Le projet de construction d’une route touristique à l’Oasis de Figuig a créé une forte polémique au niveau de la région. Et pour cause, le projet n’aurait pas pris en compte plusieurs aspects notamment ceux environnementaux et patrimoniaux. Pis, il constitue même une violation grave de la préservation de notre patrimoine historique qui date de plus de 2000 ans.
L’émotion est vive du côté de la société civile de la région qui est montée au créneau pour dénoncer un projet dont les conséquences sur ce patrimoine historique, architectural et archéologique à forte valeur culturelle sont graves. Elle dénonce également la non-implication d’experts environnementaux, du patrimoine, de la culture ainsi que de l’économie pour évaluer les risques d’un tel projet.
Un cri d’alerte pour attirer l’attention des responsables notamment ceux ayant validé cette route touristique eu égard à la richesse de cette zone. Rappelons que Figuig est une oasis située dans la pointe sud orientale du Maroc à environ 400 km au Sud de la Méditerranée et à 7 km de la ville algérienne de Beni Ounif. Une oasis qui a conservé de son histoire des vestiges exceptionnels qui représentent aujourd’hui, des richesses patrimoniales matérielles, architecturales et archéologiques importantes. Malheureusement, face à une dégradation importante de ce patrimoine, il était urgent de classer Figuig au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Un rêve qui s’est évaporé à cause de cette route dont les travaux ont démarré mi juin soit juste après la levée du confinement. Nous apprenons que lors d’une réunion tenue le 2 septembre 2020 au siège de la commune de Figuig à propos de la route touristique en cours de réalisation, le Directeur Régional de la Culture a annoncé avoir reçu un écrit de son ministère de tutelle l’informant que la ville de Figuig a été supprimé de la liste indicative pour le classement de Figuig en tant que patrimoine International à l’UNESCO.
L’information est tombée comme un couperet sur tous ceux qui militent depuis des années pour atteindre cet objectif.
Et pourtant, l’oasis de Figuig était dans la phase finale du processus de classement à l’UNESCO. Malheureusement, les efforts déployés au niveau local, régional, national et international sont neutralisés.
Valait-il la peine de tous sacrifier pour faire passer une route touristique sans prendre en compte la particularité de ce patrimoine historique ?
Un groupe de militants de la société civile dénonce la position et le silence des responsables qui font fi d’indifférence et de complicité face à ce qu’il qualifie de complot contre l’oasis et contre ses classifications. Les autorités locales n’auraient pas pris en compte l’avis des experts qui les ont mis en garde sur les conséquences de ce projet de route. Dans un document qui est parvenu à la rédaction de EcoActu.ma, les experts en environnement, en patrimoine, du développement, du tourisme… ont révélé plusieurs violations qui ont entaché l’adoption et la réalisation dudit projet.
Tout d’abord, ce projet s’appuie uniquement sur une «étude technique» topographique pour tracer la trajectoire de la route sans que les spécificités de la zone soient prises en compte.
Aussi, le projet de la route touristique n’a pas été précédé par la réalisation d’une étude d’impact environnemental comme prévu par la loi n ° 12.03 relative aux études d’impact sur l’environnement. Or l’étude n’a été réalisée qu’en août soit qu’après l’achèvement de la construction de la route du point de départ au point d’arrivée et qu’après que des voies se sont levées pour dénoncer ce massacre primordial.
Autre manquement que dénonce la société civile, le non-respect des procédures légales pour les opérations de construction et d’extension des routes (loi n ° 12.90), en particulier la construction de routes non stipulées dans un document d’urbanisme comme c’est le cas pour l’oasis de Figuig dont la conception classe le ruban dans lequel passe cette route improvisée comme une zone interdite pour la construction.
La procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique et à l’occupation temporaire (loi n ° 7.81) n’a également pas été suivie non pas sans conséquence sur les biens des propriétaires qui ont été mis devant le fait accompli sans leur consentement préalable.
Autre violation et pas des moindres, la préservation du patrimoine selon la législation (loi n ° 22.80) qui prévoit la consultation des intérêts du ministère de la Culture selon le texte d’aménagement d’un site ou de monuments historiques a été ignorée. Même chose pour les législations qui protègent les oasis d’un côté et les palmiers d’un autre (loi n ° 01/06).
Dernier point, le projet n’a pas été soumis au processus d’information du public et, par conséquent n’a pas attendu les avis des citoyens et des parties prenantes, selon une approche participative qui a caractérisé l’Oasis Figuig servant d’exemple d’implication de la population dans la gestion de ses affaires.
Les faits sont là et les conséquences aussi. Mais les militants associatifs ne veulent pas baisser les bras. Ils s’accrochent pour sauver ce qui reste à sauver. Ainsi, ils appellent les autorités à vérifier les aspects juridiques et les procédures de la réalisation de ce projet et à supprimer temporairement les travaux pour éviter les défaillances que le projet a connues depuis son lancement et pour pallier les carences techniques et administratives en impliquant toutes les parties concernées.
Aussi, ils revendiquent de revoir la forme, la trajectoire, les dimensions et les matériaux de la route, dans la lignée d’un tourisme intelligent, responsable, solidaire et équitable qui contribue au développement durable et à la préservation des caractéristiques culturelles et naturelles des oasis et palais de Figuig.
Les départements concernés par ce dossier seront-ils sensibles aux conséquences ayant résulté de la construction de cette route touristique pour cette zone notamment sa suppression de la liste indicative pour le classement de Figuig en tant que patrimoine International à l’UNESCO ? Du moins c’est ce qu’espèrent les militants associatifs qui appellent les autorités à ouvrir la voie du dialogue pour le bien du patrimoine et de la région.