Ecrit par Lamiae Boumahrou I
Avec la sécheresse, le recours au pompage des eaux souterraines pour l’irrigation et par conséquent à l’utilisation du gaz butane (moins coûteux que l’électricité), a considérablement augmenté. La décompensation partielle du gaz butane risque-t-elle de perturber les prix des produits agricoles ?
Bien qu’inévitable et très attendue, la décompensation du gaz butane suscite plusieurs interrogations. Et pour cause, la hausse du prix de la bombonne de gaz de 2,5 DH pour la bouteille de 3Kg et de 10 DH pour celle de 12Kg n’est que l’arbre qui cache la forêt.
Une forêt qui représente tous les secteurs qui utilisent le gaz butane dans le processus de production et qui vont certainement répercuter cette hausse sur les prix.
A commencer par le secteur agricole. Depuis une dizaine d’années le gaz butane constitue l’une des principales sources d’énergie utilisées pour le pompage des eau souterraines dans les exploitations agricoles, du moins une importante partie. Le gaz butane est utilisé dans environ 300.000 hectares de terres cultivées et représente environ 40% de la subvention du gaz butane.
Pour bon nombre d’agriculteurs, le gaz butane est une alternative moins coûteuse que l’électricité qui permet de réduire significativement la facture énergétique et donc le coût de revient.
En effet, durant toutes ces années, les agriculteurs ont profité de la subvention du gaz butane dont l’ampleur reste difficilement chiffrable induisant un détournement des subventions publiques destinées à ce produit de leurs objectifs initiaux à caractère social comme l’avait soulevé une étude de la DEPF sur le secteur agricole marocain.
Interpellé sur cette question lors d’une interview accordée à EcoActu.ma, le ministre de l’Agriculture, Mohammed Sadiki, avait affirmé que la hausse de 10DH par bouteille allait avoir un impact d’entre 400 à 500 DH/hectare/an. Soit environ 150 MDH/an de manque à gagner pour les agriculteurs utilisant le gaz butane. Une étude devait être réalisée pour mesurer réellement l’impact de la décompensation du gaz sur le secteur. On n’en sait pas ce qu’il en est. Mais ce qui est certain, avec la conjoncture actuelle marquée par le stress hydrique et la sécheresse, le recours au gaz butane pour le pompage de l’eau souterraine s’est accentué induisant par conséquent une augmentation de la consommation du gaz butane dans le secteur agricole.
Selon un professionnel du secteur, en raison d’une année de sécheresse très difficile, le pompage de l’eau se fait au-delà des 100 mètres de profondeur. Les deux sources d’énergie dont disposent les agriculteurs sont l’électricité et le gaz butane. Et puisque l’électricité coûte cher en raison du tarif vert qui n’est plus adapté, le recours au gaz butane est devenu la solution la moins coûteuse.
La répercussion de cette hausse sur la rentabilité des cultures sera-t-elle répercutée sur le prix des produits agricoles et par conséquent sur les citoyens ?
L’exemple des hydrocarbures laisse croire qu’il y aura bien un impact sur les prix. Rappelons que malgré la décompensation des hydrocarbures, l’Etat subventionne indirectement à travers la subvention du transport routier pour atténuer la hausse des prix des hydrocarbures, entre autres, sur les prix des produits agricoles. Les agriculteurs ne vont certainement pas supporter l’impact de cette hausse sans qu’il y ait d’impact sur le prix.
Selon la même source, certes toutes les régions seront impactées mais celles du Sud le seront davantage notamment les filières maraîchère et agrume (export) ainsi que l’élevage particulièrement le secteur avicole qui utilise le gaz butane pour le chauffage.
Contacté par nos soins, le président de la Fédération Interprofessionnelle du Secteur Avicole (FISA), Youssef Alaoui nous a affirmé que bien qu’il va y avoir un impact, il ne sera pas significatif. La hausse du prix de gaz butane ne va pas impacter le prix de revient et par conséquent il n’y aura pas d’impact sur le prix final de la volaille.
« Il faut savoir que le prix du poussin et l’aliment représente 90% du prix de revient. C’est pourquoi nous estimons qu’il n’y aura pas d’impact sur le prix », a-t-il précisé.
En attendant de voir quelles seront les retombées de cette hausse sur les prix d’une manière générale, rappelons que le gouvernement a mis en place, au début de cette campagne agricole, des mesures de subventions pour atténuer l’impact de la sécheresse sur les agriculteurs. Des mesures que le ministre de l’Agriculture avait qualifié d’historiques et d’exceptionnelles.
Parmi ces mesures, la subvention des semences notamment, et pour la première fois dans l’histoire du secteur agricole marocain, de 3 cultures maraîchères à savoir la tomate, la pomme de terre et les oignons. Aussi, la tutelle a subvention les engrais azotés, les filiales animales en plus des mesures d’aide directe pour faire face à cette situation exceptionnelle pour encouragement à l’investissement. Sans oublier les produits agricoles qui continuent de profiter des exonérations fiscales ainsi que des droits de douane.
Avec des subventions qui se chiffrent en milliards de DH, il ne devrait pas y avoir d’impact de la hausse du prix du gaz butane sur les prix. Le gouvernement devrait mettre les garde-fous nécessaires pour que cette hausse ne soit pas utilisé pour justifier tout hausse. C’est impératif pour que le principe de l’aide directe aux plus nécessiteux ne soit pas biaisé par des hausses qui fragiliseraient davantage le pouvoir d’achat des Marocains.
Cette hausse devrait néanmoins acculer les agriculteurs à opérer la transition du secteur agricole vers les énergies renouvelables notamment le solaire pour le pompage. C’est le moment de se préparer avant les prochaines phases de décompensation.