Il peut résulter de légers écarts avec quelques uns des chiffres définitifs officiels qui seront dévoilés plus tard car, même s’il n’est fait appel qu’à des sources originales officielles[i], [ii], [iii], [iv], [v], [vi], [vii], [viii], [ix], [x], ceux-ci sont incomplets et la décomposition de certains agrégats a dû être estimée pour ne pas différer la publication de chiffres de 2024 (en juin 2025 !) avant que les commentaires ne deviennent historiques ! Alors voici ces chiffres de l’électricité de l’année 2024, avec un seul commentaire : telles que les choses se présentent ici, rien n’explique l’engouement de l’ONEE-BE pour acquérir de futures turbines à gaz au gaz naturel.
RÉPARTITIONS DES CAPACITÉS ÉLECTRIQUES ET DE LEUR PRODUCTION
La Figure 1 montre l’affectation de huit types de centrales (charbon, produits pétroliers, gaz naturel, STEP, chaleur industrielle, barrages, éolien et solaire) aux quatre statuts de producteurs d’électricité (ONEE-BE, Concessions, Tiers Nationaux et IPP agissant dans le cadre de la LER 13/09). Dans cette Figure 1 :
- la partie gauche traite des capacités de puissance installées (en MW)
- la partie droite traite des productions effectives annuelles (en GWh) de chaque capacité et dans ces cellules, le pourcentage précédé du diminutif « FC » désigne le facteur de charge moyen ad hoc.
Figure 1 Répartition de la production d’électricité selon le statut des producteurs
Le total de la production d’électricité d’origine thermique à 31’960 GWh est officiel, toutefois nous avons dû, en attendant, faire intervenir quelques hypothèses pour sa répartition en charbon, pétrole et gaz naturel.
La loi 38-16 promulguée le 22 septembre 2016 prévoit que la totalité du par cet du personnel de production renouvelable (hydraulique, éolien et solaire) de l’ONEE-BE son soit transféré à MASEN mais nous gardons la répartition telle qu’elle continue à être diffusée par les créneaux officiels auxquels nous avons accès. Par ailleurs, à notre compréhension de la situation, les producteurs contractés par MASEN agissent tous dans un cadre concessionnel et sont classés comme tels, même si l’électricité « MASEN » finit vendue à l’ONEE-BE.
L’agrégation des chiffres par statut de producteur montre que :
- l’ONEE-BE est doté de 5’556,8 MW soit 45,1% de la capacité totale avec laquelle il ne produit que 21,3% de la PBL[xi] car les capacités de réserve se doivent d’assurer l’équilibre offre / demande,
- les producteurs concessionnels sont dotés de 5’869,1 MW soit 47,6% de la capacité totale hors interconnexions produisant 30’175 GWh/an, soit 69,0% de la PBL,
- les IPP agissant dans le cadre de la Loi 13/09 sont dotés de 5’185 MW soit 7,3% de la capacité totale hors interconnexions produisant, 4’029 GWh/an, soit 9,2% de la PBL,
- les 150 GWh/an des Tiers Nationaux[xii], soit 0,34% de la PBL, bouclent la production privée à 78,6% de la PBL.
SCHÉMA DES FLUX D’ÉLECTRICITÉ JUSQU’À L’ÉNERGIE NETTE APPELÉE
La Figure 2 montre « l’entrée » du schéma des flux d’électricité en 2024. En bas à droite des cellules, les pourcentages dotés d’un signe indiquent la variation par rapport à l’année précédente.
Figure 2 Schéma des flux depuis la production jusqu’à l’électricité nette appelée
Le total de la production d’électricité d’origine thermique à 31’960 GWh est officiel, toutefois nous avons dû, en attendant, faire intervenir quelques hypothèses pour sa répartition en charbon, pétrole et gaz naturel.
Les 11,357 GWh de production d’électricité de sources renouvelable (soit 26,38% de la production nette locale) n’assurent que 24,9% des 45’753 GWh de l’électricité nette appelée (ENA) qui constitue l’alimentation de la demande globale du réseau électrique national. Ainsi, si la production nette locale du Maroc (43’157 GWh) couvre 94.3% de ses besoins en ENA, celle-ci n’est couverte qu’à 25,2% par des sources locales (11’507 GWh). L’électricité du Maroc reste donc énergétiquement dépendante à 74,8% (bien meilleur que les 79% un an plus tôt) et les énergies renouvelables s’affirment, une fois de plus, et jusqu’à nouvel ordre, comme la seule source prouvée et fiable d’indépendance énergétique.
Le total de 11’507 GWh d’électricité produite à partir de sources locales a représenté 25,2% de l’ENA :
- les 2’436 MW d’électricité éolienne, soit 19.7% de la capacité totale, ont produit 9’256 GWh, soit 20,2% de l’ENA,
- les 897 MW d’électricité solaire, soit 7.2% de la capacité totale, ont produit 1’645 GWh, soit 3,60% de l’ENA,
- les 1’306 MW d’électricité hydraulique, soit 10.6% de la capacité totale, ont produit 456 GWh, 1,00% de l’ENA,
- les 150 GWh produits par la chaleur industrielle ont représenté 0,33% de l’ENA.
