Ecrit par Lamiae Boumahrou I
Depuis la relance du programme de privatisation en 2018, le gouvernement n’est pas parvenu à vendre ses bijoux de famille. Après deux programmations non abouties d’une recette de 8 Mds de DH en 2022, reprogrammée en 2023, le gouvernement a revu à la hausse ses prévisions pour 2024 d’1 Md de DH (9 Mds de DH). Le lancement des chantiers sociaux, qui requièrent la mobilisation d’importantes ressources, poussera-t-il l’Exécutif à concrétiser enfin des opérations de privatisation ?
L’année 2024 sera celle des grands défis. Le lancement des chantiers sociaux à partir de 2024 conjugué au séisme qui a frappé au mois de septembre dernier la région d’Al Haouz vont davantage mettre le budget de l’Etat sous pression. C’est pourquoi, le gouvernement doit se retrousser les manches pour mobiliser les fonds nécessaires afin de financer lesdits programmes tout en veillant à ne pas crouler davantage le pays sous le poids de la dette.
Les chiffres en disent long sur les montants à mobiliser pour honorer les engagements et ce dans une conjoncture où règne l’incertitude en raison des tensions géopolitiques, mais aussi en raison du risque de sècheresse qui plane de plus en plus.
25 Mds de DH pour le programme d’aide sociale directe (2024), 9,5 Mds de DH pour le programme d’aide au logement (2024), 9,5 Mds de DH pour le financement de AMO Tadamoun (2024), 10 Mds de DH pour honorer les engagements de l’Etat dans le cadre du dialogue social (2024), 120 Mds de DH (sur 5 ans) pour le programme de reconstruction et de mise à niveau général des régions sinistrées par le séisme d’Al Haouz…
Le gouvernement s’est-il donné les moyens de ses engagements ? Une question légitime dans un contexte où l’Etat recoure encore à l’étranger pour maintenir l’activité économique, bien que le niveau de croissance reste en-deçà des attentes, et où le potentiel fiscal reste encore sous exploité. A noter que les recettes du Budget Général prévues par la LF 2024 sont de 311,32 Mds de DH en hausse de 5,6% par rapport à la LF 2023 tandis que les dépenses sont de 435,76 Mds de DH en hausse de 6,8% par rapport à la LF 2023. Un déficit de 124,44 Mds de DH (soit 4% du PIB) qui dit long sur les défis à relever.
En attendant une véritable volonté d’élargir l’assiette fiscale en allant chercher des niches fiscales qui échappent toujours au système, on se demande où l’Exécutif ira-t-il piocher les financements nécessaires autres que le financement international pour honorer les engagements sociaux ?
Le gouvernement recourra-t-il à la privatisation pour renflouer les caisses de l’Etat ? Rappelons que depuis plus de 2 décennies, l’Etat n’a réalisé aucune opération de privatisation outre les cessions de ses participations. Bien, qu’après 10 ans de mise en veille, le programme de privatisation ait été relancé en 2018. La LF 2022 avait prévu la réalisation d’une recette globale de 8 Mds de DH au budget général de l’Etat dont 3 Mds de DH pour les cessions d’actifs et 5 Mds de DH pour les opérations de privatisation.
N’ayant réalisé aucune opération de privatisation ni de cession d’actifs en 2022 en raison des conditions défavorables du marché (selon le rapport sur les établissements et entreprises publics LF2023), cette enveloppe a été reprogrammée pour l’exercice 2023.
Là encore, aucune opération de privatisation n’a été réalisée. Quant aux cessions d’actifs, le rapport sur les établissements et entreprises publics PLF2024 a précisé que 3 opérations seront envisagées pour un montant total de 2,88 Mds de DH.
Cette année, l’Etat parviendra-t-il à valoriser et à vendre les bijoux de famille ?
Ce qui est sûr c’est que pour l’Exercice 2024, les projections au titre des produits de cessions d’actif et de privatisation ont été revues à la hausse de 1 Md de DH soit une recette prévue de 9 Mds de DH et de 3 Mds de DH par an pour 2025 et 2026. Aussi il est prévu de programmer la cession, en plus des participations de l’Etat dans les entités déjà inscrites sur la liste des privatisables, à inscrire d’autres sociétés sur ladite liste ainsi que la cession de participations directes non stratégiques de l’Etat.
Si ces prévisions se concrétisent, une part importante des recettes des privatisations et des cessions sera transférée au Fonds Hassan II pour le développement économique et Social. A noter que depuis 2001 et à fin 2006, plus de 31 Mds de DH prélevés sur les recettes des privatisations ont été transférées à ce fonds et servent au financement de projets économiques et sociaux à caractère structurel.
Rappelons que ce Fonds contribuera au financement des programmes sociaux notamment celui de la reconstruction des zones sinistrées mais aussi le programme d’aide au logement.
La question est de savoir si l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’Etat, en charge du dossier de la privatisation depuis l’activation de cette instance, est-elle enfin prête pour réouvrir ce dossier ? Ce qui est sûr c’est que Abdellatif Zaghnoun a du pain sur la planche pour concrétiser les opérations de privatisation et mieux valoriser le patrimoine.