Ecrit par Soubha Es-Siari I
Le taux de chômage a atteint un pic historique en 2023 soit 13% et le nombre d’emplois perdus s’est établi à 157.000. Des chiffres alarmants qui donnent matière à réflexion sur comment renverser la tendance dans un contexte aussi contraignant. Les pouvoirs publics avaient promis lors de la compagne électorale en 2021, la création de 1 million d’emplois sur les 5 prochaines années. Ce chiffre est-il réalisable ou devenu un vœux pieux face à tous ces vents contraires qui continuent à souffler.
157.000 (vs 22.000 en 2022) est le nombre d’emplois perdus et le taux de chômage est de 13% (vs 11,8% en 2022), tels sont les chiffres publiés récemment par le HCP. Deux indicateurs alarmants qui attestent que l’économie marocaine traverse des périodes difficiles. 157.000 postes perdus résultent d’une création de 41.000 postes en milieu urbain et d’une perte de 198.000 en milieu rural.
« Entre 2022 et 2023, le nombre de chômeurs a augmenté de 138.000 personnes, passant de 1.442.000 à 1.580.000 chômeurs, ce qui correspond à une hausse de 10%. Cette hausse est la conséquence d’un accroissement de 98.000 chômeurs en milieu urbain et de 40.000 en milieu rural », annonce le HCP.
Face à cette situation où le taux de chômage a atteint un pic historique en 2023, il est impératif de faire radioscopie de la situation et de lancer la réflexion sur la stratégie à mettre en place pour remédier à la situation.
Dans une récente interview sur les ondes de Medi1TV, l’économiste Mohamed Jadri a tenu à rappeler que la situation actuelle est la résultante d’un ensemble d’éléments. Le 1er élément est que l’économie marocaine n’est pas encore sortie de l’auberge de la crise sanitaire liée au Covid19 où le Maroc a perdu à hauteur de 600.000 emplois en 2020 et 2021. Parce qu’il faut ne faut pas omettre qu’il s’agit d’une crise mondiale ayant affecté aussi bien l’offre que la demande. L’autre élément aussi important est celui du cycle de sécheresse, soit 5 années consécutives qui ont mis sous pression le secteur agricole et d’autres activités connexes. Le troisième élément est celui de l’inflation avec comme corollaire trois hausses successives du taux directeur.
Des hausses qui bien entendu se sont traduites par une cherté du coût du crédit aussi bien pour les entreprises que pour les particuliers aboutissant à un ralentissement de la croissance économique. Dernier élément et pas des moindres est celui du taux de croissance réalisé en 2023 soit 2,8% sachant que chaque point de croissance créée 15.000 ou 16.000 emplois. Les chiffres sont certes inquiétants mais demeurent tout de moins prévisibles suite aux vents négatifs qui ont brutalement soufflé au cours des dernières années sans oublier le conflit russo-ukrainien ayant entraîné des ruptures dans les chaînes d’approvisionnement.
Après avoir brossé la situation, les questions qui se posent d’emblée : comment renverser la tendance sachant que l’équipe au pouvoir, lors de la compagne électorale en 2021, avait promis la création de 200.000 emplois par an (1 million d’emplois sur 5 ans) et la réalisation d’un taux de croissance de 4% par an. Ces objectifs sont-ils encore réalisables ou devenus de vœux pieux si l’on prend en considération que les éléments précités planent sur l’économie marocaine comme une épée de Damoclès ?
Mohamed Jadri reconnait que les objectifs escomptés par le gouvernement étaient un moment où la conjoncture aussi bien nationale qu’international n’étaient pas aussi malsaines qu’à l’heure qui court. Il admet que pour créer un million d’emploi, il faut créer la moitié dans le secteur de l’agriculture, un taux de croissance de 4 ou 5%, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. A peine 2,8% de croissance en 2023 sachant que le Nouveau modèle de Développement table sur 4 à 5% pour atteindre d’ici la fin de la décennie 8%.
Sur ce registre, l’économiste est clair, il est indispensable de créer dès à présent un taux de croissance de 2,5% dans le secteur agricole pour parvenir à un taux de 8% d’ici la fin de la décennie. Autrement dit, les autres secteurs (aéronautique, automobile, textile…), MRE restent largement insuffisants pour insuffler la dynamique souhaitée en l’absence d’un secteur agricole créateur de valeur ajoutée au moins d’ici 2030. Parce que au-delà de 2030, le problème lié au stress hydrique pourrait être réglé grâce à l’opérationnalisation de nouvelles stations de dessalement d’eau de mer, aux autoroutes d’eaux entres les villes, la réutilisation des eaux usées… au dispositif mis en place par le gouvernement, suite aux orientations du Souverain, pour faire face au stress hydrique.
Aussi, est-il important de mettre en évidence qu’en dehors de l’agriculture, d’autres secteurs ont été impactés par la succession de crises pour ne citer que celui de l’immobilier. Toutefois avec le mécanisme de l’aide au logement, la rentabilité du secteur pourrait s’améliorer. C’est pour dire que dans les cinq années à venir, la tendance pourrait s’inverser, le Maroc pourrait réaliser des taux de croissance autour de 4 à 5% et réduire drastiquement le taux de chômage.
Mais encore faut-il que le gouvernement mette en place les garde-fous nécessaires pour que lesdits investissements soient rentables et créateurs d’emplois.
A noter par ailleurs que le Maroc s’apprête à abriter la CAN en 2025 et la CDM en 2030. On ne saurait ainsi oublier ici le nombre d’emplois qui seraient fournis, par le secteur du BTP, avec pour effet de réduire le chômage.
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