La consommation d’électricité n’est pas qu’une grandeur physique mesurable : au Maroc, sa forte corrélation à la croissance économique en fait un moyen d’estimer l’évolution du PIB.
En rythme annuel, la demande récente d’électricité a indiqué : une inversion de signe de la croissance en mai 2020 (« début d’effet » COVID) rattrapée dans l’autre sens en avril 2021 (« fin d’effet » COVID) suivis d’un maximum à 5,4% à fin mars 2021 avant de venir osciller entre 1,9 et 2,7% entre juin 2022 et août 2024.
A fin septembre 2024, le PIB annuel pourrait avoir atteint 1.172 Mds de DH de 2007 en n’augmentant plus que de 1,62% par an. Pour 12 mois glissants durant les 15 dernières années, la Figure 1 montre l’évolution l’électricité nette appelée par le réseau électrique (courbe noire enveloppe haute de la Figure 1) ainsi que celle de l’électricité livrée par l’ONEE-BE (courbe noire la plus basse). Les moyens (production et imports) mis en œuvre pour assurer la satisfaction de la demande en électricité nette appelée sont :
- en violet, la somme des productions nettes d’électricité à partir de sources fossiles, de chaleur industrielle et de turbinage de la STEP (déduction faite des absorptions STEP et auxiliaires),
- la production d’électricité par les sources renouvelables (hydraulique conventionnelle en bleu, éolien en vert et solaire en jaune),
- le complément de solde positif importé pour satisfaire la demande (rayures rouges verticales.
Figure 1 Evolution de la satisfaction de la demande d’électricité sur 12 mois glissants
La bonne nouvelle dans le graphique de droite de la Figure 1, c’est que depuis mai 2023, l’éolien grignote continuellement des parts sur le reste du bilan électrique poussant la part des renouvelables à friser 25%.
Si certains chercheurs se penchent sur la causalité du nexus énergie – PIB en essayant de savoir lequel des deux est la cause de l’autre, nous ignorons les relations de causalité en nous contentant de l’existence d’une forte corrélation entre le PIB en valeur constante et l’énergie finale consommée dans le pays, comme confirmé par les diamants et la courbe bleuede la Figure 2 qui montrent comment, exprimé en Dh constants de 2007, le PIB annuel des 45 dernières années est à 99.76% corrélé, par un polynôme, aux livraisons annuelles d’électricité de l’ONEE-BE avec des erreurs qui, conjoncturellement, n’atteignent pas 4%.
Figure 2 Corrélation entre l’électricité livrée et le PIB en Dh constants de 2007
L’électricité nette appelée annuellement n’est pas la meilleure approximation de la consommation finale d’énergie électrique car elle dépend trop de l’évolution des rendements de transport et de distribution[1], [2]. Par contre, les livraisons d’électricité assurées annuellement par l’ONEE-BE représentent un meilleur Proxy de cette consommation finale d’énergie électrique puisque la surestimation n’est due qu’au fait d’avoir négligé les pertes, quasiment constantes dans le temps, dans les réseaux des autres distributeurs d’électricité (elles-mêmes globalement inférieures à 8% tout en n’atteignant pas 40% du marché). Ces « livraisons de l’ONEE-BE » incluent les ventes directes à ses clients, aux autres distributeurs d’électricité ainsi que les livraisons, contre droit de passage, effectuées pour le compte des opérateurs agissant dans le cadre de la Loi 13/09.
Du point de vue conjoncturel, on peut voir que même la donnée de 2020, année somme toute atypique, ne s’écarte pas du comportement global de la corrélation polynomiale représentée par la courbe en bleu.
Pour 12 mois glissants (et non l’année civile) des douze dernières années, la Figure 3 montre l’évolution du PIB (en GDh, milliards de Dh constants de 2007) des 12 mois précédents (carrés bleus) calculée avec la corrélation établie dans la Figure 2 avec les livraisons d’électricité de l’ONEE-BE. Pour chacun des 12 mois précédents, le rythme de la croissance annuelle glissante du PIB est représenté par les cercles rouges sur cette même Figure 3 et se rapporte à l’échelle de droite.
Figure 3 Evolution du PIB calculé par corrélation polynomiale des 12 derniers mois et sa croissance
Malgré toutes les incertitudes liées à la méthode utilisée, on peut tout de même dire que l’analyse de la demande d’électricité du Maroc indique que :
- l’inversion de signe de la croissance se serait produite en mai 2020,
- le retour à la croissance positive se serait produit en avril 2021,
- à fin 2023, le PIB se serait situé à 1’059 GDh constants de 2007,
- à 1’172 GDh constants de 2007 en fin de septembre 2024, son rythme de la croissance annuelle :
- se serait situé autour de 2.3% à fin 2023,
- et avancerait actuellement à un rythme qui aurait ralenti à 1.62%.
Quels sont les éléments causant des erreurs sur cette méthode ?
Utiliser une corrélation extraite du structurel (sur 44 ans) pour l’utiliser sur le conjoncturel (12 mois glissants) est, en lui-même, source d’erreur. Ensuite, le conjoncturel subit lui-même des fluctuations inter annuelles liées à la météorologie mais aussi à la structure du PIB qui influence la corrélation entre énergie et PIB. Toutefois, tant que la corrélation énergie – PIB persistera, l’observation de l’économie par le biais de l’énergie consommée ne sera pas aussi farfelue que l’on pourrait le penser, même si ce sont sans doute les fluctuations excessives du PIB agricole du Maroc qui perturbent le plus ce genre de corrélations.
Par Amin BENNOUNA (sindibad@uca.ac.ma)
Références
[1] Amin BENNOUNA, « Les ‘pertes non-techniques’ dans le réseau électrique de l’ONEE engloutissent plus que l’électricité solaire produite à Ouarzazate !« , Webmagazine EcoActu, 28 février 2020, https://DOI.ORG/10.13140/RG.2.2.34602.98248
[2] Amin BENNOUNA, « Plus d’un milliard de Dh par an engloutis dans les pertes ‘non techniques de l’ONEE-BE », Webmagazine EcoActu, 5 juin 2023, https://ecoactu.ma/plus-de-1-md-de-dh-an-engloutis-pertes-non-techniques-onee-be/