SATISFACTION DE LA VARIATION DE L’ÉLECTRICITÉ NETTE CONSOMMÉE EN 2024
En 2024, l’électricité nette appelée, de 45’753 GWh, a gagné 1’714GWh par rapport à 2023, mais comment les différentes sources ont-elles satisfait cette hausse, placée dernière dans le graphique ? – La Figure 3 montre comment les sources ont satisfait à l’augmentation de l’ENA entre 2023 et 2024.
Figure 3 Satisfaction de la variation de l’électricité nette appelée entre 2023 et 2024
- Par une augmentation de 2775 GWh du poste ‘Éolien’ à 9256 GWh en 2024,
- Par une augmentation de 738 GWh du poste ‘Imports nets’ à 2595 GWh en 2024,
- Par une augmentation de 102 GWh du poste ‘Barrages’ à 456 GWh en 2024,
- Par une augmentation de 67 GWh du poste ‘Turbinage STEP’ à 230 GWh en 2024,
- Par une diminution de 39 GWh du poste ‘Pétrole’ à 617 GWh en 2024,
- Par une diminution de 73 GWh du poste ‘Gaz naturel’ à 4187 GWh en 2024,
- Par une diminution de 118 GWh du poste ‘Chaleur industrielle’ à 150 GWh en 2024,
- Par une diminution de 272 GWh du poste ‘Absorptions (négatives)’ à -539 GWh en 2024,
- Par une diminution de 504 GWh du poste ‘Solaire’ à 1645 GWh en 2024,
- Par une diminution de 963 GWh du poste ‘Charbon’ à 27156 GWh en 2024,
En 2024, comment les différents producteurs ont-ils contribué satisfaire la hausse de la demande ? – La Figure 4 montre comment les producteurs ont satisfait à l’augmentation de l’ENA entre 2023 et 2024.
Figure 4 Contribution des producteurs à la satisfaction de la variation de l’électricité nette appelée
- Par une augmentation de 812 GWh des apports ‘IPP LER 13/09’ à 4029 GWh en 2024,
- Par une augmentation de 738 GWh des apports ‘Imports nets’ à 2595 GWh en 2024,
- Par une augmentation de 455 GWh des apports ‘Concessions’ à 30174 GWh en 2024,
- Par une augmentation de 100 GWh des apports ‘ONEE-BE’ à 9344 GWh en 2024,
- Par une diminution de 272 GWh des apports ‘Absorptions (négatives)’ à -539 GWh en 2024,
- Par une diminution de 118 GWh des apports ‘Tiers nationaux’ à 150 GWh en 2024,
SCHÉMA DES FLUX D’ÉLECTRICITÉ JUSQU’AUX CLIENTS DES NIVEAUX DE TENSION
Un rappel de la production et des apports des interconnexions et des tiers nationaux est montré dans le haut de la Figure 5qui détaille aussi décomposition de l’électricité sortant des réseaux de l’ONEE-BE jusqu’aux clients des différents niveaux de tension : haute et très haute tension, moyenne tension et basse tension.
Figure 5 Schéma des flux montrant la répartition de l’électricité nette appelée en sortie
Plusieurs estimations ont été faites par nos propres soins :
- la livraison par l’ONEE-BE aux clients THT/HT des IPP agissant dans le cadre de la LER,
- la vente des 12 distributeurs à leurs clients puis sa décomposition en MT et BT.
A terme, les ventes THT/HT devraient rester une activité ONEE-BE et auraient atteint 6’166 GWh en 2024. Toutefois, les cellules grises montrent les 88,7% des ventes aux clients directs que l’ONEE-BE doit céder :
- au profit des SRM avant 2027, le total des ventes BT, qui aurait atteint 15’823 GWh en 2024,
- au profit des SRM avant 2027, le total des ventes MT, qui aurait atteint 15’678 GWh en 2024,
LES COÛTS DES PRODUITS ÉNERGÉTIQUES IMPORTÉS POUR L’ÉLECTRICITÉ
Aucun chiffre officiel n’est régulièrement publié en montrant réellement le coût des imports destinés à l’électricité. Toutefois certaines des références officielles rapportées donnent les consommations en masse (kg) des combustibles (charbon, gaz naturel, fuel et gasoil) destinés à la production électrique, ce qui permet d’estimer la part du coût des imports destinés à l’électricité au prorata des masses destinées à l’électricité. C’est avec ces calculs que le tableau montré dans la Figure 6 a été généré, il montre, notamment que la part des intrants importés dans les coûts de l’électricité :
- aurait atteint 0,34 Dh/kWh pour le charbon,
- aurait atteint 0,58 Dh/kWh pour l’électricité importée en l’état,
- aurait atteint 0,80 Dh/kWh pour le gaz naturel,
- aurait atteint 4,96 Dh/kWh pour les produits pétroliers que sont le fuel et le gasoil.
