Ecrit par Lamiae Boumahrou |
Malgré la recommandation du FMI d’accélérer la flexibilisation du régime de change et le passage à la 2ème phase, BAM estime que le moment n’est pas opportun pour franchir ce pas et ce pour une multitude de raisons. Abdellatif Jouahri a précisé qu’il s’agit d’une étape difficile et compliquée aux conséquences importantes.
Depuis la mise en place de la flexibilité du Dirham en 2018, le Maroc est toujours dans la 1ère phase de cette réforme bien qu’elle ait connu 2 élargissements de la bande de fluctuation, soit ±2,5 % en mars 2018 à ±5 % en mars 2020. Environ 4 ans plus tard, la question du passage à la 2ème phase se pose avec acuité notamment avec la conjoncture actuelle qui s’est traduite par un déséquilibre entre l’offre et la demande rendant le dirham plus fort et poussant le régulateur à intervenir pour réguler le marché.
En effet, et pour la première fois depuis la flexibilité du DH, Bank Al-Maghrib a épongé plus de 9 Mds de DH pour rééquilibrer le marché. Une intervention pour corriger un problème conjoncturel comme souligné par le Wali de BAM en octobre 2021 après l’évaluation du DH selon les méthodes du FMI. Toutefois, avec la persistance de la crise sanitaire et de ses répercussions sur le plan économique et des échanges commerciaux, faut-il craindre que cela se transforme en problème structurel ? BAM est-elle prête à entamer la deuxième phase de la flexibilité si cela s’avère nécessaire ?
Nous avons interpellé le Wali de BAM, Abdellatif Jouahri sur le sujet, lors de la rencontre avec les médias suite au Conseil de la banque centrale tenu ce mardi 21 décembre, qui a avoué que le passage à cette 2ème étape n’est pas une mince affaire.
Le Wali a précisé que la question a été soulevée avec le FMI en marge de la mission virtuelle du 30 novembre au 10 décembre 2021 initiée dans le cadre des consultations de 2021 au titre de l’article IV des statuts du FMI. Le sujet a même mis en désaccord BAM et le FMI particulièrement sur le timing de l’activation de la 2ème phase de la réforme.
« Compte tenu des paramètres économiques du pays (inflation maitrisée, réserves de change adéquates…), le FMI a jugé que le moment est favorable pour le passage à la 2ème étable de la flexibilisation du DH », a souligné le Wali.
Ce qui n’est pas de l’avis de A. Jouahri qui n’a pas manqué de rappeler au FMI que cette orientation qu’il préconise intervient dans un contexte toujours marqué par la pandémie qui persiste et qui pose des incertitudes invraisemblables. « Nous avons affirmé au FMI que nous ne nous sentons pas prêts à franchir ce pas. Il vaut mieux attendre. Et pour cause, dès qu’on s’engagera dans cette voie on ne pourra plus faire marche arrière », a-t-il alerté. Pour le gouverneur de la Banque Centrale, la décision revient pleinement au Maroc et sera prise au bon moment.
Il a tenu à rappeler que le passage à la 2ème phase signifie le passage à un nouvel ancrage. Il ne sera pas question d’élargir la bande de fluctuation mais d’abandonner carrément l’ancrage au panier vers un ciblage de l’inflation. En d’autres termes, l’ancrage ne sera pas celui du taux de change mais plutôt de la politique monétaire et du taux directeur de la banque centrale.
« Sur le plan technique, d’outils et de modélisation, la banque centrale est prête à franchir la prochaine phase mais il faut être très vigilant », a annoncé le Wali aux responsables du Fonds en précisant qu’après avoir tâté le pouls du tissu économique, plus particulièrement les TMPE, BAM estime que les acteurs ne sont pas prêts à franchir ce pas. « Pour franchir cette étape, il faut que la majorité du tissu économique marocain s’arme pour faire face à la volatilité du taux de change, adopte des outils de couverture et assimile le nouvel ancrage », a-t-il insisté.
Compte tenu de la conjoncture actuelle, le passage immédiat à la 2ème phase, comme préconisé par le FMI, compliquerait davantage la situation aux opérateurs. Un effort de sensibilisation et de formation des opérateurs est donc nécessaire avant de plonger le tissu économique dans un régime de change volatile.
Autre facteur à prendre en compte, celui du risque financier que doivent supporter les banques au titre du passage à un régime de change plus flexible. « Nous sommes en phase de travailler avec le FMI pour assister les à la cartographie des risques liés au passage à la 2ème étape de la flexibilisation du régime de change », a-t-il expliqué.
Jouahri a rappelé que cette décision doit apporter une contribution aussi bien en matière de défense contre les chocs exogènes qu’en matière d’appui à la compétitivité du pays.
Last but non least, le Wali a précisé qu’il faut d’abord réunir les prérequis nécessaires pour réussir cette réforme. Parmi les prérequis, celui de la soutenabilité budgétaire à moyen terme qui doit être assurée. « Il ne faudrait pas, en allant trop vite, devoir gérer une crise de change et utiliser nos réserves de change pour soutenir la valeur externe du DH au lieu de les préserver pour l’équipement et autres leviers importants pour le pays », a alerté le Wali.
Autre facteur à prendre en compte, celui du risque financier que doivent supporter les banques au titre du passage à un régime de change plus flexible. « Nous sommes en phase de travailler avec le FMI pour les assister dans la cartographie des risques liés au passage à la 2ème étape de la flexibilisation du régime de change », a-t-il expliqué.