La Cour des comptes multiplie les sorties en publiant des rapports accablants sur la gestion de la chose publique. Plusieurs ordonnateurs continuent à défier le pouvoir juridictionnel de la Cour en persistant dans la violation des textes et la méconnaissance des règlements.
Trop de contrôles tue le contrôle
L’Etat, premier acheteur du pays, procède, pour répondre à ses besoins, à l’appel à la concurrence élargie. Afin d’assurer un parfait acte d’achat public, les pouvoirs public ont mis en place une réglementation afférente aux marchés publics. Cette dernière, devant assurer la régularité et l’optimisation de l’acte d’achat, régit les phases de la préparation, du lancement et de l’exécution de la commande publique. Pour sécuriser davantage ledit acte d’achat, les pouvoirs publics ont instauré un système de contrôle financier qui intervient notamment à l’occasion de l’engagement et de la liquidation de la dépense publique. Pour faire obstacle à toute tentation, la responsabilité des ordonnateurs a été encadrée par un texte approprié. En outre, les ordonnateurs sont également assujettis à l’obligation de la déclaration du patrimoine.
Par-dessus le marché, les pouvoirs publics ont mis en place des organes de contrôle pour mener des missions d’audit sur les actes d’achat. Dans cette entreprise, l’Etat s’est armé de la Cour des comptes, de l’Inspection générale des finances, des Inspections générales des différents ministères, des Commissions d’enquête parlementaires, des auditeurs internes et des auditeurs indépendants.
Des textes défaillants
Seulement, chaque année la Cour des comptes, dans son rapport annuel, dévoile des constats qui nous font tomber dans les pommes. Nous sommes alors en mesure de nous demander si la défaillance est à imputer aux textes ou encore aux Hommes.
Il est juste que les textes qui encadrent les opérations d’achats ont pris un coup de vieux et n’ont pas fait l’objet d’évaluation à même de réparer les lacunes, les entorses et les défaillances relevées. Les quelques modifications apportées se sont attaquées au décor faute de pouvoir agir, pour une raison ou pour une autre, sur le fonds. Il est certains que le décret sur les marchés publics renferme encore des zones d’ombre qui sont exploitées par les maîtres d’ouvrage, ayant le dos au feu et le ventre à table, pour dérègler le jeu de la libre concurrence. Ceux-ci n’encourent aucun risque du moment qu’ils se conforment à la loi : une loi bien sûr défaillante.
L’audace qui tue
D’autres maîtres d’ouvrages, forts de leurs réseaux, osent sans aucun scrupule à enfreindre la loi. Ils prennent alors des risques démesurés. Leurs devises étant, l’audace réussit à ceux qui savent profiter des occasions. Privés de la maladie de scrupule, ces maîtres d’ouvrage ne peuvent songer à l’honnêteté. Mais vraiment ceux qui vendent leurs honnêtetés m’étonnent : Que peuvent-ils acheter de mieux de ce qu’ils vendent.
Des rapports de la cour des comptes, nous devons tirer un seul et unique enseignement, l’achat public via les marchés publics tourne en eau de boudin. L’achat par ce mode n’est synonyme ni d’efficacité ni d’optimisation.
Après la dépense, la recette
Il est vrai que le châtiment public organisé par la cour des comptes, en rendant public son rapport en le publiant ou en dévoilant les grandes lignes devant le parlement, commence à donner des fruits bien que timides. Certains ordonnateurs, ayant réalisé que l’étau se resserre au tour de la dépense, ont changé de camp et ont orienté leurs machines à piller vers les recettes. Ainsi certains ordonnateurs à la tête d’entités publiques disposant de recettes propres commencent à sous-facturer leurs relations commerciales sûrement moyennant intéressement. Ils profitent de la défaillance du cadre juridique, de l’indisponibilité de l’information ou encore de l’absence d’autocontrôle et de contrôles réciproques pour faire réussir leurs coups. Ce volet, jusqu’à présent relégué au second plan par les instances de contrôle, sert, du moins pour le moment, de refuge pour les délinquants.
Mieux encore, et dans plusieurs secteurs d’activités, les ordonnateurs profitent des moyens humains et matériels des entités publiques pour créer de la richesse facturable sous d’autres cieux. Il n’est donc plus question de se soucier seulement de la conformité de l’acte d’achat au regard des textes mais de s’assurer également qu’il ne procure un enrichissement sans cause à l’avantage d’une minorité.
La grande question
Nous nous demandons avec la cour des comptes sur l’incompatibilité entre la masse de l’investissement et son impact. Pour mieux méditer cette situation, il suffit de comparer les dépenses de fonctionnement de l’Etat avec ses dépenses d’investissement. Les spécialistes sauront qu’on ne peut réaliser ces investissements avec un tel coût de maîtrise d’œuvre. A la question légitime nous répondons : soit que l’investissement est renchéri soit qu’il profite à une population autre que la cible.
La Cour des comptes peut contribuer à l’amélioration de la qualité de l’acte d’achat en évitant de se contenter de mettre les contrevenants au piquet ou au placard ceux qui mettent à sac les deniers publics. La Cour des comptes doit également arrêter de punir le valet pour le crime du maître. En effet, plusieurs ordonnateurs rétrocèdent la responsabilité à leurs subordonnés toute en en restant rentiers.