Ecrit par Imane Bouhrara I
Le retrait du Mali, du Niger et du Burkina Faso de la CEDEAO aura des répercussions non seulement économiques mais aussi sécuritaires sur la région du Sahel. L’initiative atlantique dans cet environnement conflictuel s’érige comme une opportunité stratégique pour la communauté internationale, qui devrait l’encourager.
Continent dynamique, par sa richesse et sa démographie, l’Afrique est pleine de rebondissements sur le plan géopolitique. En 2024, tout en traînant les tensions existantes (Soudan, Libye, Grands Lacs…) voilà que le Mali, le Niger et le Burkina Faso annoncent leur retrait immédiat de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) tout en assurant rester dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).
Ce n’est pas une annonce favorable dans un Sahel toujours en tenaille d’un extrémisme violent, sans oublier les retombées d’une telle décision sur le plan économique dans la région, bien que les trois pays se soient constitués en Alliance des États du Sahel (AES) en septembre dernier.
Nous avons posé la question à Cherkaoui Roudani, expert en géopolitique. « Le retrait des trois pays de la CEDEAO a eu un impact limité, principalement en raison des liens économiques étroits avec le Sénégal et la Côte d’Ivoire au sein de l’UMEOA. Cependant, il est possible que les trois pays du Sahel, formant une alliance stratégique, envisagent de quitter l’UMEOA pour créer leur propre monnaie, ce qui pourrait représenter un changement significatif dans la région », explique l’expert.
En effet, malgré l’assurance d’un maintien au sein de l’UEMOA, rien ne garantit que d’ici un an, le temps réglementaire pour quitter effectivement la CEDEAO, les trois pays ne passent à l’étape suivante, celle de quitter l’union monétaire. D’autant plus que l’objectif affiché du départ de la CEDEAO est de couper les ponts avec la France, alors continuer en francs CFA semble peu probable à long terme.
« Il convient de souligner la fragilité de l’organisation de la CEDEAO, qui n’avait jamais connu de situation de délitescence partielle depuis sa création en 1975. Cependant, ce n’est pas la première fois qu’elle fait face à un divorce, la Mauritanie ayant quitté en 2000, bien que dans un contexte différent », poursuit Cherkaoui Roudani.
En effet, dans un contexte géopolitique tendu, à moyen terme, le retrait du Mali, du Niger et du Burkina Faso aura des répercussions non seulement économiques mais aussi sécuritaires, estime l’expert.
« Les échanges d’informations et de renseignements entre les États de la région seront affectés, et le Bénin, la Côte d’Ivoire et le Togo pourraient être confrontés à des situations terroristes inédites. La présence du GSIM, de l’EIGS et d’Al-Qaïda dans la région de Liptako-Gourma constitue un défi majeur pour les pays limitrophes des trois pays », soutient-il.
De fait, sans le parapluie politique assuré par la CEDEAO, il serait difficile d’imaginer une coopération efficace dans la lutte contre le terrorisme, le trafic illicite et la criminalité transfrontalière. C’est pourquoi, l’impact de ce retrait est vraisemblablement plus politique et sécuritaire, analyse l’expert.
De l’autre côté du continent, alors que les tensions ne cessent de s’amplifier, le Maroc, lui, n’a de cesse œuvré pour la paix, la stabilité et le partenariat Sud-Sud. Une ambition qui s’est concrétisée par deux grands projets concrets qui ont été cités par le Roi : le gazoduc Maroc-Nigeria, et l’accès des pays du Sahel à l’océan Atlantique.
« L’initiative royale dans cet environnement conflictuel semble être une opportunité stratégique pour la communauté internationale, qui devrait encourager cette initiative. Le Maroc à travers l’initiative royale propose une solution adéquate et appropriée pour contenir les contours géopolitiques de cette séparation qui pourrait permettre à la création du chaos et du désordre régional et sous régional », explique Cherkaoui Roudani.
De fait, l’initiative royale est une opportunité internationale de recadrer les conséquences désastreuses qui pourraient impacter la région à la suite de ce retrait du Mali, Burkina Faso et le Niger de la CEDEAO, estime-t-il.
Cette initiative annoncée par SM le Roi Mohammed VI dans son discours du 6 Novembre 2023 consiste à faciliter l’accès des pays du Sahel à l’océan Atlantique, notamment le Burkina Faso, le Mali et le Niger qui sont des pays enclavés.
Pour cela, les infrastructures de logistique du Maroc seraient mises à la disposition de ces trois États du Sahel, ainsi qu’une aide pour mettre à niveau les infrastructures de ces trois pays.
D’ailleurs la réunion tenue à Marrakech en décembre dernier, a révélé que l’Initiative Royale s’inscrit parfaitement dans la dynamique d’intégration amorcée par les États du Sahel, notamment à travers la mise à niveau des infrastructures de ces pays et leur connexion aux réseaux de transport et de communication implantés dans leur environnement régional.
De l’aveu même des participants à cette réunion, elle présente un grand potentiel d’intégration et de coopération régionales, la transformation structurelle des économies de ces pays frères et l’amélioration des conditions de vie de la population sahélo-saharienne, dans le cadre d’une approche novatrice et intégrée favorisant la stabilité et la sécurité de la région.