Ecrit par Soubha Es-Siari I
Au cours des dernières années, la dette publique s’est inscrite dans un mouvement haussier qui suscite l’ire des responsables et de l’opinion publique. Si avant l’éclatement de la crise sanitaire liée au covid, le taux oscillait autour de 60%, celui actuel dépasse les 70%. Ce taux ayant grimpé inquiète la communauté sur ses effets sur les générations futures parce que in fine il s’agit de prêts à très long terme.
Dans une interview accordée à Medi1TV à l’occasion de la tenue des Assemblées Annuelles 2023 organisées au Maroc par le FMI et la Banque Mondiale, Nadia Fettah, ministre de l’économie et des finances a précisé que les 70% atteints aujourd’hui sont dus à la gestion de la crise sanitaire. « Nous nous sommes engagés pour qu’à partir des trois prochaines années, nous commençons à baisser le rythme d’endettement, mais aujourd’hui nous ne l’aggravons pas. Nous avons besoin de maintenir ce niveau d’endettement à peu près 3 ans pour ne pas compromettre la croissance économique », annonce N. Fettah. Pour mener à bien les réformes engagées, pour libérer de l’espace, investir et créer de la croissance, il est impératif de garder encore ce pallier durant 3 années avant d’entamer une nouvelle trajectoire baissière de l’endettement.
L’annonce d’un nouvel emrpunt ne signifie pas pour autant une aggravation du taux de la dette publique parce que le Maroc a une stratégie d’endettement où l’objectif est d’être à 70% de dette interne et 30% de dette externe. Le Maroc arbitre en permanence en fonction des conditions de marché, des conditions économiques internes sur le meilleur outil. Elle illustre ses propos par la négociation de la ligne de flexibilité de 5 Mds de dollars ou d’assurance dont le leitmotiv est que face aux crises, le Royaume dispose de la force en ayant des solutions pré-négociées et pré-définies pour pouvoir les gérer en toute aisance.
Concernant la ligne RCF de 1,3 Md de dollars, cette dernière a pour but de soutenir deux grands types de réforme : accompagner la transition écologique, faire face aux défis du changement climatique et solidifier le cadre macroéconomique.
Toutefois au-delà même de l’usage immédiat ou pas de ces lignes de crédit contractées par le Maroc, le rythme d’endettement suscite des inquiétudes sur son coût qui, faut-il reconnaitre, plombe lourdement le budget.
Les chiffres publiés récemment par la TGR dans son bulletin mensuel du mois d’octobre atteste que les intérêts de la dette ont progressé de 15,7% sur un an. Elles s’établissent à 30.946 MDH à fin octobre 2023 contre 26.737 MDH à la même période de l’année précédente. Cette augmentation s’explique par la hausse de 2,8% des charges en intérêts de la dette intérieure (24.138 MDH contre 23.471 MDH) et de 108,5% de celles de la dette extérieure (6.808 MDH contre 3.266 MDH).
Et pour cause le besoin de financement du Trésor de 47,5 Mds de DH s’est traduit par un recours à un financement extérieur de 30,2 Mds de DH et au financement intérieur pour un montant de 17,4 Mds de DH.
Les charges de la dette budgétisée ont quant à elles progressé de de 57,1% à cause de la hausse de 82,3% des remboursements du principal (79,8 Mds de DH contre 43,7 Mds de DH) et de 15,7% des intérêts de la dette (30,9 Mds de DH contre 26,7 Mds de DH).
A fin octobre 2023 et dans le cadre de la gestion active de la dette intérieure, le Trésor a procédé à des opérations d’échange et de rachats de bons, en vue de réajuster le profil de la dette. Ces opérations ont porté sur un montant global de 53,2 Mds de DH.
Les indicateurs susmentionés notamment ceux liés aux intérêts d’endettement n’augurent rien de bon si l’on considère que le Maroc n’est pas prêt à sortir de ce cercle du moins au cours des trois prochaines années si l’on se fie aux propos de la ministre de l’économie et des finances. Le Maroc a intérêt à mener des réformes structurelles à même de générer de la croissance économique et de la valeur ajoutée pour maintenir l’équilibre de ses indicateurs macroéconomiques. Aussi, le Maroc doit-il éviter que l’endettement finance des projets qui s’avèrent incapables de générer la croissance nécessaire et les ressources pour son remboursement.
S’agissant de l’encours de la dette intérieure, il s’est élevé à 711,1 Mds de DH, en hausse de 6,1% par rapport à son niveau à fin décembre 2022. Cette hausse s’explique notamment par le recours du Trésor au marché des adjudications pour un montant net de 40,6 Mds de DH, résultant de souscriptions pour 235,4 Mds de DH et de remboursements pour 194,9 Mds de DH contre un recours au marché des adjudications pour un montant net de 14,5 Mds de DH un an auparavant, résultant de souscriptions pour 99,6 Mds DH et de remboursements pour 85,1 Mds de DH.
Comme l’a si bien dit l’économiste et professeur universitaire Najib Akesbi dans un entretien accordé à notre médias : « L’endettement en soi n’est pas toujours un problème, et peut même jouer un « effet de levier » salutaire lorsqu’il est contracté à des conditions appropriées et -plus encore- affecté au financement de projets pertinents et performants ».
Il devient un boulet dans les cas contraires, et ce sont hélas souvent les plus nombreux constatés tout au long de l’expérience marocaine depuis plus d’un demi-siècle.
Lorsque les projets financés par la dette s’avèrent incapables de générer la croissance nécessaire et partant les ressources à même de permettre son remboursement, on entre peu à peu dans ce qu’il est convenu d’appeler la « trappe de la dette », ou le « piège de la dette », un cercle vicieux où l’endettement appelle l’endettement, puis le surendettement…
Justement atteignant des seuils pareils, le service de la dette vpourrait absorber à lui plus du quart des recettes générées par l’ensemble du système fiscal.