Ecrit par la Rédaction |
Evénement organisé annuellement par la Morrocan Biodiversity and Livelihoods Association /MBLA, le festival bioculturel d’Azilal aborde sous divers aspects les approches bioculturelles de la conservation avec comme fil rouge le renforcement du pouvoir d’agir des communautés rurales traditionnelles à travers leur implication dans des initiatives et projets de terrain, visant à maintenir et à revitaliser leurs territoires de vie.
Le festival – qui a aussi vocation à construire l’image de la destination touristique Azilal- a eu comme thème pour sa troisième édition, « Soutenir les Territoires de Vie : une responsabilité partagée ».
Les Aires et territoires du Patrimoine Autochtone et Communautaire (APAC) – plus communément appelés « Territoires de vie » – incarnent un type d’aires protégées et volontairement conservées par les communautés locales et autochtones, reconnu par l’Union Internationale de la Conservation de la Nature (UICN) et la Convention sur la Diversité Biologique. Ils se définissent selon trois critères : un lien profond entre une communauté locale et son territoire généralement de haute valeur de biodiversité, une instance coutumière de de gouvernance et de gestion qui traduit une organisation de cette communauté appuyée par des lois et règles internes et un dispositif de gouvernance qui contribuent de manière évidente à la conservation de la biodiversité.
Développant le thème retenu pour cette troisième édition, les organisateurs du festival ont expliqué que les dernières rencontres internationales, dont la 15ème Conférence des Parties qui s’est tenue en 2022 à Montréal au Canada, continuent de tirer la sonnette d’alarme quant à l’effondrement de la biodiversité, faune et flore, à une vitesse jamais enregistrée à l’échelle planétaire affectant de manière toujours plus importante la survie et le bien-être de l’ensemble de l’humanité.
Pour faire face à ce défi, aggravé par la crise climatique et aggravant ses effets, la communauté internationale a adopté un cadre mondial commun – le cadre mondial Kunming-Montréal – pour restaurer et protéger la biodiversité. Parmi les 23 cibles établies à l’horizon 2030, le cadre prévoit la conservation de 30 % des zones terrestres et des mers et la restauration de 30 % des écosystèmes dégradés.
En ligne avec cet agenda international, les membres du Consortium APAC Mondial ou ICCA Consortium – un réseau international de soutien aux territoires de Vie – ont identifié six points clés pour pérenniser les territoires de vie et soutenir les efforts de conservation de la nature au niveau mondial, bien au-delà des 30% proposés à Montréal. A force d’arguments et de preuves scientifiques, l’ICCA Consortium a démontré que les territoires de vie des communautés autochtones et locales, y compris des communautés nomades et des communautés marines et côtières, sont un élément fondamental de la conservation.
Ils appellent les gouvernements des États et les agences internationales à reconnaître, respecter et défendre de manière adéquate les systèmes normatifs coutumiers des communautés locales et autochtones, ainsi que leurs stratégies de conservation et d’usage, lors de la planification, de la gouvernance, de la gestion, et de la mise en œuvre des stratégies et plans nationaux de conservation. Leur reconnaissance et leur soutien rendent possible la gouvernance équitable et la gestion efficace, à condition qu’ils leur soient accordés de manière appropriée.
Le Consortium APAC Maroc, une plateforme collaborative regroupant des ONG Marocaines actives dans le domaine de la biodiversité et du développement durable, l’Association Marocaine pour la Biodiversité et les Moyens de Subsistance (Haut Atlas), l’Association Oasis de Ferkla pour l’ Environnement et le Patrimoine(Zones Oasiennes), l’Association Forêts Modèles D’Ifrane (Moyen Atlas), l’Association Migration & Développement (Anti-Atlas) et l’Association des Enseignants des Sciences de la Vie et de la Terre (sensibilisation/éducation), est porteuse de cette initiative au niveau national. Elle accompagne et soutient les efforts des communautés APAC du Maroc et contribue à valoriser et à faire reconnaître leurs contributions et leur importance dans la conservation de la biodiversité et dans la gestion responsable des écosystèmes. Une analyse situationnelle réalisée par le CAM a permis de répertorier le Maroc comme « Terre des Territoires de Vie ».
C’est dans ce cadre et dans un esprit convivial, que MBLA, membre fondateur assurant la coordination du Consortium APAC Maroc, organise annuellement en étroite collaboration avec la province d’Azilal et la commune rurale d’Ait M’hamed, le Festival Bioculturel d’Azilal. Cet événement, qui fait figure de carrefour des APAC, est l’occasion pour les communautés locales de tisser des liens et des alliances entre elles et de se faire connaitre des autres acteurs territoriaux.
