s’agisse de séisme, d’éruption volcanique, de tsunami, de mouvements de terrain, d’inondation, de tempête, de cyclone tropical, d’orages, de sécheresse ou encore d’avalanche, ces événements peuvent avoir un impact grave sur les régions touchées.
Les catastrophes ne cessent de croître en fréquence et en intensité et entravent les progrès réalisés sur le plan du développement durable. Certains faits indiquent que dans tous les pays, le degré d’exposition des personnes et des biens augmente plus vite que le rythme auquel il est possible de réduire leur vulnérabilité. Cela entraîne de nouveaux risques, une augmentation constante des pertes et d’importantes répercussions au niveau économique, social, culturel, sanitaire et environnemental, …
A titre d’exemple, sur la période 2000-2019, pas moins de 7.348 catastrophes naturelles ont été enregistrées dans le monde, soit en moyenne près de 370 catastrophes par an. Ces catastrophes ont entraîné la perte tragique de 1,23 million de vies humaines, soit une moyenne de 61.500 décès par an et leur impact économique a été estimé à environ 3,1% du PIB mondial.
Pour la seule année 2023, les catastrophes naturelles survenues dans le monde ont été d’une ampleur inédite : inondations de grande ampleur en Chine, en Scandinavie, en Turquie, en Italie et en Lybie, incendies d’une rare intensité en Grèce, au Canada, en Sicile, en Afrique du Nord, tempêtes sur les Philippines, sur l’île d’Hawaï et sur le sud de la Californie.
L’intérêt porté par l’Institut Royal des Etudes Stratégiques (IRES) à la thématique des catastrophes naturelles, y compris les évènements climatiques extrêmes, remonte à 2009 au titre de son programme d’études « Changement climatique : impacts sur le Maroc et options d’adaptation globales ». Parmi les travaux phares de l’Institut sur cette question, il y a lieu de citer l’étude, réalisée en 2014, sur l’anticipation et la gestion des risques d’évènements climatiques extrêmes et de catastrophes naturelles au Maroc.
Par ailleurs, le sujet de la présente rencontre s’insère parfaitement dans la nouvelle grille de lecture de l’IRES, adoptée en 2021, en particulier, le pilier « gouvernance » dont l’une des composantes consiste à organiser la triple gouvernance des biens communs, des droits communs et des risques existentiels, le pilier « Nature-centric » dont l’un des sous piliers concerne la prévention des risques naturels et la restauration des équilibres naturels ainsi que le pilier « exponentialité » dont l’un des sous-systèmes porte sur la réduction de l’impact de l’anthropocène.
Le Maroc dispose aujourd’hui d’un cadre juridique et institutionnel qui s’est considérablement renforcé lors des dernières décennies.
Lors des deux dernières décennies, il y a eu à la fois un renforcement et la création d’institutions nationales dotées de missions transversales et/ou spécifiques dédiées à la prévention et à la gestion des risques des catastrophes naturelles.
Aux côtés de ces institutions à caractère transversal, il existe d’autres organismes publics à caractère sectoriel qui intègrent dans leurs prérogatives les missions d’observation, de veille et d’alerte, notamment, les Agences de Bassins Hydrauliques, la Météorologie Nationale, l’Institut National de Géophysique et le Centre Royal de Télédétection Spatiale.
D’autre part, lors des catastrophes de grande ampleur à l’instar du dernier séisme dans le Haut Atlas, il a été démontré le rôle essentiel joué par les Forces Armées Royales comme lors de la crise sanitaire au cours de laquelle la médecine militaire a été d’un grand apport. En outre, la participation des départements à caractère social et éducatif, de la société civile et des élus locaux, s’est avérée également très importante.
Cependant, ces acquis très importants sur le plan institutionnel ne doivent pas occulter, selon les experts réunis lors de la rencontre organisée par l’IRES, des lacunes de gestion locale, observées qui méritent d’être soulignées dans le cadre d’une démarche prospective afin de compléter les dispositifs institutionnels en place.
D’ailleurs, parmi les enseignements du séisme d’Al Haouz, l’action des acteurs institutionnels et non institutionnels a été ralentie et parfois entravée dans un contexte d’urgence par une planification territoriale des risques et de gestion de crise déficiente dans les zones rurales et isolées. Cela s’est manifesté par exemple par :
- l’absence de scénarios de coordination entre les intervenants, étudiés à l’avance, qui auraient facilité la gestion de crise et la réponse rapide au niveau local,
- l’absence de plans locaux de prévention des risques de catastrophes spécifiques aux zones touchées,
- un déficit de moyens disponibles dans les communes et les douars isolés touchés pour la gestion des catastrophes,
- l’absence d’accès d’urgence aux sites touchés ainsi qu’une lente mobilisation des secours locaux,
- l’absence de systèmes d’information géographiques précis, ce qui a conduit par exemple à installer des » bivouacs de sécurité » dans des zones inondables,
- un défaut d’optimisation des secours aux victimes : aides en doublons, aides de première urgence mal ciblées, défaillances et lenteurs de définition des critères d’octroi de l’aide mobilisée, aides détournées, …,
un déficit de sensibilisation, d’éducation et de formation des acteurs locaux à la prévention aux risques des catastrophes.
Ces insuffisances tirées de l’expérience du séisme de la Région d’Al Haouz mettent en perspective des enjeux d’ordre plus général et à caractère structurel, à savoir l’importance de la science et de la connaissance en matière de prévention et de gestion des risques des catastrophes naturelles.
L’IRES relève par ailleurs que gouvernance de gestion des risques des catastrophes naturelles souffre d’une faible intégration des données scientifiques, sociologiques, voire culturelles.
La question financière intervient tout au long du cycle de l’anticipation et de la gestion de la catastrophe (avant, pendant et après). Au Maroc, des efforts ont été entrepris pour mettre en place des dispositifs financiers dédiés à la prévention et à la gestion des risques de catastrophes.
Le rapport de l’IRES propose des orientations stratégiques et des propositions de mesures opérationnelles en distinguant trois niveaux d’analyse : la gouvernance globale, l’anticipation et la prévention et la résilience.