Pour 2024, la Figure 6 met en évidence la part des imports nets de produits énergétiques destinés à la production d’électricité contenue dans le total des imports nets de produits énergétiques[xiii].
Figure 6 Part de l’électricité dans les imports nets destinés aux produits énergétiques
Sans doute ce tableau et le classement qu’il montre pour les coûts unitaires des intrants importés pour la production d’électricité contient-il une part d’explication au fait que le niveau des imports d’électricité se maintienne alors que, depuis 2018, les centrales au gaz naturel du Maroc ne sont même pas suffisamment approvisionnées[xiv]. Mais alors, tant que se maintiendra le classement ci-dessus, il ne peut expliquer l’engouement récent de l’ONEE-BE pour acquérir des capacités importantes de turbines à gaz alimentées au gaz naturel[xv] si elles sont destinées à compenser l’intermittence des renouvelables et cela va même à contresens de l’intérêt économique à l’heure où le coût du stockage sur batterie (BESS) soit devenu financièrement compétitif15 après s’être divisé par 10 depuis 2013. Peut-être y a-t-il une explication mais j’espère, au moins, que l’on ne parie pas sur une division par deux du coût du gaz naturel ?
Par Amin BENNOUNA (sindibad@uca.ac.ma)
[i] Ministère de l’Energie, des Mines et de l’Environnement du Royaume du Maroc, « Portail des statistiques de l’Observatoire Marocain de l’Energie« , https://www.observatoirenergie.ma/data/ – Ce site a été fermé en 2021
[ii] Direction des Etudes et de la Planification Financière, Ministère de l’Economie, des Finances, « Notes de Conjoncture« , http://depf.finances.gov.ma/etudes-et-publications/note-de-conjoncture/
[iii] Direction du Trésor et des Finances Extérieures, Ministère de l’Economie, des Finances, « Notes de Conjoncture« , https://www.finances.gov.ma/fr/Nos-metiers/Pages/notes-conjoncture.aspx
[iv] Bank Almaghrib, « Revue de la Conjoncture Economique« , http://www.bkam.ma/Publications-statistiques-et-recherche/Documents-d-analyse-et-de-reference/Revue-de-la-conjoncture-economique
[v] Haut Commissariat au Plan, Annuaire Statistique du Maroc, Version électronique après 2013 https://www.hcp.ma/downloads/Annuaire-statistique-du-Maroc-version-PDF_t11888.html, Version papier ou scannées avant 2013 https://cnd.hcp.ma/
[vi] Haut Commissariat au Plan, Bulletins statistiques, https://www.hcp.ma/downloads/?tag=Bulletins+statistiques
[vii] Red Eléctrica de España, Intercambios, https://www.ree.es/es/datos/intercambios
[viii] Office National de l’Electricité, « Rapports d’activités de l’ONEE – Branche électricité« , https://www.one.ma/fr/pages/interne.asp?esp=2&id1=10&id2=73&t2=1
[ix] Office National de l’Electricité, « Dépliants Statistiques« , https://www.one.ma/fr/pages/interne.asp?esp=2&id1=10&id2=182&t2=1
[x] Office des Changes, « Base de données du commerce extérieur du Maroc« , https://services.oc.gov.ma/DataBase/CommerceExterieur/
[xi] La production brute locale (PBL) inclut les productions AVANT déduction des absorptions. La production nette locale (PNL) est obtenue APRÈS leur déduction. L’électricité nette appelée (ENA) s’obtient par ajout du solde des imports, si positif.
[xii] La chaleur des réactions chimiques sert à produire une partie des besoins électriques des « Tiers Nationaux » cédant à l’ONEE-BE leurs excédents, 3 à 5% de leur production. Depuis 1998, les bilans nationaux ignorent leur production et leur puissance.
[xiii] Amin Bennouna, « Adoucissement de la facture énergétique du Maroc de 2024 mais elle reste encore à la limite de la ‘zone rouge’« , EcoActu, 08 Avril (2025), https://ecoactu.ma/adoucissement-de-la-facture-energetique-du-maroc-de-2024/
[xiv] Amin Bennouna, « Les centrales électriques au gaz naturel sont insuffisamment approvisionnées depuis 2018 », EcoActu, 28 Avril (2025), https://ecoactu.ma/centrales-electriques-au-gaz-naturel/
[xv] Amin Bennouna, « Pourquoi a-t-on lancé tant d’appels d’offres et à manifestation d’intérêt pour des turbines à gaz ?« , EcoActu, 21 Avril (2025), https://ecoactu.ma/pourquoi-a-t-on-lance-tant-appels-doffres-et-a-manifestation-dinteret-pour-des-turbines-a-gaz/