Cette troisième édition a une nouvelle fois ouvert sur quatre jours le débat et a créée des espaces d’échanges afin de faire émerger des solutions concertées, efficaces et innovantes pour soutenir au mieux les territoires de Vie :
Le forum des territoires de vie a eu pour objectif de mieux comprendre et communiquer sur le concept de territoires de vie. Il a été l’occasion de présenter les bonnes pratiques au niveau Afrique et du Maroc en matière de soutien aux APAC. Il convient ici de préciser que le festival a connu l’organisation sur deux jours de la 3ème édition de l’Assemblée Régionale Afrique des Coordinations sous régionales et des représentations africaines au conseil du Consortium APAC (ARA) ; parmi les pays représentés lors cette assemblée, le Sénégal, le Burkina Faso, le Bénin, la République Démocratique du Congo, la République Centre Africaine, Madagascar, le Kenya et le Maroc.
Le forum a connu également la tenue de la première assemblée de l’association des communautés APAC du Maroc et la première réunion de la commission Genre du CAM. Autre activité phare du Forum, la tenue d’un point de presse qui a connu une importante participation de médias locaux et nationaux et qui a contribué à l’adhésion de nouveaux défenseurs et alliés des territoires de vie parmi la presse nationale.
La journée/débat scientifique s’est penchée cette année sur la restauration écologique et sur la certification de la gestion responsable de la biodiversité spécifique et écosystémique ; la restauration écologique étant « le processus d’assister la régénération des écosystèmes qui ont été dégradés, endommagés ou détruits ». Devenue une nécessité, cette approche fait appel à la fois aux savoirs scientifiques et aux connaissances communautaires ancestrales en matière de conservation.
Le premier panel sous le thème « La restauration écologique, un défi pour la résilience des territoires de vie » a donc rassemblé des scientifiques et des ONG de terrain œuvrant dans divers écosystèmes, oasis, bassins versants et parcours sylvopastoraux. Cette journée a été marquée par le démarrage d’un projet sur la restauration écologique de forêts communautaires de Tillouguite financé par la Fondation Audemars Watkins et mis en œuvre par MBLA.
Le second panel sur la « Certification de la restauration écologique et la gestion responsable des écosystèmes » a porté quant à lui sur des exemples de normes et standards de certification et labellisation des produits préconisés à l’international (WWF Espagne, Fondation FairWild) et au niveau du Haut Atlas, le High Atlas Harvest (MBLA/Global Biodiversity Foundation). Ce panel a permis d’ouvrir le débat et de nourrir les réflexions sur la méthodologie et les normes à adopter dans le cadre particulier des APAC.
Les espaces de partage et d’échange singuliers organisés à Ait M’hamed durant le troisième jour du festival ont profité aux acteurs communautaires (hommes, femmes, jeunes et enfants) et ont connu une large participation des agences et département techniques. L’atelier « Tourisme durable dans les territoires de Vie » a été organisé en collaboration avec le programme Tourisme Durable Swiss Maroc au profit des guides des espaces naturels. L’atelier sur l’entreprenariat et l’économie verte a connu la participation de plus d’une quarantaine de jeunes ruraux (niveau lycée et plus) et a été encadré par des cadres de MBLA, de l’INDH, de l’ANAPEC et de l’Association Injaz Al Maghrib.
A côté des ateliers, deux activités phares des « espaces d’échanges communautaires » sont le souk aux semences et l’atelier culinaire.
Le Souk aux semences a été organisé avec la contribution de la Global Diversity Foundation et de Terre & Humanisme Maroc au profit de 50 petits producteurs locaux. Il s’agit de semences autochtones climato-résilientes conservées sur des générations par des semenciers locaux. Cette activité s’inscrit dans un programme plus large de MBLA visant la promotion de l’agroécologie et le renforcement des systèmes semenciers locaux. Cet espace a donc connu également des démonstrations pratiques sur des techniques et innovations en agroécologie.
Le concours culinaire visant la valorisation des savoirs et des compétences féminines a profité à plus d’une vingtaine de femmes de communautés APAC de différentes régions du Haut Atlas. Les plats traditionnels (couscous, tajines, soupes et pains) ont été cuisinés par les femmes à base de variétés locales. Cette deuxième édition – qui a connu autant de succès que la première – a été sponsorisée par la maison d’hôtes Jnane Tamessna à Marrakech et le jury volontaire assuré par deux chefs cuisiniers, Marie-Sophie Grønlund du restaurant Um Mami et Driss Aloui du restaurant Blue Ribbon, ainsi que la maman d’un de nos collaborateurs Mme Bassalih M’Sou Zahra.
Toute la période du festival – et plus particulièrement la dernière journée – a été rythmée par des festivités locales organisées par la commune d’Ait M’hamed à l’occasion du Moussem célébrant l’ouverture de l’agdal d’Igourdane : Tbourida, groupes folkloriques.
Des ateliers pour les enfants en collaboration avec Dar Chabab/ait M’Hamed et courses féminines avec la Fédération Royale de Ski de Montagne ont également été organisés. C’est donc dans un esprit de célébration qu’a été clôturée cette rencontre qui a connu un grand succès auprès des communautés locales, des acteurs locaux et des acteurs la conservation.